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En Argentine, la Bombonera redonne le sourire à Lionel Messi
Indignés par le traitement reçu par le septuple Ballon d’or à Paris, les supporters argentins voulaient réconforter leur capitaine ce vendredi soir dans l’antre de Boca Juniors. Ovationnée pendant une grande partie de la rencontre, la Pulga les a remerciés en étant buteur et grand artisan de la victoire de l’Albiceleste face au Venezuela (3-0). Avec les siens, il se sent bien. Reportage autour de ce qui était peut-être bien le dernier match de Messi en Argentine.
Le sourire jusqu’aux oreilles, Lionel Messi savoure son tour d’honneur en chantant et sautant avec ses coéquipiers. Les quelque 50 000 spectateurs qui ont rempli la Bombonera ce vendredi soir n’en finissent plus de lui rendre hommage après le coup de sifflet final. Le public a bien saisi l’importance du moment. Si cette rencontre remportée 3-0 face au Venezuela n’avait aucun enjeu sportif, il s’agissait en revanche du dernier match de l’Argentine sur ses terres avant la Coupe du monde. Dans les travées, tous se posent la question. Reverront-ils le septuple Ballon d’or au pays sous le maillot de l’Albiceleste après le Qatar ? « Je ne sais pas. Après le Mondial, je vais prendre le temps de réfléchir. Beaucoup de choses vont sûrement changer », expliquait le joueur au micro de TYC Sports.
La Pulga prend le temps de saluer chaque virage. Comme s’il disait au revoir à ce public qui, depuis sa victoire en Copa América l’année dernière, a enfin appris à l’aimer et à le défendre de manière inconditionnelle au crépuscule de sa carrière. « Ce soir, je suis davantage venu pour voir Messi que la sélection », reconnaît Matías, un supporter qui a voyagé depuis Rosario, la ville natale de l’idole nationale. « Le simple fait de t’avoir vu donne un sens à ma vie », lit-on sur une banderole en tribunes. Ici, le numéro 10 semble dans une autre dimension. Loin, très loin de Paris et de cette humiliante élimination contre le Real Madrid qui a déclenché les critiques de la presse française et les sifflets du Parc des Princes. Ici, au milieu des siens, la Pulga respire et joue mieux.
Je vais bien, ne t’en fais pas
Dans une équipe amputée de plusieurs titulaires blessés, suspendus ou covidés, Messi a fait honneur à son brassard de capitaine contre une très faible équipe du Venezuela, pire nation sud-américaine dans ces éliminatoires. D’abord en faux numéro 9 puis replacé à droite, le Parisien a été influent pendant tout le match, constamment mobile pour créer des espaces à ses coéquipiers. Il initie le mouvement amenant le but de Nicolás González (1-0, 34e) sur un centre de Rodrigo de Paul. Après le break réalisé par Ángel Di María (2-0, 79e), l’autre star de la soirée, il profite d’un festival de son coéquipier parisien pour envoyer le ballon au fond des filets d’une horrible reprise du pied droit (3-0, 80e), sa première réalisation depuis le 6 février dernier (1-5 contre Lille). Si son partenaire d’attaque Joaquín Correa avait été plus réaliste face au gardien, Messi aurait même pu ajouter une passe décisive à cette soirée rêvée.
⚽️??Le but de Messi célébré par la Bombonera. Passe décisive de Di María. 3-0. Fête totale à la Boca. pic.twitter.com/lwNeD7kSGu
— Georges Quirino Chaves (@georgesquirino) March 26, 2022
Si certains de ses concitoyens s’inquiétaient de le voir arriver au pays déprimé par son aventure parisienne, ils ont vite été rassurés. Mardi, à peine débarqué à Buenos Aires en compagnie d’Ángel Di María et Leandro Paredes, Lionel Messi avait déjà retrouvé ce sourire qui l’accompagne à chaque fois qu’il pose les pieds dans son pays depuis le sacre continental. Au centre d’entraînement d’Ezeiza, dans la banlieue de la capitale, le numéro 30 parisien partage sa bonne humeur, passe du bon temps avec les U20 de son vieil ami Javier Mascherano, pose en photo avec les jeunes du groupe et prend quelques matés avec son gars sûr, Rodrigo de Paul, dans le bureau du président de l’AFA, Claudio Tapia. Et cette grippe qui l’avait privé du déplacement à Monaco le week-end dernier ? Très vite oubliée. Dès la première séance, la Pulga s’entraîne normalement avec ses partenaires. « Il est à l’aise ici. Avec le temps, on a réussi à faire en sorte qu’il se sente comme un joueur normal parmi les autres, se félicitait le sélectionneur Lionel Scaloni ce jeudi, visiblement pas inquiet par la tournure des évènements au PSG. Je ne crois pas que Leo soit affecté. Je le vois bien. Il le démontre à chaque fois qu’il vient. »
« Qui ne saute pas est un Français »
Indignés par le traitement reçu par leur idole en France, la plupart des supporters argentins étaient surtout venus à la Bombonera ce vendredi soir pour voir, soutenir et réconforter leur capitaine, pratiquement devenu intouchable depuis l’été dernier. « C’est toujours le meilleur joueur du monde. Les Parisiens ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont ! Messi est plus grand que leur club ! Même s’il traverse un moment compliqué, ils devraient davantage le respecter. C’est une honte ce qu’ils ont fait », gueule Franco, venu de Tucumán avec son maillot de l’Albiceleste floqué du 10 sur le dos. « À quoi s’attendaient les fans du PSG ? Que Leo dribble tout le monde et marque cinquante buts comme il y a cinq ans ? Même ici, il ne fait plus ça. Avec la sélection, il se sent bien parce qu’il a une équipe autour de lui. On n’est plus autant « Messi-dépendant » qu’avant, mais on a toujours besoin de lui. Avant, il était bon à Barcelone et triste quand il venait ici. Désormais, c’est l’inverse. On va le défendre jusqu’à la mort », renchérit Matías, une bouteille de Quilmes à la main et un masque de la Pulga sur le visage, récemment acheté pour 200 pesos.
Provocateur, le quotidien sportif Olé avait suggéré, jeudi en une, un chant pour les supporters. « Qui ne saute pas est un Français » a bien été repris hier soir par les hinchas, mais seulement en avant-match. Pendant toute la rencontre, plutôt que de vanner les Parisiens, le public a préféré encourager son capitaine, même quand il ratait une passe ou une frappe. « C’est tout ce que j’espérais du public. Ça fait un petit moment que je suis heureux quand je viens ici, confiait Messi, un peu ému après le match. Nous avons un groupe merveilleux. Je sens que les gens m’aiment beaucoup. Je suis très reconnaissant pour ce qu’ils me font ressentir à chaque fois que je viens. Ça fait que tout est plus naturel, plus facile sur et en dehors du terrain. Gagner aide à ce que tout soit plus beau et plus simple. »
Le septuple Ballon d’or aura l’occasion de prolonger le plaisir ce mardi face à une sélection équatorienne qui vient de décrocher son billet pour le Qatar. Si elle ne perd pas à Guayaquil, l’Albiceleste de Lionel Scaloni égalera le record d’invincibilité (31 matchs sans défaite) établi par la troupe de Coco Basile entre 1991 et 1993. De quoi enthousiasmer un peuple qui se met tout doucement à rêver plus grand. « Je m’en fous comme de cinq concombres que Leo gagne ou perde avec le PSG », exprimait Mario Kempes, champion du monde 1978 avec l’Argentine, ce jeudi à la radio. Il résumait en réalité très bien ce sentiment qui domine sur les bords du Rio de la Plata. « Tout ce que je veux, c’est qu’il soit à 200% avec la sélection. »
Par Georges Quirino-Chaves, à Buenos Aires
Tous propos recueillis par GQC sauf mentions