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Équipe de France : l’incroyable ascension de Christopher Nkunku

Par Maxime Brigand
10 minutes
Équipe de France : l’incroyable ascension de Christopher Nkunku

Arrivé à Leipzig en juin 2019, Christopher Nkunku, devenu l'un des joueurs offensifs les plus décisifs d'Europe, a enfin reçu le premier carton d'invitation à un rassemblement international de sa carrière. Mais comment en est-il arrivé là ?

La première flèche avait été tirée début novembre, au beau milieu de l’amphithéâtre de la FFF. La veille, Christopher Nkunku avait de nouveau sorti une prestation solaire lors d’un grand col et avait même poussé son pote Presnel Kimpembe aux frontières du torticolis. Le PSG avait été accroché à Leipzig (2-2), mais il n’y en avait eu que pour le petit format de Lagny-sur-Marne, buteur de la tête au bout de huit minutes et menace multi-zones permanente tout au long des 90 minutes. Didier Deschamps avait alors eu le droit à sa petite question. Ce à quoi il avait répondu : « Christopher fait partie des joueurs que l’on suit. Il aurait pu y être, il fait des choses très intéressantes, ce qu’il a de nouveau confirmé hier soir face au PSG. Il n’est pas là, mais il fait partie des candidats sérieux pour la suite. Je ne peux que l’inciter à continuer. » Défi, réaction : porté par un début de saison plus que prometteur malgré les vagues traversées par son club, ce qui a fait glisser Jesse Marsch début décembre et a provoqué le débarquement en urgence d’un Domenico Tedesco qui n’a depuis connu que deux fois la défaite toutes compétitions confondues, Nkunku a continué à mettre le bordel dans les derniers tiers adverses (26 buts et 12 passes décisives toutes compétitions confondues cette saison), au point d’être aujourd’hui rangé au milieu des requins offensifs d’Europe que sont Benzema, Lewandowski, Salah et Mbappé. Avant son départ, Marsch avait pris le temps de glisser que le Français, joueur de champ le plus utilisé de Leizpig cette saison, était devenu à 24 ans un joueur « sans point faible ».

Par rapport au joueur qu’il était au départ, son registre a évolué. Aujourd’hui, il est plus axial, presque deuxième attaquant. Avec Leipzig, il a beaucoup de liberté, il est aujourd’hui plus proche du but et avec nous, il sera utilisé dans ce secteur-là.

Si Didier Deschamps n’a pour le moment pas été aussi élogieux, le sélectionneur français a néanmoins estimé qu’il ne fallait plus laisser le petit monstre se débattre en solitaire lors des trêves internationales. Jeudi, Christopher Nkunku a ainsi reçu sa première invitation chez les A, et Deschamps en a profité pour avouer qu’il aurait peut-être pu l’appeler un poil plus tôt. Peu importe, le voilà. « Par rapport au joueur qu’il était au départ, son registre a évolué, a également précisé le premier coach de France. Aujourd’hui, il est plus axial, presque deuxième attaquant. Avec Leipzig, il a beaucoup de liberté, il est aujourd’hui plus proche du but et avec nous, il sera utilisé dans ce secteur-là. » Mais comment un joueur aussi total a-t-il pu émerger et que peut-il amener aux Bleus ?

Crevette de qualité supérieure

Tous ceux qui ont un jour croisé Nkunku sont unanimes : beaucoup de choses. Il faut se souvenir des propos tenus au printemps 2016 par Laurent Blanc, le coach qui a lancé celui qui n’était alors qu’une crevette sur la grande scène, fin 2015, au bout d’un match de Ligue des champions face au Shakhtar Donetsk (2-0). « C’est un joueur que j’ai apprécié dès la première fois que je l’ai vu. Il était venu pour nous rendre service avec d’autres joueurs du CFA, décryptait alors le Président. Quand on est à Paris et qu’on a l’effectif que nous avons, même pour les jeunes joueurs, c’est difficile. Il y a tellement de qualité, même dans les jeux. Si vous venez à une séance, où il y a un 4 contre 4, un 6 contre 6 ou une conservation, vous allez vraiment avoir du mal si vous n’êtes pas bon techniquement. Christopher, j’ai toujours de suite remarqué son aisance technique et je pense que je n’ai pas été le seul. C’est marrant parce les joueurs pros sont attentifs aux jeunes qui arrivent. Au départ, ils regardent et vous testent un petit peu. Si ça leur convient, ils vont vers vous, et j’ai un peu senti que certains joueurs ont eu la même remarque que celle que j’avais eue pour Christopher. » À l’époque, Maxwell et Serge Aurier ont, entre autres, rapidement pris le jeune Nkunku sous leur aile.

Laurent Bonadéi, qui a coaché le futur international français en U17 et en U19 au PSG, n’a pas oublié les premiers pas du jeune Christopher Nkunku chez les pros. Il en a même gardé des images très nettes. « Durant les périodes de trêve internationale, j’emmenais souvent mon équipe de U19 faire des oppositions avec les pros parce qu’il manquait des joueurs, retrace celui qui est aujourd’hui l’entraîneur adjoint d’Hervé Renard sur le banc de l’Arabie saoudite. Un jour, ils n’étaient vraiment pas nombreux. Il a fallu envoyer un joueur pour compléter le onze des pros et jouer à côté de Thiago Motta. On a choisi « Christo » et on a tout de suite senti une connexion dans le jeu entre eux similaire à celle qu’il pouvait avoir à l’époque avec Verratti. Quand vous êtes formateur et que vous voyez un jeune s’intégrer aussi rapidement, vous êtes forcément aux anges. » Arrivé au PSG en 2010, époque où il se construisait la semaine à l’INF Clairefontaine avant de logiquement intégrer le centre de formation du club parisien, Nkunku, 157 centimètres pour 53 kilos lorsqu’il s’est pointé la première fois dans le groupe U17, a pourtant dû longtemps être protégé par ses formateurs. « Notre premier enjeu a été de préserver son intégrité physique pour lui permettre de poursuivre au mieux son évolution et qu’il puisse s’exprimer au mieux, éclaire Bonadéi. Aux entraînements, je faisais très attention à la composition des équipes lors des jeux et en match, alors qu’il jouait au départ sur un côté, je lui ai proposé d’aller dans l’axe. » Double objectif : moins exposer le joueur, souvent un peu coincé par la ligne de touche, et pouvoir profiter au maximum de ses idées dans le cœur du réacteur. Laurent Bonadéi enchaîne : « Très jeune, Christopher avait déjà un volume de jeu intéressant, une vision du jeu et une qualité technique magnifiques, une qualité supérieure pour détecter les zones, mais aussi une très belle frappe de balle. Il avait tout pour être le dépositaire du jeu. » Preuve par les chiffres : au cours de sa dernière année au centre de formation, Christopher Nkunku a sorti 19 passes décisives de sa poche.

Comme il n’a longtemps pas pu se protéger avec son corps, Christopher a appris à libérer le ballon plus vite que d’autres qui pouvaient se donner plus de temps pour agir.

« Il peut piquer de partout »

Plus petit que ses potes et surtout plus frêle, Nkunku a été obligé, par nature, de devenir un joueur différent : un joueur limitant au strict minimum ses touches de balle, condamné à éviter le duel et capable de lire plus rapidement que le reste des joueurs de champ présents sur le gazon. « Comme il n’a longtemps pas pu se protéger avec son corps, Christopher a appris à libérer le ballon plus vite que d’autres qui pouvaient se donner plus de temps pour agir, analyse Bonadéi. Quand il est arrivé au PSG, il avait deux points forts – sa vitesse et sa technique -, mais il a fallu le protéger, car son corps ne lui permettait pas toujours de mettre à exécution toutes les idées qu’il avait en tête. Avec Bertrand Reuzeau, le directeur du centre de formation, et Jean-Claude Giuntini, qui était à l’époque son sélectionneur en équipe de France, on avait cependant défini une stratégie pour lui permettre de garder la confiance : quand on le protégeait, Jean-Claude le convoquait en sélection pour lui prouver qu’il avait bien le talent pour être avec les meilleurs, et inversement. C’était un équilibre entre signal positif et signal un peu plus négatif, mais simplement pour l’aider à grimper sereinement. » L’autre levier a été de faire évoluer Christopher Nkunku dans plusieurs zones pour qu’il puisse mettre à l’épreuve de différents contextes son jeu fin et chaloupé et qu’il puisse acquérir des compétences multiples. « Avec François Rodrigues, on l’a fait pour Christopher, mais aussi pour Kingsley Coman ou Jonathan Ikoné, sourit Laurent Bonadéi. Un peu de confort dans leur catégorie d’âge, plus de difficultés pour les stimuler avec les U19. Aujourd’hui, on a des joueurs modernes, tous offensifs, mais qui peuvent piquer de partout et dans n’importe quel système. »

Cet atout a été exploré par tous les entraîneurs croisés par Nkunku. Lors du dernier semestre 2018, Thomas Tuchel, qui a toujours adoré la flexibilité tactique du jeune Français, qu’il considérait quand même comme « un huit-dix », a même aligné son numéro 24 en piston droit dans un 3-4-2-1 lors d’une victoire à Nice ou en latéral droit dans un 4-3-3 au cours d’un succès face à Amiens. Transformé en relayeur lors de ses dernières années de formation, Christopher Nkunku, qu’Unai Emery a un temps tenté de ramener à Arsenal, a finalement dû quitter le PSG lors de l’été 2019 au terme de son cycle d’apprentissage pour franchir l’étape supérieure. Sur le moment, Tuchel avait concédé une petite « larme à l’œil » : « Il est important d’avoir un nouveau rôle pour lui à l’étranger, je lui ai dit qu’il trouverait un entraîneur de haut niveau, mais aussi un club de haut niveau, en allant à Leipzig. Il a un potentiel incroyable. » Le PSG, qui a quand même réussi à récupérer un chèque de treize millions d’euros dans l’affaire, a alors vu un nouveau potentiel maison filer et l’a surtout vu devenir un joueur encore plus total en Allemagne, au bord de l’excellence dans la majorité des domaines. De passage au Parc en octobre dernier avec Leipzig, Nkunku, petit prince pour être une cible faisant progresser le jeu des siens en Bundesliga ou, surtout, pour attaquer la profondeur (ce qui pourrait en faire un complément idéal à Karim Benzema), l’a parfaitement démontré, se montrant, malgré la défaite finale des siens, brillant dans sa capacité à se sortir de la pression grâce à une première touche d’une grande justesse et pour jouer, à l’aide de ses chevilles, avec le sablier d’une rencontre.

À tous les entraînements, il donne, se dépense, ne triche pas. Je pense qu’il a atteint un stade où il sait ce qu’il vaut et ce qu’il est capable de faire.

« Il n’y a rien de miraculeux, a malgré tout tenu à préciser Mohamed Simakan dans les colonnes de L’Équipe mi-octobre. À tous les entraînements, il donne, se dépense, ne triche pas. Je pense qu’il a atteint un stade où il sait ce qu’il vaut et ce qu’il est capable de faire. » Lors de l’été 2020, Christopher Nkunku avait laissé entendre dans France Football que le bleu lui allait bien et qu’avec « deux étoiles dorées sur la poitrine, cette couleur [lui] irait encore mieux ». Après s’être musclé, après avoir vu plusieurs de ses potes rejoindre les Bleus, après avoir réussi quatre passes décisives lors d’un même match en février 2020 sur la pelouse de Schalke, après avoir planté un triplé sur la pelouse de Manchester City en septembre 2021, après avoir tracé son propre destin – déclinant notamment l’idée d’un prêt lors des jeunes années au PSG pour continuer à apprendre patiemment au quotidien avec des joueurs de très haut niveau plutôt que de lutter pour le maintien – et après avoir fait le tour des costumes, voilà Nkunku, quatrième joueur de Bundesliga qui cadre le plus ses frappes et dans le top 10 aux passes-clés, mais aussi aux passes réussies dans les surfaces adverses, chez les Bleus. À lui désormais de rester dans un groupe qui va de nouveau bosser le 3-4-1-2, soit le même système que celui utilisé par Tedesco à Leipzig, mais l’histoire de son début de carrière est ainsi faite : à chaque fois que le joueur de Leipzig s’installe à une table, quelle que soit sa forme, on ne lui retire plus son rond de serviette.

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Par Maxime Brigand

Tous propos recueillis par MB, sauf mentions.

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