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Dória : « C’est comme si Bielsa avait laissé une trace négative sur moi »

Propos recueillis par Diego-Tonatiuh Calmard
Dória : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>C’est comme si Bielsa avait laissé une trace négative sur moi<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

On l’avait presque oublié. Pourtant, en 2014, celui qui enflamme le mercato estival est Matheus Dória (25 ans), capitaine de la sélection olympique du Brésil, recruté par l’OM sans l’aval du coach Marcelo Bielsa. Le défenseur chauve deviendra la victime symbolique de la guerre d’ego entre le président Vincent Labrune et el Loco. Dória a depuis posé sa carte et son sac à dos au Mexique et chausse enfin les babouches au Santos Laguna, où il mène une vie plutôt calme malgré l’ambiance caliente. Confiné, Dória se livre sur tout et notamment sur son passage à l’OM. Souviens-toi l’été 2014...

Après plusieurs années à être envoyé en prêt à droite à gauche (São Paulo, Grenade, Malatyaspor), tu sembles enfin t’être posé…Oui, au Mexique, je me sens super bien. À Marseille, j’ai enchaîné les prêts, mais je voulais enfin me sentir important. En 2018, il me restait un an de contrat. C’est là que Santos s’est intéressé à moi : le directeur Pepe est venu chez moi à Marseille, il m’a montré le projet du club, ce qu’ils voulaient de moi au sein de l’équipe. Perso, je ne connaissais pas trop le championnat mexicain. Mon père est donc allé à Torreón, il y est resté une semaine pour connaître le club, la ville, visiter les maisons. Il a été rassurant, en disant que je ne devais pas avoir de doute, que je pouvais y aller sans problème.

Et l’adaptation au Mexique s’est bien passée ?Tout s’est passé comme mon père me l’avait dit. Au Mexique, on joue deux tournois par an. Lors du dernier Apertura 2019, on fait un super parcours en finissant leaders avant d’être éliminés en quarts de finale. Au Mexique, certains clubs ont beaucoup d’argent. Au Santos Laguna, les installations sont meilleures que dans pas mal de clubs en Europe. Les gens ne regardent pas forcément la Liga MX, mais quiconque vient ici peut se rendre compte que c’est d’un très bon niveau. Ça ressemble au foot brésilien : les joueurs sont très techniques, les jeunes aiment jouer, dribbler. Toutes les équipes veulent avoir le ballon, jouer et attaquer.

Tu insinues que c’est différent de ce que tu as connu en France ?Je dirais qu’en France, c’est plus rapide, mais il y a plus de force, plus de contacts. C’est très physique, donc c’est très défensif, plus tactique aussi. C’est plus perfectionniste aussi en matière de travail. Au Mexique, le jeu est peut-être plus lent, mais il y a vraiment de la qualité individuelle, de la technique.

La présence de Gignac au Mexique, ton ex-coéquipier à l’OM, a dû compter dans ta décision…Oui, je voyais qu’ici, la réussite lui souriait. Il était là déjà depuis quatre ans quand je suis arrivé. Aux Tigres, Gignac construit sa propre histoire et la rend toujours plus grande. Lui et Edgar Méndez, un Espagnol que j’ai connu à Grenade, m’ont dit qu’ils étaient heureux au Mexique : le championnat, le quotidien, les gens, l’ambiance. Ça m’a paru être une bonne décision. Aujourd’hui, je sens qu’on croit de nouveau en moi et en mon travail. Le Mexique ressemble un peu au Brésil, les gens s’entraident, ils sont plus heureux alors qu’en France, c’est plus… c’est plus sérieux, disons. Ici, les autres joueurs t’invitent aux anniversaires, à la carne asada (barbecues typiques du nord du Mexique, N.D.L.R.). Ici, je me sens chez moi. Je peux enfin me concentrer sur le foot, sur le jeu.

Ce n’était pas le cas à Marseille ?Pas vraiment au début. C’était plus pro, plus carré. À Marseille, j’ai énormément appris à travailler en silence, à être professionnel. Mais le côté familial n’existe pas vraiment, et c’est important d’avoir des amis et une bonne ambiance.

À Marseille, tu as voyagé entre la réserve, des prêts, et quelques matchs l’année où Rudi Garcia remplace Franck Passi (2016-2017). Tu n’as presque pas joué en quatre ans…Au début de ma carrière à Botafogo, je suis rapidement passé du centre de formation à l’équipe première, puis à la sélection brésilienne. J’allais jouer les Jeux olympiques chez moi. À 18 ans, j’avais déjà joué plus de 100 matchs avec Botafogo.

À Marseille, je m’entraînais avec l’effectif pro, je travaillais en silence. Mais je passais le match sur le banc, et le lendemain, je jouais avec l’équipe réserve. Ça m’a fait mal. Quand je rentrais à la maison, j’essayais de parler à ma femme, lui dire ce que j’avais sur le cœur.

Alors à Marseille, c’était vraiment dur. En quatre ans, je n’ai joué que deux ans en tout, sans compter les prêts. J’ai appris à jouer arrière gauche, maintenant je me sens plus en confiance et plus expérimenté.

Si tu joues peu, c’est à cause d’une embrouille entre le coach Bielsa et le président Vincent Labrune…Je vais te dire : le président et Bielsa étaient OK pour me recruter. Mais ça a capoté. Finalement, j’ai signé avant la fin du mercato, et là, Bielsa s’est emporté contre Labrune : « Vous déconnez, vous m’avez dit qu’il ne venait pas, et maintenant il vient ? Vous passez au-dessus de mon pouvoir ! » Ils se sont disputés, et le coach a dit : « OK, tant pis, Dória ne jouera pas. » Moi, je n’avais aucun problème avec Bielsa ni Labrune. Je m’entraînais avec l’effectif pro, je travaillais en silence. Mais je passais le match sur le banc et le lendemain, je jouais avec l’équipe réserve. Ça m’a fait mal. Ça n’a pas commencé comme je l’espérais, et je n’arrivais pas à m’entraîner correctement, je n’étais pas concentré, ma tête n’était plus là, je n’étais pas heureux. Je voulais vite partir. Pourtant, les gens du club ont tout fait pour m’aider et pour que ma famille s’adapte. C’était dur, quand je rentrais à la maison, j’essayais de parler à ma femme, lui dire ce que j’avais sur le cœur.

Tu lui en veux, à Bielsa ?Si je lui reproche quelque chose ?

J’ai essayé de prendre le maximum de Bielsa en matière de foot. Après, humainement, c’est difficile, tu sais…

Non, je n’ai rien contre lui. En vérité, il ne me parlait pas. Le conflit avec le président, seul lui sait ce qu’il s’est passé. J’essayais d’apprendre et de profiter de son travail et de l’appliquer dans mon jeu. Aujourd’hui encore, je m’en sers : la relance propre, au sol, ne pas laisser le ballon rebondir n’importe où dans ma zone. J’ai essayé de prendre le maximum de Bielsa en matière de foot. Après, humainement, c’est difficile, tu sais…

Tu as vraiment l’impression de ne pas avoir eu ta chance à cause de broutilles ?Même dans les autres clubs, les gens pensaient que j’avais eu un problème avec lui. Les clubs où j’étais en prêt, on me demandait : « Alors, tu t’es embrouillé avec Bielsa ? » Je répondais : « Non, je ne me suis brouillé avec personne. C’est juste qu’il s’est disputé avec le président, et il n’avait pas besoin de moi ! »

Bielsa ne parlait pas beaucoup avec les joueurs. Il laissait les membres du staff le faire, et ses adjoints avaient un peu honte de venir à la fin de l’entraînement, s’approcher doucement, et m’annoncer que j’allais jouer avec la réserve. Parfois, ils m’envoyaient un SMS pour ne pas me le dire en face.

C’est comme si Bielsa avait laissé une trace négative sur moi. Mais je ne suis pas rancunier. Je n’ai de problèmes avec personne. Si me placarder est une idée qu’il avait dans la tête… Maintenant, bonne chance à lui !

Et tu ne lui en as jamais parlé directement ?De ce sujet-là, non. Il ne parlait pas beaucoup avec les joueurs. Il laissait les membres du staff le faire, et ses adjoints avaient un peu honte de venir à la fin de l’entraînement, s’approcher doucement, et m’annoncer que j’allais jouer avec la réserve. Parfois, ils m’envoyaient un SMS pour ne pas me le dire en face. Et s’il y avait un expulsé ou un blessé dans l’équipe, Bielsa alignait un milieu défensif ou un latéral pour ne pas avoir à me positionner en défense centrale. Il alignait même des gars du centre de formation comme Sparagna ou Aloe. Ce sont des bons joueurs, je n’ai rien contre eux, mais ils n’avaient jamais joué en pro, alors que j’étais dispo. Tout ça à cause de ce clash avec Labrune. Moi, comme je suis bien élevé, je ne disais rien, je m’entraînais pour qu’on ne parle pas de moi en mal.

Des joueurs de l’OM t’ont soutenu ?Gignac et d’autres disaient au président : « Dória doit jouer, Dória doit jouer ! » Finalement, c’est à cause d’un problème entre l’entraîneur et le président sans rapport avec le sportif que j’ai été mis de côté. Et c’est moi qui ai été victime de cette situation.

Quelles leçons tirer de cette expérience, du temps passé en réserve ?Je voulais juste que le temps passe vite et qu’arrive la période des transferts pour pouvoir rentrer au Brésil et enfin jouer. La première année je suis allé en prêt à São Paulo et tout s’est bien passé, ils voulaient m’acheter. La clause était à 8 millions d’euros, mais le président Labrune a refusé. En prêt, j’essayais d’apprendre la culture du pays, la façon de jouer, ça m’a beaucoup aidé pour aujourd’hui m’adapter au Mexique. J’essaie de voir la vie comme ça : si je peux apprendre, même dans un scénario difficile, j’en ressors du positif.

Ton meilleur moment, finalement, c’est sous Franck Passi, quand tu reviens à l’été 2016 ?Franck Passi travaillait déjà avec Bielsa,

Une fois, Garcia a dit devant le groupe que s’il avait un fils, il aimerait qu’il soit comme moi.

c’est lui qui me conseillais : « Travaille, laisse couler, tu es fort, tu va jouer. » Et quand je suis rentré de prêt de Grenade, il m’a intégré à l’équipe. Après, Rudi Garcia l’a remplacé. Il avait ses joueurs, alors il me faisait parfois jouer latéral. J’ai dû jouer 30 matchs avec lui. Je n’ai rien à lui reprocher, il me traitait correctement. Une fois, Garcia a dit devant le groupe que s’il avait un fils, il aimerait qu’il soit comme moi. À l’été 2017, Rami et Abdennour sont arrivés, mais il alignait Rolando et Adil. Il préférait les défenseurs expérimentés, et la situation était claire : si une bonne opportunité arrivait, je pouvais partir. Au moins, Garcia disait les choses en face.

Et il y a ce but contre Lyon lors d’une prolongation en Coupe. Et cette célébration avec Payet…Je me souviens, oui ! J’ai marqué face à Lyon en Coupe de la Ligue, c’était une super ambiance au stade et j’avais fait la célébration de Salt Bae (ce cuisinier turc connu pour ses vidéos où il prépare et sale la viande, N.D.L.R.) ! Une semaine plus tôt, j’avais déjà marqué contre Lyon (ses deux seuls buts sous le maillot phocéen, N.D.L.R.). En plus, c’était un super match, une victoire en Coupe contre un rival important. C’est vraiment mon meilleur souvenir, le meilleur moment de mon passage à l’OM !


Et à l’OM, quelles étaient tes relations avec les joueurs ?Je traînais souvent avec Rolando, Luiz Gustavo, Lucas Ocampos… Gignac m’a aidé dans mon intégration, Payet et Thauvin aussi. Rolando, il parlait portugais, et en plus, je jouais au même poste que lui, donc il m’a beaucoup conseillé. Et je continue de parler avec lui, il me donne des conseils.

Et avec les supporters marseillais, ça se passait comment ?Franchement, c’était fou. Les supporters de l’OM venaient à 60 000 au stade. Même un mercredi à 19 heures, alors que les gens sortent à peine du travail. Je n’ai vu ça nulle part ailleurs. T’as l’impression que l’OM, c’est leur vie, l’amour pour le club est impressionnant, j’ai adoré ça ! Même quand on allait jouer à l’extérieur, ils remplissaient parfois le parcage à 10 000.

Je suis resté en contact avec ma femme de ménage, mon prof de français et le vendeur au magasin Range Rover. Ces gens qui nous ont aidés comptent désormais pour nous.

On se sentait chez nous dans de nombreux stades en France. Quand on jouait à Monaco, il y avait plus de supporters de Marseille en tribune que ceux de Monaco.

Quels sont tes souvenirs de la ville ?J’étais bien installé, la maison que j’ai trouvée était située près de La Commanderie. Le quartier était tellement bien que les autres joueurs de l’OM voulaient déménager dans le coin ! On allait au restaurant italien pas loin… Et on a connu des gens bien : quand on est arrivés, on ne savait pas parler français avec ma femme, mais notre femme de ménage était portugaise, alors on est vite devenus amis et on est toujours en contact. Je suis aussi resté en contact avec mon prof de français, et le vendeur au magasin Range Rover. À notre arrivée, il s’est occupé des histoires de voiture, il nous a aidés pour la paperasse… Ces gens qui nous ont aidés comptent désormais pour nous.

Tu crois encore au rêve auriverde ? C’est toujours un rêve. On ne sait pas ce qui peut se passer demain, donc je travaille pour que les choses arrivent naturellement. Le championnat mexicain a permis à beaucoup de Sud-Américains de jouer avec leur sélection, des Argentins, Colombiens, Chiliens, Uruguayens… En Seleção, il va y avoir un renouvellement générationnel avec des joueurs de 34-35 ans qui ne sont peut-être pas certains d’arriver à 100% à la prochaine Copa. J’espère en faire partie, si je fais du bon travail. (La Copa América, co-organisée par l’Argentine et la Colombie, a été reportée d’un an à juin 2021 en raison des mesures sanitaires, N.D.L.R.)

D’ailleurs, quel est ton modèle de défenseur ?Pour moi, le meilleur, c’est Thiago Silva. Il défend de manière tranquille, il sort proprement balle au pied, la tête levée, alors que la plupart des mecs à ce poste vont dégager le ballon n’importe comment. Il est aussi très intelligent dans son placement.

Mais il y a un domaine dans lequel tu es meilleur…Ah bon, lequel ?

Les coups francs.Ah oui, c’est vrai ! Je m’entraîne souvent, et pour le moment, ça fonctionne bien, j’en ai mis deux avec Santos… J’ai toujours aimé les tirer, mais dans les autres clubs, je n’étais pas le joueur attitré. Maintenant, je mets plus d’effet, avant je mettais plus de force… Celui contre Tijuana est pas mal, oui. J’espère que ça va continuer.

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