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Diogo Jota, la nouvelle hype portugaise

Par Steven Oliveira
8 minutes
Diogo Jota, la nouvelle hype portugaise

Auteur d'un début de saison sensationnel avec Liverpool, Diogo Jota est, à n'en pas douter, la belle surprise de cet automne 2020. Et il compte bien confirmer son état de grâce avec le Portugal face à la France en Ligue des nations. Histoire de rappeler que l'on peut très bien faire carrière sans rejoindre le centre de formation d'un grand club du pays.

En bon connaisseur de football, La Fouine doit probablement connaître Diogo Jota. Ou du moins il a appris à le connaître – comme 90% des suiveurs du ballon rond – depuis son transfert à Liverpool en septembre dernier. En revanche, il est peu probable que l’attaquant portugais dont le chanteur préféré est Sting connaisse le rappeur à la barbichette. Pourtant, les deux hommes partagent la même vision de la vie. Quand La Fouine chante « Parce que l’on sait d’où l’on vient. Et que l’on a tant cherché. La lumière, et comme j’sais d’où je viens. Je sais où je vais », Diogo Jota, lui, balance après son doublé avec le Portugal contre la Suède (2-0) : « L’important ce n’est pas d’où l’on vient, mais où l’on va. » Une manière de dire que peu importe s’il a été snobé par les grands clubs du pays durant son enfance et peu importe s’il jouait encore en Championship il y a trois ans, cela ne l’empêche pas d’être co-meilleur buteur de la Ligue des champions et d’être co-meilleur buteur – à égalité avec Romelu Lukaku – de la Ligue A de la Ligue des nations. À chaque fois devant des garçons comme Robert Lewandowski, Antoine Griezmann, Kylian Mbappé, Timo Werner ou encore… Cristiano Ronaldo.

Djobi Jota

Pour comprendre le caractère de Diogo Jota et son côté revanchard, il faut se rendre à Gondomar, à 15 kilomètres à l’est de Porto. C’est là, dans ce club qui n’a jamais connu la première division portugaise – et qui stagne actuellement au troisième échelon national – que Diogo José Teixeira da Silva a joué au football jusqu’à ses 16 ans. Pourtant, l’actuel attaquant de Liverpool aurait pu signer au Benfica grâce à José Carlos Magalhães, coach à Gondomar et scout pour le SLB : « J’ai travaillé pour le Benfica entre 2007 et 2013. Et pendant toutes ces années, Diogo Jota était suivi par Benfica. Il a même fait plusieurs tests au Seixal, mais le SLB n’a jamais voulu le prendre. » La raison de ce refus ? La taille de Diogo J comme le surnomme ses potes.« Durant ses premières années, Jota montrait une belle qualité technique, un bon toucher de balle, une qualité de passe très bonne, vante son ancien coach en U15 et U17. Mais il manquait la composante physique. C’était un petit garçon tout frêle, bien qu’il soit combatif, il manquait de physique. Et c’est ce qui explique que les grands du Portugal ne lui ont pas porté plus d’attention. »

Tant pis. En attendant que son physique se développe, celui qui mesure désormais 172 centimètres travaille sa qualité de passe. « Au départ, je l’ai fait jouer sur un côté, puis je l’ai très vite utilisé en numéro 10, explique José Carlos Magalhães.C’était alors essentiellement un joueur qui excellait dans la passe et surtout la dernière passe. Il était autant à l’aise avec son pied droit que son pied gauche. » Sauf qu’une fois arrivé à l’âge de 15 ans, celui qui partage donc l’ambidextrie avec Ousmane Dembélé grandit d’un coup, prend des muscles et se trouve alors un talent de buteur. Devenu trop fort pour Gondomar, Diogo Jota est très vite surclassé avec les U19 qu’il aide à se maintenir, tout en continuant de régaler les U17. Au point d’enchaîner deux matchs dans le même week-end lorsque l’enjeu le demandait. Ce qui mène à des situations parfois cocasses, comme le raconte son ancien mentor : « Le samedi, Jota est parti jouer avec les U19 à Candal. Ils ont gagné 5-2 et il a inscrit un triplé. Le dimanche, avec les U17, on recevait aussi Candal. Je l’ai fait entrer à la mi-temps et il a marqué deux buts. Et ironie du sort, en face, c’était le même gardien qui, lui aussi, a joué les deux matchs.(Rires.)  » Quelques semaines plus tard, c’est face au voisin de Paços de Ferreira que celui qui a donné son nom au centre de formation de Gondomar régale. Au point que Os Castores repartent avec un Diogo Jota dans les valises.

Le J c’est le S

Diogo Jota a alors 16 ans et découvre ce qu’est le monde professionnel. Il ne lui faudra qu’un an pour être lancé dans le grand bain par Paulo Fonseca. Suffisant pour devenir, à 18 ans, 2 mois et 16 jours, le plus jeune buteur de l’histoire de Paços de Ferreira en Liga Nos. Après avoir obtenu quelques apparitions chez les pros avec l’actuel entraîneur de la Roma, le natif de Porto devient un titulaire indiscutable la saison suivante. Un exercice qu’il terminera avec 12 pions. Et s’il a marqué 20 buts de moins que Jonas, le meilleur buteur de Liga Nos, et qu’il ne fait pas la Une des journaux, cela ne l’empêche pas d’être reconnu à sa juste valeur par quiconque croisant sa route : « Il avait 18 ans, mais c’était déjà un crack. On sentait direct qu’il allait arriver là-haut, se rappelle Pierre Sagna, alors à Moreirense.Il était au-dessus du lot dans son équipe et il le savait. Alors il assumait, prenait le ballon et provoquait. Et il le faisait très bien. » Il y a quelques jours, Fernando Santos a même avoué avoir déjà repéré son nouveau joujou à cette époque-là : « On le suit depuis Paços. Il m’avait surpris là-bas. »

En attendant de porter le maillot de la Selecção, Diogo Jota régale avec les sélections de jeunes et fait le bonheur de ses coéquipiers à Paços de Ferreira. À l’image de Francisco Afonso qui se rappelle « une personne réservée, pas très extravertie sauf au moment de se moquer de nous quand il nous battait à FIFA ». Mais l’actuel défenseur de Berço se rappelle surtout le mental du bonhomme : « J’ai toujours cru qu’il pouvait allait très loin. Ce n’est pas de la chance. C’est une personne très humble et travailleuse. Ce qui m’a le plus marqué chez lui, c’est sa confiance en lui. C’était incroyable. » Un trait de caractère déjà visible à Gondomar à écouter Magalhães : « Je pense que ce qui a fait la différence est sa personnalité. Celle qui a façonné sa manière de s’entraîner, de rester humble et sa volonté de se dépasser. » Car oui, Diogo Jota a toujours voulu être footballeur. Alors il s’est donné les moyens de réussir son objectif. Sa vie se résumant à taper dans le cuir, puis à rentrer chez lui pour jouer à Football Manager avec Telford United ou alors à regarder Quem Quer Ser Milionário ? (Qui veut gagner des millions ? en VF) à la télévision, tout en jouant à Candy Crush.

Diogo, libre dans sa tête

Tout va s’accélérer à l’été 2016 pour Diogo Jota. La raison de ce coup de boost ? Jorge Mendes. Un homme que l’attaquant de 23 ans décrit au Guardian «  comme son bras droit. Je suis persuadé qu’il n’y a personne de meilleur que lui pour gérer ma carrière, donc je n’ai à me préoccuper de rien, simplement à faire mon travail sur le terrain. » Et à suivre le super-agent là où il est le mieux implanté. Et c’est ainsi que Diogo Jota signe à l’Atlético de Madrid – où il n’aura pas joué le moindre match –, avant d’être prêté une saison au FC Porto. Puis une autre à Wolverhampton alors en Championship. À l’aise chez les Wolves au milieu d’une colonie portugaise et sous les ordres de Nuno Espírito Santo, qui a fait le trajet Porto-Wolverhampton avec lui, Diogo Jota participe grandement à la montée en Premier League avec ses 17 pions. Convaincu, le plus portugais des clubs anglais lâche alors 14 millions pour l’arracher aux Colchoneros.

En Premier League, celui qui vibrait plus jeune pour Everton ne lève pas le pied malgré le jeu physique des Anglais. Pas une surprise pour Pierre Sagna : « C’est très compliqué de défendre sur lui. Sans ballon, il est infernal, car il fait énormément d’appels et de courses diagonales ou en profondeur. Puis il est super rapide. Balle au pied, c’est difficile aussi, car quand tu essayes de le bousculer, il ne bouge pas. Il est très solide sur ses jambes, donc même si tu lui mets un coup, c’est difficile de lui prendre le ballon. » Ajoutez à cela une qualité technique loin d’être déconnante, et vous comprendrez pourquoi Liverpool n’a pas hésité à claquer 44 millions pour s’attacher ses services lors du dernier mercato. Et ce, même si le Portugais n’a marqué « que » 16 buts en 67 matchs de Premier League avec les Wolves.

Pour comprendre l’amour que porte Jürgen Klopp à Diogo Jota, il suffit d’écouter son adjoint Pep Lijnders en parler : « C’est un monstre du pressing. Techniquement, il est du même niveau que les trois devant. Il va s’intégrer très vite dans le groupe. » Et à en croire les débuts de celui qui a vu les supporters des Reds lui faire une chanson sur l’air de Mamma Mia d’ABBA, la période d’intégration semble déjà terminée. Comme celle avec la sélection portugaise, où Diogo Jota semble déjà incontournable dans la tête de Fernando Santos. Le sélectionneur portugais cherche déjà à faire jouer ensemble ses 5 fantastiques : Bruno Fernandes, Bernardo Silva, Cristiano Ronaldo, João Félix et Diogo Jota. Et si, comme dans le film, il ne devrait en rester que quatre, ce n’est certainement pas l’attaquant des Reds qui devrait déguerpir de sitôt.

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Par Steven Oliveira

Tous propos recueillis par SO sauf mentions.

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