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Élise Bussaglia : « Le PSG est peut-être plus armé mentalement »
Un petit point d'écart entre le Paris Saint-Germain, leader, et l'Olympique lyonnais, avec deux matchs à jouer : rarement la D1 féminine n'aura offert un tel suspense. Triple championne de France avec l'OL, Élise Bussaglia a également porté le maillot parisien pendant trois saisons. Aujourd’hui institutrice et conseillère de la section féminine de l'Olympique de Charleville-Mézières, l’Ardennaise salive de voir ses deux anciennes équipes se retrouver pour le choc qui décidera très certainement du champion de France dimanche. En espérant que d'autres clubs se mêlent à la lutte, dans les années à venir.
Une fois n’est pas coutume, la D1 féminine nous offre cette saison un sprint final de folie !C’est super ! Pour le public, c’est top d’avoir de la concurrence et du suspense jusqu’au bout. Le match remis (en mars, plusieurs cas de Covid au sein de l’effectif parisien avaient conduit à un report, NDLR) fait que ça va se jouer jusqu’à la fin, on pouvait difficilement rêver meilleur scénario. En général, le championnat est déjà joué à quelques journées de la fin. Mais là, c’est quasiment sur un match. Donc il y aura beaucoup d’adrénaline, de suspense et de tension. Quand on est joueuse, on préfère gagner tous les matchs et qu’il n’y ait pas photo à la fin, mais quand on regarde d’un œil extérieur, c’est génial ! J’ai encore pas mal d’amies des deux côtés, que le meilleur gagne et quel qu’il soit, ce sera un beau champion.
Ça ne vous donne pas envie de revenir ?(Rires.) Ce n’est pas la question, aujourd’hui. J’ai une vie totalement différente avec deux enfants en bas âge, je viens d’accoucher du deuxième. Je suis complètement dans autre chose et j’ai fait mon temps dans le foot, j’ai donné tout ce que je pouvais en tant que joueuse. Peut-être qu’un jour, je reviendrai en tant que coach, mais pas sur du court terme.
Qui vous semble le mieux armé ?Pfff… Difficile de juger. Avec le coronavirus et les pauses entre chaque match, il n’y a pas forcément une super continuité. C’est difficile de voir quelle équipe est dans une bonne dynamique. Paris a pris un petit ascendant dans la mesure où ils ont éliminé Lyon en Ligue des champions, mais le PSG s’est aussi fait sortir par Barcelone. Ça rebat un peu les cartes, même si le PSG est peut-être plus armé mentalement dans le sens où ils savent qu’ils peuvent le faire, comme ils l’ont déjà fait. Maintenant, Lyon a une expérience tellement importante de ces grands rendez-vous… Ce sera très animé, je pense que c’est vraiment du 50/50.
Quel regard portez-vous sur cet OL version Sonia Bompastor, qui a battu Le Havre (5-1), Issy (0-4) et Bordeaux (0-1) pour ses trois premiers matchs ?C’est particulier de prendre une équipe en cours de saison, encore plus en fin de championnat comme ça. Bien sûr, Sonia pense au titre, c’est une compétitrice, même si ce n’est pas seulement un projet de court terme pour cette fin de saison. Il y aura une énorme motivation côté lyonnais, je pense qu’elles n’ont pas aimé se faire éliminer de la Ligue des champions, elles voudront reprendre les rênes. Ce serait un petit choc que Lyon perde son titre, mais chaque série doit s’arrêter un jour. Même si ça s’arrête ce week-end, ça n’enlèvera rien à ce que l’OL a fait ces dernières saisons et ce n’est pas pour ça que Lyon s’écroulera, ils se prépareront pour regagner des titres.
Ce serait une bonne chose de voir un autre champion, après quatorze ans de domination lyonnaise ?Oui et non. Le PSG a beaucoup travaillé et progressé ces dernières années, ils le montrent aussi en Ligue des champions et c’est super pour la France. J’espère que ça suivra derrière, les Girondins de Bordeaux se développent bien aussi. Il faut plusieurs bonnes, voire très bonnes équipes en France. C’est très bien que le PSG concurrence l’OL et j’espère qu’à l’avenir, il y aura encore plus d’équipes qui joueront les premiers rôles. En avoir deux, ça ne suffit pas. Plus il y a de bonnes équipes, plus le championnat est attractif, plus les joueuses progressent, plus ça bénéficie au foot féminin français.
Les jambes peuvent trembler du côté du PSG, qui est à deux doigts de mettre fin à l’hégémonie lyonnaise et de remporter son premier titre ?Oui, quelque part, la pression peut être du côté parisien. Elles ont gagné en Ligue des champions, on les attend aujourd’hui. Ce n’est plus un outsider, c’est vraiment une équipe qui peut gagner le championnat. Ça leur met de la pression, mais elles ont de la qualité et des joueuses de talent dans tous les secteurs. Leur gardienne (Christiane Endler) fait une très bonne saison, on a aussi vu l’émergence de jeunes joueuses comme Sandy Baltimore, qui a participé à quelques matchs de l’équipe de France. Ce match se jouera sur la gestion des émotions et des moments forts, il faudra être costaud dans les têtes.
En parallèle de cette course au titre palpitante, on s’interroge sur les perspectives du foot féminin en France puisque le nombre de clubs pourrait passer de douze à dix et qu’il y a eu des signaux négatifs comme l’annulation de la Coupe de France ou l’arrêt de la D2.J’attends de voir ce qu’il en est, car ce n’est pas acté définitivement pour l’instant, mais il y a déjà de la déception. Pour être allée en Allemagne et en Espagne, pour discuter aussi avec des filles qui jouent en Angleterre, je vois que ça se développe très vite dans les autres championnats. Ça me ferait de la peine de voir que la France ne développe pas le football féminin, alors qu’il y a tout pour. Il faut mettre les moyens financiers, humains et matériels pour donner la possibilité aux joueuses, même au niveau régional, de progresser. C’est comme ça qu’on aura une D1 et une équipe de France plus fortes. J’espère qu’on aura encore un championnat compétitif avec douze équipes, voire plus, dans les prochaines années. Le football féminin en a besoin.
Vous êtes d’accord avec Ada Hegerberg quand elle dit que « la Coupe du monde en France n’était qu’une illusion » ?
Les mots sont très forts. Elle parle avec son cœur parce qu’elle est frustrée de voir ça, elle a envie que le championnat se développe et qu’il y ait de la compétitivité. Je ne sais pas si ce n’est qu’une illusion, on verra les actes dans les prochains mois et les prochaines années. Je garde espoir que la fédé puisse continuer à développer le football féminin, le président Le Graët a fait beaucoup de choses pour… J’espère qu’il continuera de le faire.
Propos recueillis par Quentin Ballue