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Escroquerie, agressions sexuelles : la triste fin du KSV Roulers

Par Maxime Renaudet
6 minutes
Escroquerie, agressions sexuelles : la triste fin du KSV Roulers

Relégué en Nationale 1 (D3) au mois de mai, le KSV Roulers devait éviter la faillite grâce à de nouveaux investisseurs. Mais après un recrutement massif, le projet s'est transformé en mirage, laissant tout un effectif sur le carreau. Depuis, le club belge a disparu, et son directeur sportif, Jolan Fund, est en geôle pour escroquerie et agressions sexuelles.

Le 27 juillet 2020, dans la salle de presse du KSV Roulers, le nouveau directeur sportif, Jolan Fund, fait face aux journalistes. Débraillé et l’œil amusé, il regarde défiler ses huit nouvelles recrues, dont le Français Alexandre Arenate. Formé au PSG et passé pro au Red Star, avant de filer en Belgique en 2016, le joueur de 25 ans entend participer au retour du Esvee en D1B. Un projet ambitieux pour une équipe qui en a été reléguée en mai, la faute à sa propriétaire Xiu Li Dai, qui a refusé d’apporter les garanties bancaires exigées par la commission des licences. Heureusement, pour éviter la faillite, Fund a trouvé de nouveaux investisseurs, dont le Sporting Portugal.

Vaste blague puisque après une seconde vague de recrues, les premiers doutes s’installent. « Quelques jours après mon arrivée, on m’a fait comprendre qu’il fallait que je baisse mon salaire. Le directeur sportif a donc demandé au coach que je m’entraîne avec l’équipe B et que je n’ai pas accès aux vestiaires de l’équipe première, rembobine Alexandre Arenate, qui a côtoyé Presnel Kimpembe et Kingsley Coman au PSG. Mais à ce moment-là, on n’avait aucun doute sur le fait que le club ne soit pas stable, car c’était une situation uniquement personnelle. Ce n’est que quelques semaines plus tard qu’on a compris qu’on s’était fait avoir. »

Quand on n’a pas reçu notre premier mois de salaire et que le directeur sportif ne répondait plus au téléphone, ça a commencé à être bizarre

Le souffle du vent

Trois mois après la fin d’une aventure éphémère, Alexandre rumine encore ce début de saison avorté. « On peut dire que ça m’a mis dans la merde, car au vu du contexte, trouver un club fin juillet était une chance. Mais à l’inverse, se retrouver sans contrat début octobre, c’était très compliqué. » Le Français de 25 ans n’est pas le seul dans cette situation puisque 23 joueurs sont arrivés libres à l’intersaison. Il reste néanmoins conscient qu’il n’est pas le plus à plaindre. « J’avais un studio du club, j’ai eu de la chance. Je n’avais rien à mes frais à ce niveau-là, contrairement à d’autres qui étaient à l’hôtel et à qui on a demandé d’avancer les frais. » Certains faisaient même la route tous les jours, en provenance des Pays-Bas ou de Bruxelles. C’est le cas de Thomas Doore, arrivé de Saint-Trond : « Je devais recevoir une carte d’essence et une voiture, mais on nous disait toujours que ça arriverait bientôt. Après, on n’a pas reçu notre premier mois de salaire, et le directeur sportif ne répondait plus au téléphone. C’est là que ça a commencé à être bizarre. »

Le 6 septembre, le président Yves Olivier annonce que les prétendus investisseurs ne viendront pas, et que des contrats ont été rédigés avec de fausses signatures, suspendant de leurs fonctions Jolan Fund et Diederiek Degryse. Avant que ce dernier ne contre-attaque : « Nous avons probablement tous été induits en erreur par les actions de M. Fund. Je me dissocie donc complètement de M. Fund.[…]Entre-temps, j’ai donné instruction à mon avocat de déposer immédiatement une plainte contre M. Fund. » Refusant de s’exprimer sur l’affaire tant que des procédures sont en cours, l’ex-CEO du Esvee a bien fait de se dissocier de Jolan Fund. Car deux jours plus tard, la presse flamande révèle que le parquet de Courtrai enquête sur ses magouilles au club, tandis que celui d’Anvers a ouvert une enquête judiciaire pour agressions sexuelles et incitation à la débauche.

Il proposait des tests en échange de faveurs sexuelles

Après ces révélations, Yves Olivier a bien tenté de trouver de nouveaux investisseurs, dont un industriel français spécialisé dans les boissons gazeuses. Mais le 11 septembre, il se rend à l’évidence : son club est en faillite à cause de Jolan Fund. Cet Anversois de 25 ans avait tenté de reprendre le Lommel SK, avant que le City Group ne s’en empare, jetant son dévolu sur Roulers. Ses faits d’armes précédents ? Avoir été gestionnaire de compte dans une entreprise de gazon synthétique, entraîneur des jeunes de divers clubs de la région d’Anvers, mais aussi président et gardien d’un club de futsal. Au Esvee, son jeune âge et son manque d’expérience ont étonné dès le début : « Quand il parlait, il n’était pas trop sûr de lui. Mais on se disait qu’il ramenait des investisseurs et de l’argent, alors personne ne disait rien, explique Thomas Doore. Ce n’est qu’après que tu te rends compte que le type était un fou. »

  Un jour, il a envoyé à un de nos défenseurs : « Si tu veux que j’augmente ton salaire, il faudra faire des trucs en plus. »

La saison dernière, alors qu’il était encore actif avec les U17 du KFC Duffel, Fund a proposé à certains joueurs des tests dans des clubs, en échange de faveurs sexuelles. Il a finalement été viré du club pour avoir falsifié son diplôme d’entraîneur, et fait consommer de l’alcool aux U17 après un match. À l’heure actuelle, une quinzaine de victimes se seraient manifestées, mais toutes sont originaires de la région d’Anvers. Pourtant, à Roulers, l’attitude de Fund a aussi posé quelques questions. « Un jour, il a envoyé à un de nos défenseurs : « Si tu veux que j’augmente ton salaire, il faudra faire des trucs en plus », raconte Thomas Doore. Il l’a directement envoyé à son agent qui s’en est étonné. Puis dès que la nouvelle est tombée, il nous en a parlé dans le vestiaire et on a trouvé ça vraiment étrange. »

Plus de deux mois après la mort du Esvee, Jolan Fund est toujours en geôle, la police belge continue d’enquêter, et de nombreux joueurs sont toujours sans club. C’est le cas de Thomas Doore et plus de dix joueurs arrivés cet été dans l’espoir de se relancer. Certains se maintiennent en forme avec un coach, d’autres font des essais à droite à gauche, et tous guettent l’évolution de la Covid-19 afin de savoir quand les championnats amateurs reprendront. À Roulers, le club a organisé une vente aux enchères fin octobre pour récupérer des ronds. Mais la somme récoltée – moins de 10 000 € – ne suffira pas à éponger une dette qui avoisinerait les 2 millions. Étrange clap de fin pour un club qui a joué une seule fois l’Europe, grâce au prix du fair-play.

Dans cet article :
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Par Maxime Renaudet

Propos d'Alexandre Arenate et Thomas Doore recueillis par MR.

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