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Eduardo Camavinga-Rennes : l’heure de se dire au revoir ?
Après un départ en fanfare et une précocité bluffante, Eduardo Camavinga s'apprête à boucler une saison décevante avec le Stade rennais, avant de rejoindre les Espoirs et de suivre les grands à l'Euro derrière sa télé. Rien d'anormal pour un gamin de 18 ans, même si celui-ci pourrait changer de dimension cet été en quittant la Bretagne à un an de la fin de son contrat.
Les amateurs de vignettes Panini ne pourront pas passer à côté du visage d’Eduardo Camavinga pour compléter leur collection Euro 2020 cette année. Une petite consolation pour le milieu de terrain rennais, pas convoqué chez les grands par Didier Deschamps mardi soir, mais dont le sticker devrait faire quelques heureux parmi les passionnés de l’album iconique. Près d’un an après avoir découvert les Bleus et le grand monde, le joueur de 18 ans bouclera sa saison à l’étage du dessous, où il tentera de remporter l’Euro avec les Espoirs, « sa catégorie d’âge » dixit son entraîneur Bruno Genesio. Une régression pour Camavinga ? « Je vais disputer une grande compétition. Ma première en équipe de France. Il faut positiver, je suis heureux d’être ici, assurait-il au Parisien en mars dernier à l’aube de la phase de poules. Guendouzi et Ikoné ont déjà vécu cette situation en quittant les A pour revenir en Espoirs. » Un discours lucide, posé, mature, alors que le gamin de Fougères va conclure sa première saison pleine chez les professionnels avec Rennes contre Nîmes, dimanche soir. Une possible dernière gavotte en Bretagne avant, peut-être, de changer définitivement de dimension. Et une question : Camavinga est-il déjà trop grand pour le Stade rennais ?
« Je ne vais pas me cacher derrière l’âge »
Si l’international français a vu sa carrière prendre un nouveau tournant en coulisses cette année, cela n’a pas été le cas sur le terrain. Les premières semaines de l’exercice 2020-2021 laissaient pourtant présager une autre saison pour le numéro 10 rennais, entre une entrée remarquée à Lille, un but génial contre Montpellier, et ses premiers pas en équipe de France faisant de lui le plus jeune buteur des Bleus de l’après-guerre après son geste acrobatique contre l’Ukraine. Le vent de fraîcheur n’aura finalement pas duré longtemps, Camavinga se montrant moins convaincant sur les pelouses de Ligue 1 et de Ligue des champions avec les Rouge et Noir. Moins influent sur le jeu breton sous Julien Stéphan comme depuis l’arrivée de Bruno Genesio (malgré une poignée de très bons matchs), le joueur promis à un avenir radieux aura aussi été moins bluffant que la saison passée. « Sur son jeu, il fait qu’il doit gagner en efficacité, être plus décisif en matière de statistiques et de projections vers le but, a analysé Genesio ce vendredi face à la presse. Il doit aussi parfois simplifier son jeu dans sa tête. Mais je répète que c’est un garçon encore très jeune et on a tendance à le comparer à des personnes qui ont cinq ou six ans de plus que lui en L1. Je trouve qu’on a été très dur avec lui, même si sa saison ne ressemble pas à sa dernière. Ces périodes doivent aussi lui servir pour sa future carrière. »
Sans briller à la hauteur d’un talent qu’il lui faudra davantage exploiter, Camavinga a tracé sa route en disputant quand même plus de 40 matchs toutes compétitions confondues cette saison, entre la sélection et le club breton. Tout le monde n’est pas Kylian Mbappé, et les records de précocité ne suffisent pas toujours à garantir une régularité au haut niveau. Derrière les tresses et le sourire perpétuel d’un gamin a priori bien dans ses baskets, il y a aussi eu des chamboulements importants dans la vie d’un jeune homme. En moins d’un mois cet automne, Camavinga aura fêté sa majorité, décroché son permis, et surtout changé de représentant, quittant le réputé Moussa Sissoko pour l’agence ICM Stellar et Jonathan Barnett, un autre poids lourd dans les coulisses du ballon rond, sous l’impulsion de son papa Célestino. Un bazar suffisamment important pour perturber la saison du garçon, même si ce dernier a toujours assuré que les évènements n’affectaient pas son football. « On ne va pas se mentir, j’ai quand même fait une saison moyenne, admettait-il récemment dans Téléfoot. Il y a eu beaucoup de bas, je n’ai pas tout le temps fait ce qu’il fallait. Après, il faut se servir de ça pour rebondir. Il faut être réaliste. Je sais que je n’ai pas fait que des bons matchs. Je sais que j’ai énormément de choses à améliorer et je ne vais pas me cacher derrière l’âge, ce sont des choses qui arrivent. »
Camavinga à Rennes : stop ou encore ?
Au-delà de l’extrême lucidité du bonhomme derrière un micro, il y a également un destin tout tracé. Celui d’être amené à toucher les étoiles au sein d’un très grand club dans les années à venir, voire même dans quelques semaines. À un an de la fin de contrat du milieu de terrain au Stade rennais (juin 2022), le clan Camavinga a les cartes en main pour la suite, au grand désarroi du club breton longtemps bloqué par la réglementation française, un joueur mineur ne pouvant pas signer un bail professionnel de plus de trois ans, et par des négociations longtemps difficiles au cœur de cette saison entre les deux camps. « On n’a pas du tout renoncé à le faire prolonger, malgré l’intérêt des grands clubs, persistait encore le président Nicolas Holveck il y a dix jours dans Ouest-France. Quand Eduardo dit qu’il n’a pas pris de décision et qu’il la prendra avec sa famille, il faut le croire, on le connaît, c’est tout sauf un menteur. »
Il ne sera pas aisé de résister aux sirènes des cadors européens, les noms du Real Madrid, du Bayern Munich, ou encore du Paris Saint-Germain revenant dans la presse spécialisée ces derniers temps, avec la possibilité pour le milieu de monter son degré d’exigence d’un cran en découvrant autre chose. Trop vite, trop haut, pour un joueur de 18 ans comptant à peine 70 matchs de Ligue 1 ? Possible, même si Jonathan Barnett expliquait récemment à SNTV que son poulain pouvait « évoluer dans n’importe quelle équipe au monde », tout en admettant que « jouer reste la chose la plus importante à son âge ». Un jeu d’échecs et les premières lignes d’un possible feuilleton estival qui pourrait agiter le mercato rennais. « J’ai parlé de ça avec lui en toute honnêteté, sans ma casquette d’entraîneur de Rennes, comme si j’étais l’un de ses conseillers ou quelqu’un de sa famille, en lui disant ce que je pensais être le mieux pour lui, a dévoilé Genesio à 48 heures de l’épilogue de la saison. Mais la décision lui appartient à lui et à son entourage. Il lui reste encore un an de contrat, tout est possible. » En attendant, il y a un album Panini à terminer.
Par Clément Gavard
Propos de Bruno Genesio recueillis par CG