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- PSG-Juventus (2-1)
Didier Domi : « Neymar va être essentiel pour tenir l’équilibre »
Latéral gauche formé au Paris Saint-Germain, passé par le club de la capitale de 1994 à 1998, puis de 2001 à 2003, Didier Domi analyse la rentrée européenne des Parisiens face à la Juventus (2-1) et la première pierre en C1 de la version Christophe Galtier du PSG.
Avant sa première rencontre de Ligue des champions de la saison face à la Juve, le PSG restait sur cinq victoires et un nul en Ligue 1, plus un succès lors du Trophée des champions. Qu’attendais-tu concrètement de cette rentrée européenne ?Une victoire, forcément, mais je voulais aussi voir les mêmes choses qu’en championnat : la relation entre les trois offensifs, celle entre Vitinha et Verratti, le comportement des pistons, celui des centraux. On attendait une confirmation contre une Juventus en difficulté et on a vu une première mi-temps où la maîtrise technique au milieu a été assez remarquable. J’ai énormément aimé. Quand Vitinha et Verratti se connectent, que Messi vient se joindre à eux, le PSG réussit à avoir un contrôle exceptionnel des événements. Il n’y a pas forcément eu tout le temps assez de monde dans la surface pour finir les mouvements, mais avec ce genre de joueurs, il suffit souvent d’un moment, d’un geste de magie, et tu peux faire la différence. Dans l’expression collective et le contrôle du match, les 45 premières minutes sont vraiment à noter.
As-tu été surpris par l’approche d’Allegri ?Massimiliano Allegri reste un fin tacticien. Il sait qu’offensivement, son équipe est un peu à la peine en ce moment et qu’il fallait « matcher » le système du PSG, au risque de concéder trop d’espaces. Sur certaines séquences, la défense à trois de la Juve a réussi à être pertinente, mais, globalement, je trouve que Bremer a énormément souffert face à Mbappé, que Bonucci est arrivé plusieurs fois en retard, que l’ensemble a été assez fragile… La Juve a réussi à respirer un peu au fil du match, mais elle a quand même été nettement dominée.
Après la rencontre, Kylian Mbappé a évoqué l’évolution de son rôle depuis l’arrivée de Christophe Galtier. Que penses-tu de la version que tu as sous les yeux depuis l’été ? Selon moi, il y a deux choses. La première, c’est qu’on voit qu’il essaie au maximum de se lier aux deux autres, Messi et Neymar. La seconde, c’est que sa palette tactique ne cesse de grandir et que c’est une super nouvelle. Plus les mois avancent, plus il sait s’adapter en fonction des zones : il sait piquer dans la profondeur, il sait venir s’excentrer pour préparer le jeu sur un côté à la manière de Benzema, il sait rôder dans la surface, il sait désormais venir faire la planche… Il est devenu plus complet, mais il sait surtout toujours être au bon endroit, au bon moment. Ça, il ne l’a jamais perdu. Je trouve même que s’il fait parfois évidemment des erreurs, il a grandi dans la synchronisation. Comme Neymar et Messi ont été rapatriés dans le cœur du jeu, ils ont souvent besoin d’un joueur sur lequel s’appuyer, avec lequel remiser, combiner… On l’a vu à Toulouse, à Nantes, ce soir, et il faut que ça continue.
On a beaucoup parlé de Marco Verratti par le passé, qui a encore été assez monstrueux mardi soir, mais parlons de Vitinha. En quoi son arrivée dans le projet de jeu est un atout pour l’expression de Verratti et en quoi Vitinha apporte de nouveaux ingrédients ?Par le passé, on a souvent parlé de mettre une sentinelle à côté de Verratti, mais je pense qu’il lui fallait avant tout un joueur avec lequel connecter techniquement. Il est tellement important de contrôler le terrain en Ligue des champions, d’autant plus quand tu as un ADN comme celui du PSG, et Vitinha est un atout précieux pour augmenter le contrôle des rencontres. On a tellement souffert jusqu’alors dans la sortie du ballon sur certains matchs que de voir Vitinha savoir se sortir de toutes les situations, venir compenser le déplacement d’un offensif, utiliser sa tête en permanence, ça fait du bien. C’est un joueur qui n’a pas peur de prendre le ballon, de se retourner, de tenter la passe qu’il faut. Il a une qualité bien au-dessus de la moyenne et sa relation avec Verratti est vite devenue très naturelle. Défensivement aussi, je trouve la paire très complémentaire.
Sur ce match, le comportement des centraux à la relance était aussi attendu. Qu’est-ce que tu en as pensé ? Sergio Ramos a, par exemple, été assez à son avantage, notamment sur le deuxième but.Balle au pied, je trouve qu’il n’y a aucun problème au PSG. On a encore vu de bonnes choses ce soir, les trois ont bien assimilé les mouvements, et c’est vrai que Ramos pousse un peu plus que Kimpembe. On sent que sa relation avec Hakimi est déjà assez sûre, fluide. Le hic, ça a plutôt été sur la défense des centres adverses. Sur ce point, il faut que le PSG progresse, car les attaquants de la Juve ont dominé les duels à plusieurs reprises. Je ne suis pas inquiet, car il y a un temps d’adaptation logique, notamment pour Marquinhos, à une nouvelle animation. Quand tu as passé ta vie dans une défense à quatre, que tu deviens le joueur axial d’un schéma à trois, ce n’est pas facile. Tu es le joueur le plus important, celui qui doit couvrir les deux autres, mais tu dois aussi avoir la capacité de sortir pour étouffer une transition. Avec son intelligence, Marquinhos va progressivement collecter les repères et corriger son adversité, son placement. C’est un joueur tout à fait capable de monter sur Vlahović, et là, il a perdu plusieurs duels. C’est de l’ajustement tactique.
Après le match à Lille, Christophe Galtier concédait que son animation avait des atouts, mais aussi pas mal d’inconvénients. Face à la Juve, on a retrouvé certaines failles, on a revu un 7+3 au fil de la rencontre et on a eu une confirmation : Neymar va être au centre de l’animation sans ballon.Complètement. Dès le début de saison, j’ai vu que ce PSG allait avoir une faille sans ballon. Une grosse faille, sur le côté de Messi, et quand on va avoir des équipes plus fortes que la Juventus en face, il faudra être très attentif parce que Messi ne défend pas beaucoup ou par intermittence. C’est un espace que les adversaires vont naturellement exploiter. Peut-être pas dans les 15-20 premières minutes, mais au fil des rencontres, sans aucun doute, et la Juve a d’ailleurs principalement construit à gauche. Quand on regarde les matchs, en Ligue 1 ou hier soir, on voit rapidement que le trou derrière Messi et Neymar va être crucial, car c’est l’offensif qui a le volume le plus important pour répéter les courses défensives, maintenir les efforts. Quand il ne revient pas former un milieu à trois, ça devient difficile. On a vite le 5+2+3 ou 7+3, et c’est marrant, à la 19e minute, Neymar a demandé une faute, ne s’est pas replacé et ça a débouché sur le centre de Cuadrado et la tête de Milik, sauvée par Donnarumma.
Sur cette séquence, tu vois bien le 5+2 et que ça ne pardonne pas. En deuxième mi-temps, j’ai eu encore plus peur : plus ça allait, plus je voyais Vitinha et Verratti obligés de tenir la largeur à deux, mais c’est impossible.
Et c’est là que, combiné au changement d’animation de la Juve avec l’entrée de McKennie, le PSG a commencé à souffrir. Est-ce qu’à terme, tu penses qu’il faudra, dans ce type de rendez-vous, sacrifier l’un des trois offensifs pour installer un milieu type Renato Sanches, davantage capable de sécuriser un bloc qui n’est pour le moment pas un monstre de pressing ?Dans une grande équipe, quand on a plus d’un joueur qui ne défend pas, dans la continuité du match, ça devient difficile. C’est pour ça que Neymar va être essentiel. On connaît la musique : le PSG ne survivra pas longtemps avec trois joueurs en moins sur les phases défensives. L’équipe a des qualités exceptionnelles pour déséquilibrer n’importe quelle équipe, pour finir, pour avancer, mais je trouve que, comme tu le soulignes, elle a encore beaucoup de mal dans la récupération du ballon. Hier soir, même si la Juve n’a pas été très dangereuse, tu as eu quelques séquences de 20-25 passes où le PSG a peiné à remettre le pied sur le ballon. C’est le principal axe de travail. Il faut au moins une ligne de cinq et une ligne de trois, sinon, physiquement, l’ensemble va rapidement exploser. Sur certains événements, Christophe Galtier va devoir faire des choix pour que son équipe ne soit pas déséquilibrée sur de trop longues périodes. En deuxième mi-temps, on a vu trop de trous, et c’est dommage parce que le PSG reste bien au-dessus de la Juve.
Qu’est-ce que tu gardes, finalement, de cette soirée ?Déjà, ce match a été un très bon révélateur. On a eu la confirmation que le PSG reste une équipe dominante, peut-être encore plus avec l’arrivée de Vitinha et Messi placé dans le cœur du jeu. C’est important de savoir faire courir l’adversaire, d’avoir les joueurs qui te permettent d’être patient en construction… On a aussi eu la confirmation de certaines failles trop flagrantes. En Ligue des champions, tu ne peux pas défendre à sept pendant aussi longtemps. Quand tu regardes les autres favoris, tu as toujours un bloc à huit ou neuf éléments, disciplinés. Il ne faudrait pas que le PSG gâche l’opportunité d’aller encore plus haut parce que ses offensifs ont refusé de faire des sacrifices qui sont pourtant inhérents au football moderne : ils ont une part énorme dans le travail défensif et il ne peut être négligé, sinon, dès les huitièmes ou les quarts, ça va débouler de tous les côtés et ça risque de craquer. Il faut un minimum pour être une équipe difficile à jouer, et à ce niveau-là, le PSG, qui est sur le podium des équipes dans le monde pour créer des déséquilibres, n’est pas encore au niveau des autres. Ce match est une confirmation de certains points. C’était aussi son rôle.
L’AC Milan et la Juve s’endorment côte à côtePropos recueillis par Maxime Brigand