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  • France-Portugal (0-1 ap)

Cruel Portugal

Par Thomas Pitrel, au Stade de France
5 minutes
Cruel Portugal

Le Portugal a mis fin au rêve de l'équipe de France en remportant la finale de l'Euro 2016 (1-0) grâce à un but d'Éder à la 108e minute, en prolongation. À domicile, malgré leur domination dans le jeu et la blessure précoce de Cristiano Ronaldo, les hommes de Didier Deschamps ne sont pas parvenus à faire la différence, et laissent la Selecção remporter le premier titre de son histoire.

France O-1 Portugal

But : Éder (108e) pour le Portugal

À chaque grande finale, c’est la même chose : l’apocalypse ou le panthéon. C’est ce qui fait que, quel que soit le niveau de jeu et de spectacle affiché, ces matchs prennent tous une dimension biblique ou mythologique. Cette finale de l’Euro 2016 ne fait pas exception à la règle. Avant même le début de la rencontre, les signes ne trompent pas. Le Stade de France est envahi de milliers de papillons de nuit. Dans le ciel, à travers le toit de l’enceinte, des dizaines d’oiseaux tournent en rond en attendant le moment propice pour partir en piqué et s’offrir un festin. La première des dix plaies de Saint-Denis. Mais qui va être frappé par le courroux divin ? Avant une grande finale, il n’y a jamais de signe annonciateur permettant de deviner laquelle des deux équipes va s’enfoncer dans les ténèbres et laquelle va atteindre la lumière.

Cristiano Ronaldo, roi viking

Le début de rencontre promet en effet les enfers au Portugal. Dès la 8e minute, Cristiano Ronaldo se plaint du genou après une charge virile mais licite de Dimitri Payet. Les soigneurs entrent une première fois sur la pelouse. Puis une seconde fois quelques minutes plus tard. À chaque fois, le triple Ballon d’or revient sur la pelouse, faisant redoubler les sifflets du public français, qui crie au bluff, et les chants d’amour des supporters portugais, qui craignent le pire. Ce sont ces derniers qui ont vu juste. À la 26e minute, CR7 s’assoit pour la troisième fois sur la pelouse et s’effondre en larmes dans les bras de Nani. Le champion sort sur une civière, salué par une standing ovation des 80 000 spectateurs de l’enceinte, tel un roi viking s’éloignant doucement sur son bateau-tombe lors de ses funérailles. Ricardo Quaresma le remplace, une plume dans les cheveux.

La sortie de leur capitaine et leader est d’autant plus gênante pour les Portugais que l’équipe de France compte encore, elle, dans ses rangs un chef de guerre qui mène ses troupes le couteau entre les dents. Ce n’est pas Antoine Griezmann, malgré une prestation presque aussi impeccable que contre l’Allemagne, tout en déviation subtile, contrôles précis et choix judicieux. Non, il s’agit bien de Moussa « Usain Bolt » Sissoko, qui n’en finit plus de faire parler la foudre par ses accélérations qui enfoncent systématiquement les lignes ennemies. Sa reprise de volée à la 6e minute loupe le cadre, sa mine des vingt mètres à la 22e est détournée en corner, et sa frappe excentrée dans la surface après une feinte improbable à la 34e est repoussée par Rui Patrício. Si l’on ajoute à ça la tête lobée de Griezmann que le gardien portugais a claqué de sous sa barre transversale en début de rencontre, on tient l’intégralité des occasions d’une équipe de France sûre de sa force en première période.

Hold-up et tragédie

La Selecção, elle, digère étonnamment bien la sortie de Cristiano Ronaldo, qui aura tout de même traîné sa blessure presque vingt minutes sur le terrain avant d’accepter d’être remplacé. Ils sont rarement dangereux, mais parviennent de mieux en mieux à empêcher leur adversaire de l’être, et s’offrent régulièrement ce genre de contres juste suffisant pour rappeler qu’ils peuvent marquer à tout instant. Pour remettre du bois dans la cheminée, Didier Deschamps sort Dimitri Payet, encore un peu timoré après une prestation similaire contre l’Allemagne, et fait entrer le remuant Kingsley Coman peu avant l’heure de jeu. Et le gamin du Bayern fait exactement ce pourquoi on l’a mis sur la pelouse. Il prend le ballon aux trente mètres, tricote, accélère le jeu, tombe, puis se relève en un éclair et lance Griezmann ou Giroud dans le dos de la défense. Les deux échouent successivement face à Rui Patrício. Il s’excentre sur la gauche et enroule un centre sur la tête de Griezmann qui loupe le cadre des six mètres.

La série d’occasions ratées sent évidemment le hold-up portugais. Fernando Santos, leur sélectionneur, a prévenu la veille : il serait ravi de rentrer au pays avec une « victoire imméritée » . Heureusement, Hugo Lloris est là. Alors qu’il n’a presque pas été sollicité du match, il claque un centre-tir de Nani hors de ses cages, puis bloque carrément le retourné de Quaresma qui suit. Giroud est sorti, remplacé par André-Pierre Gignac, qui est à deux doigts de rejouer le coup du but en or aux Portugais. Dans les arrêts de jeu, il contrôle dans la surface, fait tomber Pepe et frappe à bout portant. Sur le poteau. Prolongation. Les premières de ce tournoi pour l’équipe de France. La mythologie a besoin de tragédie. Elle en aura.

Éder…

La fatigue aidant, on arrive en retard, et les cartons jaunes se multiplient, pour Raphael Guerreiro, pour Matuidi, pour William Carvalho. Les coups de pied arrêtés deviennent de plus en plus importants. Sur corner, Éder place une tête piquée qui oblige une nouvelle fois Lloris à sauver la mise. Mark Clattenburg, l’arbitre anglais, fatigue aussi. Il donne un carton jaune à Koscielny pour une main d’Éder et offre au Portugal un coup franc que Raphael met sur la barre. Une minute plus tard, Éder, laissé seul dans l’axe, venge des années de victoire française contre son équipe d’un missile à ras de terre hors de portée d’Hugo Lloris. Les dés sont jetés. Au Portugal le panthéon, aux Bleus l’apocalypse. Peu importe la domination. Peu importe la belle histoire. Peu importe ce qui paraît bien ou mal. Le football n’en a que faire. Dans la mythologie grecque, les Champs-Élysées sont le paradis. C’est là-bas que se retrouveront les Portugais ce dimanche soir.

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