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Didier Deschamps doit-il rester sur le banc de l’équipe de France ?
En quittant l'Euro dès les huitièmes de finale contre la Suisse, l'équipe de France a connu son échec le plus important depuis le début du mandat de Didier Deschamps, en 2012. Ce qui était encore inimaginable la semaine dernière s'impose désormais comme l'enjeu majeur des prochains jours pour les Bleus : le technicien de 52 ans doit-il mettre fin à l'histoire ou bien continuer l'aventure à un an et demi de la Coupe du monde 2022, où la France devra défendre son titre et redorer son blason ?
La France avait presque oublié à quoi ressemblaient les lendemains malheureux. L’élimination surprise contre la Suisse en huitièmes de finale d’un Euro où ils étaient présentés comme grandissimes favoris a ravivé des sentiments oubliés, ceux provoqués par un échec cuisant, et laissé place à une interrogation encore inimaginable quelques jours plus tôt : le futur proche de l’équipe de France s’écrira-t-il avec Didier Deschamps sur son banc ? « Mon avenir ? Ce n’est pas la question, a immédiatement balayé le double champion du monde en conférence de presse après la désillusion. Vous savez, on s’est dit les choses. Il y a de la solidarité, de l’unité dans ce groupe, une force qui se dégage. J’ai une responsabilité, je l’assume. Je suis avec eux, ils sont avec moi. C’est le sport, il faut l’accepter, même si ça fait mal. C’est prévu qu’on se voie en septembre… » Certains y verront un début d’envie de poursuivre l’aventure et de remettre le couvert à la rentrée, d’autres pencheront plutôt pour un traditionnel exercice de langue de bois à la sauce DD. Après quasiment une décennie de mariage avec l’équipe de France et la FFF, Deschamps va peut-être devoir prendre le temps de la réflexion pour assumer une décision importante pour lui comme pour les Bleus, avec une question en filigrane : DD peut-il de nouveau faire gagner l’équipe de France ?
Deschamps et les fausses notes
Il n’est jamais simple de descendre d’un piédestal, ou plutôt d’un nuage dans le cas présent, surtout quand la chute est soudaine et inattendue. Dans la nuit de Bucarest, Didier Deschamps n’a pas évacué la déception en dégainant une demande en mariage lunaire. Il s’est contenté d’errer sur la pelouse de l’Arena Națională, tentant de réconforter ses poulains à coups de tapes sur l’épaule, sans parvenir ni même essayer de masquer une souffrance évidente à la vue de son visage rougi et fermé. Comme jamais depuis le début de son mandat à la tête des Bleus, le sélectionneur s’est trompé dans les grandes largeurs, face à la Suisse et depuis le début d’un Euro raté. Rien ne s’est passé comme prévu lundi soir, mais c’est peut-être parce que le technicien de 52 ans n’avait justement rien su prévoir comme il le fallait pour éviter un tel désastre. À force de tâtonner et de jongler entre les systèmes, Deschamps a perdu le contrôle des évènements, et le fil de son histoire glorieuse avec la sélection. « La première mi-temps ne me donne pas raison, évidemment, concédait-il après la rencontre. Aurait-on fait mieux en commençant différemment ? Peut-être, mais on avait fait ce qu’il fallait pour inverser la tendance… »
Chacun aura le temps de faire son autocritique dans les prochains jours, l’entraîneur français ne devrait pas y échapper. Il pourra constater que la machine de guerre qu’il avait façonnée en Russie trois ans plus tôt a perdu de sa superbe cet été, entre les éléments contraires (blessures, contexte sanitaire, individualités défaillantes, etc.) et les choix douteux réalisés par son staff. Deschamps : « J’assume mes responsabilités. Le mérite revient aux joueurs quand on gagne et à moi quand on perd. Auraient-ils fait mieux dans un autre système ? Peut-être, mais on perd après avoir mené 3-1. » Cela fait beaucoup de « peut-être » pour un homme réputé pour ne jamais rien laisser au hasard, et qui a construit son règne en équipe de France en plaçant le résultat au-dessus du jeu et de tout le reste, quitte à se faire quelques ennemis sur le chemin du succès. Hasard ou pas, c’est au moment où Deschamps aura cassé cette image de technicien chiant et têtu, en testant de nombreux schémas de jeu à l’automne puis en rappelant Karim Benzema au printemps, que le patron des Bleus a reçu sa plus grande claque. Celle-ci pourrait maintenant tout remettre en cause pour la suite, et provoquer la fin d’une belle histoire.
Une histoire en suspens
Il ne sera alors pas question de se quitter fâchés, Deschamps ayant trop fait pour une équipe de France salie par l’épisode Knysna deux ans avant son arrivée, mais plutôt de saluer la lucidité d’un homme obsédé par la victoire. Peut-il seulement rendre son tablier au sortir d’un tel échec ? Les exemples récents chez nos voisins prouvent que les rois du monde (ou d’Europe) peinent souvent à poser leur couronne et tourner la page au bon moment. En Allemagne, Joachim Löw aura attendu près de trois ans avant de comprendre que le Mondial 2018 avait sonné la fin de son histoire avec la Mannschaft ; Vicente del Bosque n’avait pas non plus rendu les armes après l’élimination catastrophique d’une Espagne tenante du titre et double championne d’Europe à la Coupe du monde 2014, poussant jusqu’à l’Euro 2016 et un banal huitième de finale ; le constat est actuellement le même pour Fernando Santos, en échec depuis le sacre du Portugal en 2016 et prolongé jusqu’en 2024 avant le tournoi continental en cours.
Au lendemain de l’élimination contre la Suisse, Noël Le Graët a livré ses premiers mots sur le sujet en marge de l’élection de Brigitte Henriques à la présidence du CNOSF, sans donner aucune indication sur l’avenir de Deschamps, dont le bail avec la FFF court jusqu’en 2022, mais en rappelant que « l’objectif n’avait pas été atteint ». « Je n’ai pas réfléchi à ça, a poursuivi le monsieur de 79 ans. Pour continuer une mission, il faut être tous les deux sur la même longueur d’onde. Pour l’instant, comme je ne l’ai pas vu, je n’en sais rien. Avec Didier, il faut que l’on passe une bonne journée ensemble, que l’on bavarde et à la fin de la journée, on aura une décision. J’ai appris que dans la vie, il ne fallait jamais prendre de décision à chaud. On va parler de ce qui s’est passé.(…)Cette élimination est un peu embêtante dans la situation économique de la Fédé. On espérait aller un peu plus loin, vous vous en doutez bien. Mais on était bien contents quand il gagnait tout. » Dans les heures qui ont suivi la sortie des Bleus de l’Euro, le nom de Zinédine Zidane, libre depuis son départ du Real Madrid le mois dernier, est apparu comme une évidence pour prendre la suite de son ancien capitaine sur le banc des Tricolores. Didier Deschamps, lui, va devoir décider dans les prochains jours si son histoire avec l’équipe de France doit continuer, ou bien être de nouveau conjuguée au passé.
Par Clément Gavard