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  • Le fiasco de Knysna 2010
  • Épisode 2/5

Équipe de France – Le fiasco de Knysna 2010 – Épisode 2/5

Chérif Ghemmour
7 minutes
Équipe de France – Le fiasco de Knysna 2010 – Épisode 2/5

La catastrophe de Knysna trouve ses causes principales dans le maintien de Raymond Domenech à la tête des Bleus après le fiasco de l’Euro 2008. Un sélectionneur décrédibilisé et une gouvernance du foot français qui navigue à vue ont préparé l’inéluctable.

« J’ai qu’un seul projet : c’est d’épouser Estelle. » Le regard perdu, Raymond Domenech fait le show en lançant un S.O.S après la défaite face à l’Italie (2-0) qui élimine les Bleus de l’Euro 2008 : « C’est dans ces moments-là qu’on a besoin de tout le monde, et moi j’ai besoin d’elle. » Or, Estelle Denis, sa compagne, doit assurer de suite le débrief de cette élimination dans son émission 100% Foot sur M6. Malaise… Au soir de cet appel du 18 juin 2018, cet hallucinant carambolage TV va mettre fin (croit-on) à une longue dérive : l’accaparement narcissique de l’équipe de France par son sélectionneur.

Domenech bat France 98 !

Le 15 mai 2006, Raymond Domenech avait carrément privatisé les Bleus à son profit en bâclant sur TF1 la présentation de sa liste des 23 au Mondial 2006 pour réserver l’exclusivité de ses commentaires à SFR, avec Estelle Denis (pigée pour le job) en intervieweuse. La FFF l’avait alors sommé de suspendre son contrat avec l’opérateur téléphonique. Féru de théâtre, d’astrologie et de sciences humaines, Raymond avait fait le show en débarquant à l’Euro en annonçant sans rire qu’il venait pour le gagner. Résultat : un piteux 0-0 face à la Roumanie, une déculottée mémorable face aux Pays-Bas (4-1), un revers contre l’Italie (2-0) et une dernière place du groupe ! En sus de sa déclaration à Estelle, on pense qu’il va aussi gicler, malgré sa prolongation de contrat jusqu’à 2010 accordée hâtivement après son « titre » de finaliste de la Coupe du monde 2006. Une belle performance pilotée surtout par Zidane, arrivé en sauveur à l’été 2005 avec son lieutenant Makélélé…

Or, le 3 juillet 2008, le conseil fédéral de la FFF le confirme dans ses fonctions par 18 voix pour et une abstention ! Devant le conseil, Raymond avait fait le show avec un mea culpa extravagant sur le fiasco de l’Euro ( « J’aurais dû dire que je préparais en fait la Coupe du monde 2010 » ) et la promesse d’améliorer sa com… Raymond a surtout pu compter sur une incroyable coalition hétéroclite qui va de Michel Platini à Aimé Jacquet, en passant par Gérard Houllier (chef de la DTN), Jean-Pierre Escalettes et Noel le Graët (président et vice-président de la FFF), ainsi que le tout-puissant Jean-Michel Aulas. C’est leur opposition globale à France 1998 et à Frédéric Thiriez, président de la LFP, qui militent pour une candidature Deschamps, qui a consolidé leur soutien à Domenech. Raymond a aussi pu compter sur le renfort quelque peu « sollicité » de certains de ses joueurs, tels Ribéry, Vieira, Boumsong, Thuram, Sagnol, Lass Diarra, qui ont assuré pour lui le SAV dans les médias. Nommé en 2004, Domenech repart donc pour un bail long de six années…

La guillotine et l’odeur du sang…

Raymond pense avoir décroché le tube de l’été, fort du large soutien fédéral qui l’a propulsé jusqu’au mondial sud-africain de 2010. Mais dès la défaite d’août 2008 en premier match de qualif en Autriche (3-1), les mêmes instances du football français se défient aussitôt de lui en ne lui accordant tacitement que quelques matchs pour faire ses preuves. Sinon, il giclera ! Raymond, qui avait pourtant juré de réformer sa communication, va encore faire le show. Le 9 septembre, veille de France-Serbie, il déclare en conf de presse : « Il y a du monde aujourd’hui. L’odeur du sang vous intéresse.(…)Heureusement que les lois d’exception et la guillotine n’existent plus, sinon certains parmi vous se feraient un malin plaisir de m’envoyer sur l’échafaud. » Raymond sauvera sa tête avec une victoire des Bleus le lendemain (2-1) et un bon nul en Roumanie (2-2). L’année 2008 de l’équipe de France s’achève sur une situation chaotique : Raymond a été lâché par les instances du foot français et lui n’a cédé en rien à ses penchants égocentriques qui le maintiennent plus fermement dans un rôle de comédien paranoïaque qui ferraille avec les médias plutôt que dans la fonction du sélectionneur…

L’année 2009 s’achèvera péniblement avec une deuxième place de poule derrière la Serbie et des barrages contre l’Irlande. Après la victoire à Dublin (1-0), les Bleus frôlent la cata le 18 novembre : menés 1-0 dès la 33e minute, ils égalisent en prolongation à la 103e grâce à un but de Gallas servi par Thierry Henry qui avait d’abord contrôlé le ballon de la main ! La France se qualifie pour l’Afrique du Sud dans la confusion et la réprobation générale. Raymond s’en fout et met en avant sa troisième qualification d’affilée des Bleus à un tournoi international. Le tirage pas trop défavorable ensuite en décembre 2009 leur attribue l’Uruguay, le Mexique et l’Afrique du Sud. Le jackpot… Ce qui n’empêche pas Éric Cantona de persifler de façon prémonitoire deux mois plus tard : « Raymond Domenech est le sélectionneur de l’équipe de France le plus nul depuis Louis XVI. » Encore la guillotine…

Henry bat Domenech !

En mars 2010, les Bleus se font tôler par l’Espagne au Stade de France (2-0). L’attaque a été calamiteuse : Ribéry, Anelka et Henry jouent dans leur coin, en rupture totale avec le reste de l’équipe, excédée en outre par leur manque d’implication défensive. Anelka qui déserte sa position de n°9 décroche sans cesse pour encombrer la zone de Gourcuff… qui ne trouve plus Nico en pointe ! Ribéry confirme sa mauvaise passe au Bayern et, à 32 ans, le capitaine Thierry Henry, affaibli au Barça, accomplit sans doute la saison de trop au plus haut niveau. Alors que l’affaire Zahia qui mazoute les internationaux Ribéry, Benzema et Govou a déjà éclaté, Raymond se rend justement à Barcelone, en mai, pour signifier à Titi qu’il ne le prendra pas en Afrique du Sud. Mais King Henry s’accroche à sa couronne : il tient à établir le record de quatre participations en Coupe du monde avec l’équipe de France. Il jure de jouer au coéquipier modèle ! À l’inverse d’Aimé Jacquet avec Éric Cantona en 1996, Domenech cède : Titi sera dans les 23…

Le 21 mai, comme pour prémunir la FFF d’un échec éventuel des Bleus au mondial, Jean-Pierre Escalettes annonce de façon quasi officielle que Laurent Blanc prendra la tête des Bleus après la Coupe du monde. Raymond accuse le coup : « J’ai été fragilisé. J’étais en fin de mandat. On ne me parlait plus de la même façon. » Pas faux : quelle crédibilité auprès des joueurs pour un sélectionneur sur le départ ? Le 24 mai, la liste des 23 mondialistes tombe avec l’absence notable de Benzema, Ben Arfa et Nasri. Le 26, les Bleus disposés en un 4-3-3 très emballant battent le Costa Rica 2-1 à Lens. Problème… Titi Henry entré en seconde période a compris qu’il ne serait pas titulaire au Mondial. Et puis le vice-capitaine Gallas (blessé) découvre juste avant le match que le brassard de capitaine qu’il convoitait a été confié à Patrice Évra. « Pat » sera donc le capitaine des Bleus en Afrique du Sud. Certes, il l’a été à Manchester. Mais capitaine de l’équipe de France, c’est autre chose. Surtout en période de turbulences. Henry et Gallas viennent, eux, d’entrer en dissidence…

Le fusil bouché de Raymond…

Les Bleus s’envolent ensuite pour un périple invraisemblable avec escale à Tunis (1-1 face à la Tunisie) et à La Réunion où ils perdent contre la redoutable Chine (1-0). Ils débarquent enfin en Afrique du Sud au mondial des vuvuzelas, du Jabulani et du Waka Waka. Au pays de Mandela, les locaux sont déçus par cette équipe de France pourtant si métissée qui réside dans l’hôtel le plus cher (Pezula Resort, 589 euros/nuit), qui se rend à Soweto sans la secrétaire d’État Rama Yade et surtout qui marque une distance envers ses supporters et la population sud-africaine, n’ouvrant que très peu d’entraînements au public. Comme à l’hôtel Mirador Kempinski de l’Euro 2008, Domenech impose un confinement paranoïaque qui va vite exacerber les tensions d’un groupe déjà sur les nerfs.

En interne, après moult palabres, Ribéry a obtenu de jouer dans le couloir gauche, condamnant Malouda à beaucoup défendre au milieu. À cran, Florent, qui pourtant marche sur l’eau avec Chelsea, en vient à dézinguer Valbuena à l’entraînement. Lors de ces séances, Vincent Duluc observe que Ribéry et Anelka « balancent des briques à Gourcuff », des ballons injouables, sans qu’il ne réagisse. Raymond Domenech avait pourtant promis « des coups de fusil aux joueurs qui arriveraient à la Coupe du monde avec leur ego en bandoulière ». Pour le premier match contre l’Uruguay du vendredi 11 juin, il abandonne soudain le 4-3-3 pourtant travaillé intensément à Tignes et en matchs amicaux pour un 4-2-3-1. Celui de 2006. Mais sans les joueurs de 2006…

Épisode 1 : Terminus, personne ne descend !Épisode 2 : Le show DomenechÉpisode 3 : Knysna 2010, autopsie d’un naufrageÉpisode 4 : Les « caïds immatures » et les « gamins apeurés » Épisode 5 : La vie après Knysna

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Chérif Ghemmour

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