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ACTU MERCATO

De la SuperLigue au départ de Lionel Messi

Par Pierre Rondeau
De la SuperLigue au départ de Lionel Messi

C'est peut-être le plus gros coup de l'Histoire du PSG : Lionel Messi va très certainement rejoindre le club parisien. Après des mois de tergiversations et de rebondissements, il semblerait que ce changement d'air soit directement lié à un autre sujet : la SuperLigue européenne, soutenue mordicus notamment par le FC Barcelone. Explications d'un drôle d'effet papillon.

Depuis maintenant une bonne saison, on savait que le Barça avait besoin d’argent et que le club, au-delà de ses erreurs de gestion, avait beaucoup souffert de la crise du coronavirus, entre les ralentissements économiques et la fermeture des enceintes sportives. En clair, les pertes se cumulaient dangereusement et la situation atteignait un point de non-retour… mais il fallait prolonger Lionel Messi. Le sextuple vainqueur du ballon d’Or, pépite du club, joyau de la Masia, voyait son contrat faramineux arriver à échéance et, si rien n’était fait, le club prenait le risque de le voir partir gratuitement. Seulement voilà, pour garder son numéro 10, c’était 50 millions d’euros minimum par an qu’il fallait dégager, sans compter une probable prime à la signature lors de la prolongation. Quand bien même la presse catalane ne cessait d’affirmer que la Pulgarapportait jusqu’à 200 millions d’euros par an au club, entre les revenus marketing, commerciaux et billetteries, ça n’était pas suffisant, la situation économique était trop lourde.

Un espoir nommé SuperLigue

Alors, avec d’autres géants aux pieds d’argile, les dirigeants du Barça se sont lancés dans le projet SuperLigue. Pendant des mois, accompagnés du Real, de l’Atletico, de la Juve, des clubs milanais et de six équipes anglaises, ils ont monté un dossier colossal et immensément rémunérateur. On parlait, à l’époque, lorsque l’officialisation a été faite, en avril dernier, d’un gain compris entre 4 et 6 milliards d’euros par an et jusqu’à 300 millions de prime de participation à chaque équipe dissidentes. Le tout financé par une banque d’affaires américaine et avec des fonds issus des quatre coins du globe. Loin, très loin, des quelques dizaines de millions d’euros donnés aux participants de la Ligue des Champions. Côté Barça, créer la SuperLigue et y prendre part signifiait aussi sauver ses comptes, solvabiliser et stabiliser ses finances. Et donc, et surtout, conserver Messi dans son effectif, en ayant enfin les moyens de le prolonger. Un raisonnement sommes toutes assez simple à comprendre.

Pourtant, après 48 heures de fronde populaire et politique, après la menace directe de l’UEFA, le projet SuperLigue a été abandonné. Enfin, abandonné… Disons plutôt suspendu, le temps que des pistes juridiques et des légitimité institutionnelles soient exploitées. Car, pour ces clubs, et plus particulièrement le Barça, rester dans le giron de l’UEFA et, dans une moindre mesure, de la Liga Espagnole, ce n’est pas/plus assez. D’un côté, la justice ibérique a donné raison, le mois dernier, au Barça et au Real dans leur volonté de créer un championnat indépendant et privé, a exigé la levée des sanctions et, surtout, a demandé à ce que l’affaire soit plaidée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, afin que le droit européen reconnaisse l’application de la stricte concurrence et de la liberté d’entreprendre.

Les fonds d’investissement pour arbitrer

Sauf que d’un autre côté, la Liga de Javier Tebas, consciente de ses difficultés économiques, a négocié un accord de cession de 10% des parts de sa société commerciale à un fonds d’investissement richissime et spécialiste dans les investissements sportifs, CVC Partners, pour 2,7 milliards d’euros. Le but étant, en échange, de céder la gestion et la monétisation des données digitales, de récupérer une somme importante afin de la redistribuer aux clubs, y compris le Barça et le Real. En gros, dans l’esprit de Tebas, cela signifiait de l’argent supplémentaire en quantité suffisante pour compenser les pertes et parvenir à financer, par exemple, la prolongation de Lionel Messi.

Mais mettre 2,7 milliards dans un championnat dont les deux principales écuries restaient partisanes d’une compétition dissidente aurait pu contrarier – au bas mot – CVC Partners. Ces derniers, comme en Italie où ils avaient proposé un deal avant qu’il ne se soit rejeté, ont très certainement imposé une clause, dans le contrat, interdisant à tout participant, et donc à tout bénéficiaire de l’argent injecté, de participer à un autre championnat. Autrement dit : « vous toucherez l’argent mais surtout n’allez pas jouer la SuperLigue. » Ainsi, Messi a peut-être été une victime collatérale de la volonté de créer cette nouvelle compétition, a peut-être même été instrumentalisé dans un but plus large. On s’explique : les Espagnols, en premier lieu le Real et le Barça, qui veulent cette SuperLigue, n’ont pas voulu s’enfermer dans un championnat national qui ne serait malgré tout pas assez rémunérateur et trop refermé localement. Voilà pourquoi ils ont rejeté l’accord de principe avec CVC Partners et fait une croix sur les 2,7 milliards d’euros potentiels.

Trop de régulation tuerait-elle la régulation ?

Voilà comment on en arrive à la situation actuelle : en l’état, sans SuperLigue et sans accord avec CVC, le Barça n’a pas d’argent pour faire signer Messi. L’un des meilleurs joueurs de l’histoire du Barça ne restera pas au club et ne terminera pas sa carrière en Catalogne. Tout ça, en quelques sortes, pour satisfaire les désirs plus grands d’internationalisation des dirigeants. Ensuite, au-delà de ce seul cas, très significatif, de la SuperLigue, un autre point reflète à quel point les deux géants espagnols veulent faire sécession : la régulation du foot ibérique. Depuis 2008 et la crise des subprimes, le foot espagnol est profondément contrôlé et légiféré, avec un salary cap a priori, basé sur une limitation et un plafonnement du ratio « masse salariale sur budget anticipé de la saison à venir » . C’est ce qui a bloqué l’homologation et la validation du contrat de Messi et donc conduit à son départ. Et ça, le Real et le Barça n’en veulent plus. Ils ne veulent plus qu’une autorité annexe, supérieure et indépendante, la Liga de Javier Tebas le cas échéant, décide à leur place et les empêche de pouvoir faire ce qu’ils veulent, sans contrainte et sans contrôle. D’où leur souhait de faire une SuperLigue et de quitter, définitivement, les instances et les règlements nationaux.

C’était donc déjà historique de voir Messi quitter le Barça, ça pourrait être encore plus historique, avec son départ, de voir s’accélérer une révolution du football. Un football qui se dirigerait vers un modèle mondialisé, hors sol et totalement déconnecté des réalités économiques et conjoncturelles. Tout ça après le départ d’un homme, Lionel Messi, vraisemblablement parti rejoindre le PSG, un club qui avait, au printemps dernier, refusé, par conviction ou par intérêt, la SuperLigue. Cocasse ?

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