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Cris, Policier hors d’état ?
Un titre de perdu en L1, un autre à sauver ? C’est ce que chercheront à faire les Lyonnais pour ce 1/8ème de finale de Coupe de France face aux Girondins (16h15). Avec ou sans Cris ? Les deux, monsieur l’agent.
Pour ceux qui se demandent encore ce qu’on entend par « équipe de coupe » , on conseillera de s’intéresser d’un peu plus près au cas lyonnais. Car, depuis dimanche soir et un nul givré ramené du Vélodrome (2-2), l’OL est plus que jamais une équipe de coupe. Elle n’est même que ça. Non pas que les joueurs de Rémi Garde aient une fois de plus fait preuve de leurs dispositions remarquables pour emporter au mental un match à élimination directe, ce que tendrait à prouver leur dernière remontada en date – revenus d’un 2-0 qui menaçait de les déposer un peu plus loin du podium. Disons plutôt que l’OL est depuis dimanche dernier une équipe de coupe par défaut, simplement parce qu’avec dix points de retard sur le PSG et sept sur Montpellier, elle ne fraye plus officiellement parmi les équipes en lutte pour le titre en Ligue 1. Pour en être convaincu, encore faudrait-il tenir l’aveu des premiers intéressés. Malgré leur dévissage – tout relatif, hein… – dans la hiérarchie hexagonale, les Lyonnais font encore partie de ces quelques sphinx du championnat auprès desquels il ne sert à rien d’attendre le genre de révélation que tout le milieu chuchote déjà à leur place. Alors, on s’en remet à ces signes de passage qui finissent par trahir quelque chose de la réalité du moment. Ça a commencé dimanche avec la sortie d’échauffement de Yoann Gourcuff, celle du type qui ne comprend plus rien de ce qui lui arrive et se résout à envoyer cette main tendue qu’on lui réclame depuis des semaines : « Pour le bien de l’équipe, il ne faut pas montrer ses états d’âmes. Mais c’est une déception de ne pas aider les coéquipiers et d’être sur le terrain pour prendre du plaisir. » Avant d’assister au retour du Grand Master Clash, Jean-Michel Aulas, avec punchline de rigueur qui découvre le voile des ambitions lyonnaises pour la suite de la saison : « Je propose qu’on fasse une association avec l’OM pour aller contrarier Paris, je ne sais pas sous quelle forme, mais on va essayer de se serrer les coudes… »
Ex-premier flic de France
Une fois de plus, l’OL reste fidèle à l’idée qu’on a bien voulu s’en faire après toutes ces années : un club où tout est à sa place. Jusqu’à son capitaine de Cris renvoyé sur le banc. Le genre de mise à l’ombre qui pourrait avoir des allures de petite mort pour l’ex-premier flic de France. À croire qu’il y a une semaine à Lorient, le Policier a fini par user ses dernières cartouches. Salement bousculé par Emeghara, Bartholeme et toute la clique lorientaise, Cris a fini par assister au triomphe des siens depuis le banc. Avant de remettre ça dimanche dernier à Marseille dans un de ces sommets qui lui permettaient il y a encore peu de sauver la mise – sa tête décisive condamnait ce qu’il restait d’illusions de titre à l’OM en plus de relancer l’OL dans la course à la troisième place en fin de saison dernière. Cette fois, personne pour contester la disparition du bonhomme, à commencer par le premier concerné. Malgré toute l’estime dans laquelle on peut tenir sa carrière menée à coups de sauvetages in extremis, ses dernières prestations au radar ne pouvaient plus se jouer de cette règle la mieux partagée du milieu : dans le foot, si t’es le meilleur, t’es là.
Aussi évidente soit-elle, Rémi Garde a dû pourtant s’employer ces derniers mois pour convaincre son monde que cette règle valait aussi pour son capitaine : « Je n’ai pas de souci avec Cris. On ne peut pas, dans un club comme l’OL, qui se doit d’obtenir des résultats, réclamer une place de titulaire. (…) Je me souviens, en tant qu’entraîneur adjoint, j’allais voir les matchs en tribune, j’avais deux ou trois joueurs à côté de moi et c’étaient des internationaux. » (Lyon Capitale) Et pourtant, à chaque fois qu’il est titularisé cette saison, le soupçon d’une exception Cris finit par planer au-dessus des choix de Garde. Un coach sous influence ? Si l’on finit par poser la question avec autant d’insistance, c’est que le cas du Policier intrigue. Où l’on arrive alors à l’un de ces fantasmes qui entourent ce lieu de tous les mystères, le vestiaire d’une équipe professionnelle, et qui veut qu’un type de la trempe de Cris, de ceux qui se sont nourris de l’influence quasi chamanique de Caçapa, qui ont collé des claques à Ben Arfa ou qui ont mené la fronde anti-Puel, imposent des conditions qui dépassent le cadre officiellement établi par un coach novice.
Police de proximité
De là à voir dans Cris une certaine idée du flic ripoux, il n’y a qu’un pas qu’il est toujours tentant de franchir. Police partout, justice nulle part ? On peut toujours croire à la machination, aux affaires truquées, aux intérêts bien partagés. On peut aussi penser que ça vaut la peine d’écouter ce qui filtre parfois du vestiaire. Bafétimbi Gomis : « Cris aime bien nous réunir chez lui, surtout quand ça va mal […] Il a toujours soutenu Bako (Koné) qui est pourtant un concurrent. C’est un geste fort. » (Le Progrès) On y revient, mais l’OL reste un club où chacun est à sa place. Et Cris y tient plus que jamais la sienne. À la lisière du terrain diront certains. Ou en plein dedans si l’on s’en remet ce qu’en raconte Rémi Garde : « C’est ça, mon objectif : faire comprendre qu’à un moment ou à un autre chaque joueur apportera quelque chose pour que le club gagne ! Après, si cette situation pèse trop à certains ou qu’elle perdure, il y a un mercato tous les six mois. » (Lyon Capitale) Une vision des choses qui colle d’assez près à la définition du métier d’entraîneur telle que la dessine le coach lyonnais par touches successives au fil de la saison. A la fois un mélange entre une disposition maintes fois affirmée à la gestion collective des affaires courantes et une expérience personnelle ramenée des années gunners qui le voyait assurer le lien entre les joueurs et Wenger tout juste arrivé. Une conviction qui a pu se renforcer dimanche dernier lorsqu’une entame de match pénible a manqué d’avoir raison du pari de la jeunesse mené en défense centrale et qui laisse de la place à des apparitions du capitaine pour certaines occasions. Ce huitième de finale de Coupe de France face aux Girondins en fait déjà partie. De quoi entretenir un peu plus l’idée qu’il y a une vie pour le Policier après la force de l’ordre. Quelque chose qui aurait à voir désormais avec la sécurité pudique.
Par Serge Rezza