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David Laubertie, tête pensante du Dakar Sacré-Coeur

Par Clément Teraha
David Laubertie, tête pensante du Dakar Sacré-Coeur

Enfant d’Égletons, une petite bourgade corrézienne, David Laubertie est aujourd’hui la tête pensante de l'AS Dakar Sacré-Cœur. Ce club de Ligue 1 sénégalaise, partenaire de l’OL, a fait de lui son directeur sportif à l’été 2020, avant de le nommer entraîneur de l’équipe professionnelle six mois plus tard. À 52 ans, l’ancien entraîneur du Stade poitevin et de l’US Chauvigny (N3) cumule aujourd’hui les deux fonctions, avec la ferme intention de lancer des jeunes au plus haut niveau.

« Il faut jouer à votre meilleur niveau, à chaque match. C’est ce qu’on vous demandera en Europe ! », lance David Laubertie, debout au centre du vestiaire, à ses hommes qui l’entourent. Ce samedi 27 novembre 2021, Dakar Sacré-Cœur (DSC) reçoit l’AS Pikine, une grosse pointure de la Ligue 1 sénégalaise, pour le compte de la deuxième journée de championnat. Les derniers mots du coach avant l’entrée sur la pelouse ne sont pas jetés dans le vent. Ils évoquent un projet entier, celui du DSC : propulser les minots à fort potentiel dans les meilleurs championnats du Vieux Continent. Une sorte de « secret de polichinelle » pour le partenaire de l’Olympique lyonnais, qui assume son statut de club formateur, aux dépens de celui de candidat à un titre national.

Le cumul des mandats

Deux jours avant la rencontre contre l’AS Pikine, David Laubertie est au centre d’entraînement du Dakar Sacré-Cœur, situé en plein milieu de la capitale sénégalaise. Son gabarit ne fait pas de lui l’homme le plus imposant sur le terrain, mais sa posture et son aura font le job. Sous une chaleur étouffante, il dirige son équipe lors d’une mise en place offensive dans la configuration du prochain match. Face au 4-1-4-1 fictif de son futur adversaire, David Laubertie interroge ses joueurs : « Il y a plus de place dans l’axe ou sur les côtés ? Vous le voyez ! Il faut éviter la zone axiale, contourner leur bloc équipe et trouver des intervalles. On doit se servir de nos excentrés et envoyer de bons centres. »

On doit passer par le jeu, pratiquer un bon football, être propre techniquement, maîtriser le jeu de position et différents systèmes, car les joueurs qui partent doivent avoir ces connaissances dans leurs bagages.

Vêtu d’un trois-quarts indémodable et d’un tee-shirt gris floqué de ses initiales et de la mention « staff pro » sur le dos, il porte un sifflet autour du cou qu’il utilise pour recadrer ses « gamins » au besoin. Il aime à les appeler ainsi, car au DSC, il est tout sauf rare d’observer des joueurs de 16 ou 17 ans au sein du groupe professionnel. « La saison passée, on en a lancé dix chez les pros qui sont nés en 2003 et 2004. C’est le but », glisse-t-il, au risque de se retrouver très en difficulté en championnat – le DSC avait fini 11e sur 14 – à cause d’un « déficit physique dans une compétition très athlétique. Nous, on doit passer par le jeu, pratiquer un bon football, être propre techniquement, maîtriser le jeu de position et différents systèmes, car les joueurs qui partent doivent avoir ces connaissances dans leurs bagages. »

S’il est arrivé au club en tant que directeur sportif, « pas celui en costard », il a vite pris les rênes de l’équipe fanion. « Il était possible de combiner les deux. Le matin, j’étais toujours sur le terrain, à l’entraînement. Mon poste de DS me fait être au contact des parents, des scouts. J’ai aussi un point hebdomadaire avec Bruno Cheyrou à l’OL pour lui faire des retours sur les joueurs de 18 ans. Au club, treize gamins nés entre 2004 et 2007 ont été identifiés « Potentiel OL ». Mais maintenant c’est vrai, j’ai des journées très chargées. »

Amateurisme à Chauvigny, professionnalisme à Dakar

Pour son projet, le complexe que le DSC a à disposition est éloigné des standards de la plupart des clubs sénégalais. Le lieu abrite deux terrains en gazon synthétique à onze, un plus petit pour des cinq-contre-cinq et une salle de musculation, abritée, en extérieur. Les bureaux sont modernes et surtout remplis par un nombre de salariés qui ne cesse de grandir. Toujours dans le but de préparer les meilleurs à traverser la Méditerranée, le club met en place du média training. « Il faut les familiariser avec les médias, les caméras, les questions autour de leur sport. L’objectif est de les mettre en situation et leur expliquer les enjeux de leur image. C’est important de les sensibiliser à la question », estime Swann Fernandez, responsable de l’équipe de communication. Le modèle économique du club est singulier,« le chiffre d’affaires repose à 60 % sur la location de nos terrains au foot loisir », indique Matthieu Chupin, le président français et fondateur du club. Arrivé au Sénégal il y a trente ans, l’entrepreneur se dit passionné par le lien entre le sport et le développement social. Il voulait un club qui ne dépend « pas uniquement des transferts ou d’un chéquier ». En 2021, le DSC compte « 1800 licenciés de la catégorie baby-foot à l’équipe pro ». Une stratégie qui fait la stabilité de l’entité.

Les fonctions que j’occupe ici, je ne les aurais pas eues avant combien d’années en France ? Et puis je voulais sortir de ma zone de confort.

C’est tout ce contexte professionnel qui a convaincu le natif de Corrèze. « L’opportunité a fait que je suis là. Les fonctions que j’occupe ici, je ne les aurais pas eues avant combien d’années en France ? Et puis je voulais sortir de ma zone de confort. » Il en est loin désormais. 4937 kilomètres exactement. La distance qui sépare Dakar de Chauvigny, cette commune française de 7000 habitants dans la Vienne. Là-bas, David Laubertie est une figure de proue. « Quand je suis arrivé, le club était en promotion de ligue », se souvient-il, alors qu’il l’a quitté en National 3. « À Chauvigny, j’avais un poste territorial et à côté, j’étais au club. Je ne gagnais pas ma vie grâce au football uniquement. » Passé par le Stade poitevin quatre saisons, il retourne sur le banc de l’USC en 2012 jusqu’à son grand départ pour l’Afrique. Avant sa carrière de manager, celui qui se laisse guider par sa passion fut un milieu défensif à qui il manquait« une qualité forte » pour percer dans le monde professionnel. Joueur de rugby jusqu’à 12 ans, il est ensuite passé par le Toulouse Football Club. « J’avais un contrat de stagiaire pro et j’ai fait d’excellentes rencontres. » Il retourne ensuite dans le club phare de son département, l’ESA Brive, pour évoluer en National dans les années 1990. « Mais dans le fond, je crois que j’ai toujours préféré entraîner que jouer », confie celui qui dispose d’une licence A UEFA.

« Ces dernières années, j’ai eu quelques propositions pour faire du football mon métier. L’étranger n’était pas une priorité, mais quand cette proposition du DSC et de l’OL est arrivée, il y a eu des premières visites, et je l’ai acceptée », raconte l’homme de 52 ans, aux cheveux dégarnis et à l’allure de sportif increvable. « C’est le meilleur choix que j’ai pu faire, juge-t-il. J’ai reçu un accueil humainement très riche. Il y a un véritable enthousiasme qui ressort de l’équipe. » Le « seul point noir » de son aventure au pays de la Téranga, « c’est l’éloignement avec[sa]femme ». Notaire à Chauvigny, elle n’a pas pu l’accompagner. « C’était très dur la première année, car la crise sanitaire ne permettait pas de voyager. Maintenant, c’est plus facile. » D’autant que l’une de ses deux filles l’a rejoint à la rentrée pour intégrer une classe de première au lycée français Jean Mermoz de Dakar.

Œuf mystique

C’est le jour J. Le premier match à domicile. Enfin pas vraiment. Dakar-Sacré-Cœur devrait jouer au stade Demba-Diop, à quelques centaines de mètres de son siège. « Mais une tribune qui s’est effondrée il y a quatre ans a fait plusieurs morts, et plus personne n’y joue depuis, note le coach. Donc normalement, on joue à Pikine (ASP), mais comme aujourd’hui on les affronte, le match a lieu à Guédiawaye. » Seul hic, Guédiawaye est un quartier de la banlieue dakaroise situé à cinq petits kilomètres de Pikine, un club historique et populaire, connu pour avoir de nombreux supporters. Ils sont plus d’un millier dans la tribune du stade Ndjareem, et font plus de bruit que n’importe qui.

L’avant-match, ce n’est pas ce que je préfère. On se sent un peu inutile, on est moins acteur en tant qu’entraîneur.

La causerie a lieu au club, dans la salle de réunion et de vidéo. Comme à l’entraînement deux jours plus tôt, le plan de jeu est clair : « Il faut contourner leur bloc et assumer d’avoir la possession. » Le départ pour Guédiawaye se fait en bus. David Laubertie est seul à l’avant, ses AirPods enfoncés dans les oreilles. « L’avant-match, ce n’est pas ce que je préfère. On se sent un peu inutile, on est moins acteur en tant qu’entraîneur. Alors on se projette, on se concentre. »

Pour le DSC, le match débute de la meilleure des manières. Dans le jeu, la domination est totale. Debout au bord du gazon synthétique, le technicien dakarois encourage ses joueurs à garder ce rythme. Comme il leur avait été demandé, ils passent beaucoup par les côtés, envoient des centres qui perturbent la défense adverse. C’est de cette manière qu’ils ouvrent le score avant la demi-heure de jeu. Sous l’ambiance imposée par les supporters de l’ASP, le DSC commence à reculer. Quand soudain, tout le monde s’agace sur le banc : un œuf vient d’être lancé sur la pelouse. « Il s’agit d’une croyance mystique », se désole Matthieu Chupin, le président venu assister à la rencontre en tribune. « C’est dommage parce que certains joueurs croient beaucoup en ce genre de choses, et comme par hasard à partir de cet incident, on a été dominés. Je ne dis pas que c’est à cause de ça, mais c’est désagréable et surtout interdit », regrette Kevin Babe, le préparateur physique du club arrivé tout droit de l’OL la saison dernière. L’entraîneur, lui, « s’en fout complètement, mais ça énerve beaucoup les Sénégalais. Dès qu’on va là-dedans, ils sortent de leurs gonds, c’est un sujet sensible ».

La domination de l’AS Pikine aboutit à une égalisation sur penalty en seconde période. Et malgré une opportunité incroyable de l’emporter dans le temps additionnel, les hommes de Laubertie ne prennent qu’un point. Au coup de sifflet final, c’est la cohue. Les débats sont houleux sur le penalty accordé et sur le jet d’œuf. Ça n’en vient pas aux mains, la police est présente, mais le DSC choisit de très vite s’éclipser du stade. « Ici, ils jouent la Coupe du monde à tous les matchs. On a fait ce qu’il fallait pendant 25 minutes et puis on est tombés dans le piège du match typique sénégalais : jeu long et duel. L’équipe est jeune et manque d’endurance mentale et de constance. C’est dommage, il fallait capitaliser le bon point du nul au Casa Sports le week-end dernier », tranche David Laubertie. De retour dans son bureau, il est temps de prendre des affaires de ville « et d’aller boire une bière avec les collègues ». Certaines habitudes ne se perdent pas, même à l’autre bout du monde.

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