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Coupet du monde, épisode 2 : Into the Wild

Propos recueillis par Paul Bemer // Photos par Claude Poulet.
12 minutes
Coupet du monde, épisode 2 : Into the Wild

Cet été, Grégory Coupet est parti à l'aventure, à dos de cheval, dans le Wyoming. Une terre où la nature peut être aussi belle qu'impitoyable. La faune locale, surtout. Second épisode et récit des troisième et quatrième jours d'une balade qui en compte toujours six.

« La première nuit sous la tente, t’es dans tes petits souliers parce que tu ne sais pas trop ce qu’il y a autour de toi. Sauf que j’ai été très surpris par le calme qui règne. Je pensais qu’il allait y avoir plein de bruits, de loups ou d’autres animaux, alors qu’en fait, non. Pas un bruit. Tu dors très bien. Y a juste le matin où les écureuils grouillent de partout et font un peu de boucan. » Autour de la Quechua des Coupet, il n’y a donc pas que la rosée matinale qui a remplacé les traces d’urine de la veille. Mais plus que le plus célèbre épargnant des forêts, ce sont surtout les premiers rayons du soleil qui réveillent inlassablement Greg. « Comme tu n’as pas de montre, tu te réveilles sans jamais savoir quelle heure il est. Mais à chaque fois c’est magique. Tout est encore plus beau le matin. » Claude Poulet, lui, est réveillé depuis une bonne demi-heure et s’attelle déjà à rassembler les 45 kilos qui garnissent chacune des quatre cantines réparties sur Big et Honcho, les deux « sherpas » de l’expédition. Avec Cap, le fidèle destrier de Claude, Curly, celui de madame Coupet, et Emma, la cousine relou de Jolly Jumper qui ne cesse de jouer avec les nerfs de Greg, le gang est au complet. Vers 10h30, d’après le soleil donc, il est même prêt à affronter les cinq petits vallons qui composent la vallée de Five Pockets. Trois kilomètres de long, entre 600 et 300 mètres de large, le tout creusé par le ruisseau Horse Creek.

Five Pockets. Un authentique nom de western qui cache quelques lieux-dits aux patronymes bien de chez nous. Comme Dubois, Gros ventre et bien d’autres encore qui n’ont pas laissé Greg indifférent : « C’est sympa de voir des noms un peu français. Tu te dis qu’on est passé par là y a longtemps, qu’on a été influent… » Vrai. N’en déplaise à Davy Crockett, les premiers à découvrir la région étaient des trappeurs français venus du Québec. Et malgré le temps qui passe, leurs traces sont toujours fraîches. Après avoir avalé les premiers miles sous une météo radieuse, petite halte pour déguster un rapide Panic (le filet mignon de porc froid du cowboy, ndlr) mitonné par le chef Poulet, dont l’ancien portier de l’OL n’a pas perdu une miette : « Incroyable ! C’est un super cuistot, le Claude. Avec un bon feu et trois fois rien, il nous a fait des trucs sublimes. Des truites, du porc, des poêlées de giroles… C’était royal ! » Serein, la bedaine pleine, Greg peut alors profiter pleinement des merveilles qui l’entourent. « C’est un peu comme quand t’es enfant et que tu vas à une fête foraine. T’as les yeux grands ouverts, tu regardes tout. Le moindre petit oiseau, comme ce blue bird juste magnifique qui nous accompagnait parfois. Tu t’extasies sur tout et n’importe quoi. Une belle oie, un héron, une grue… Tu vois plein d’animaux qui peuplent ces grands espaces dans lesquels tu te sens tout petit… »

Des truites dans la source à pastis

À peu près une heure avant d’arriver vers Cathedrale Peak, le pic rocheux qui veillera sur le bivouac du jour, le groupe croise Meredith et Torry Taylor, un couple d’amis de Claude qui viennent de passer cinq jours dans le coin. « C’est toujours sympa quand tu vois d’autres « caravanes » qui ont fait le même trip que toi, qui sont harnachés comme toi. C’est un peu comme les motards en Harley qui se saluent quand ils se croisent, ironise la Coup’, avant de préciser que Claude, lui, ride sans GPS. Il fait tout à la carte. Je ne sais même pas s’il avait une boussole… Je lui ai dit qu’il existait plein de trucs nouveaux, mais il m’a répondu que c’était un peu tricher. Il préfère trouver lui-même les routes. La plupart du temps, il connaît les sentiers comme sa poche, mais bon, ça bouge une forêt, hein. Faut s’attendre un peu à tout. » Toujours est-il que tout le monde arrive à bon port, et pile dans les temps pour monter le campement. « Je m’attendais à ce que ce soit plus fatiguant, rébarbatif, confesse Greg. En fait, t’es tellement content d’arriver, de soulager les chevaux qui ont quand même bien bossé, que tout se fait assez naturellement. Et puis avec ma femme, on n’a pas l’habitude d’être des boulets… » Ou comment mettre la plus célèbre main opposée de l’Hexagone à la patte.

De son côté, c’est encore le chef Poulet qui s’occupe du menu. Et comme à son habitude, il prend grand soin de ses invités. En une petite demi-heure, armé de sa canne à pêche, il sort cinq belles « brook trout » du Wyoming à la mouche. Un moment mémorable pour les Coupet. « Il m’a appris qu’il fallait jeter en amont pour ne pas que les truites qui nagent dans le courant puissent te voir. Une bonne technique » , souligne un Greg en train de préparer un joli feu que n’auraient pas renié ses ancêtres. D’ailleurs, Claude est formel : « Greg est le roi du feu. Je suis obligé de le calmer parce qu’il brûlerait la moitié d’une forêt pour faire la braise du dîner. » Fait que l’intéressé ne conteste pas : « J’adore ça ! Je suis aussi un fana du barbeuk, donc bois sec ou mouillé, y a pas un truc qui peut me résister ! Mais là, je n’avais jamais vu ça. En fait, je n’avais jamais pris une truite sortie de l’eau comme ça et, quand tu la mets au barbeuk, ce qui est étonnant c’est que le poisson très frais se recroqueville. Alors que moi, normalement, quand je fais du poisson au barbeuk, il ne bouge pas, hein… » En attendant que le poisson finisse de se tortiller dans la poêle, place au plus bel apéro de sa vie. Ah, au fait, ça tourne à quoi un cowboy ? « Un cowboy je ne sais pas, mais nous, on a tourné au Ricard tout le séjour. Vin blanc pour ma femme et Ricard pour nous, répond l’ancien partenaire de Sidney Govou. Ce qui est bien avec le Ricard, c’est que t’en emportes moins que les bières par exemple. Un pack de bière, c’est lourd. Alors qu’avec le Ricard, t’as juste à prendre une bouteille, et tu vas directement chercher la flotte à la source. Et je peux te dire que ton pastis est très, très bon. Eau fraîche et bonheur. »

« Peut-être à demain ? »

Alors que le souper touche à sa fin et que les convives devisent autour du feu, une silhouette se dessine à la sortie du bois. Un beau blond foncé qui pèse dans les 300 kilos. Là encore, c’est Greg qui raconte le mieux l’apparition de cet invité surprise de tout premier ordre : « On est en train de manger tranquillou et là y a Claude qui dit : « Oh regardez qui descend là ! » d’une manière tellement sympathique qu’on s’attendait à voir une biche, enfin un truc sympa quoi. Et là, tu vois un grizzly. T’hallucines. Tu te dis : « Merde, y a quand même un grizzly qui descend sur le versant d’en face, et entre nous il n’y a que 500 mètres et une toute petite rivière. » Il a tourné les talons, il est remonté vers la forêt, avant de changer d’avis et de revenir vers nous pour se planter sur un petit terre-plein. Il s’est assis pour humer l’air, nous observer, sentir ce qu’on faisait… Et puis bon, en fait, il est reparti. En regardant aux jumelles, on a vu qu’il était quand même bien balèze. Une belle bête. Je pensais même que c’était un autre tellement il était gros dans les jumelles. Comme je pars du principe qu’il n’a aucune raison de t’attaquer si tu ne l’emmerdes pas, je n’ai pas eu si peur que ça. Et puis tu prends des précautions. Tu laisses le feu allumé et tu montes les caisses de bouffe dans les arbres pour éviter qu’il vienne tout chaparder. Spontanément, j’aurais mis ma tente à côté du feu, mais non, faut la mettre plus loin, ailleurs que là où tu as mangé. Le plus flippant en fait, c’est de te dire que t’as devant toi la preuve que t’es sur leur territoire et que cette nuit, y a juste un bout de tissu qui te sépare d’eux. Au final, comme t’es cuit par la journée, tu mets les bombes anti ours bien à portée de mains, tu dis à ta femme : « Peut-être à demain ? », et tu t’endors comme tu peux. »

Ce matin, le temps est couvert. Claude croise les doigts pour qu’ils aient le temps de plier bagages avant le déluge. Il sera entendu, mais sait pertinemment que ce n’est qu’une question de minutes avant de prendre une belle sauce qui trempe jusqu’au os. Moins expérimenté, Greg, lui, a jugé bon ne pas mettre son ciré. Persuadé qu’il était que sa grosse veste de cow-boy était imperméable. Raté. « Quand il pleut du début jusqu’à la fin, de la rosée du matin qui te trempe les pieds, jusqu’aux cordes qui tombent la journée, en passant par les rivières que tu traverses, bah t’es trempé de la tête aux pieds. Littéralement. D’habitude, la pause du midi est assez courte. À peine une petite heure. Tu manges un petit truc rapide, tu bois un coup, tu reposes les chevaux et tu repars. Mais ce jour-là, on lui a demandé de s’arrêter un peu plus longtemps pour faire un feu parce qu’on avait vraiment besoin de se réchauffer, de sécher nos affaires. On était rincés, c’est le cas de le dire. Quand tu te lèves à sept heures, que tu pars vers neuf et que t’es sous la flotte jusqu’à treize heures… Disons que c’était hyper important pour nous de souffler un peu. En plus, le paysage est moins sympa dans ces cas-là, tu l’appréhendes différemment. Et puis, quand tu te retrouves auprès du feu, y a un côté convivial, rassurant. Comme on disait avec ma femme, on a fait notre Koh-Lanta à cheval et on comprend le besoin du feu. C’est réconfortant le feu. » Surtout lorsqu’on attaque l’ascension vers le col de Twilight pass qui culmine à 3408m, la plus difficile du parcours. Le tout sur le dos de l’hésitante Emma, qui n’aime pas trop remonter la pente en lacets. Au lieu de prendre son temps en multipliant les virages, la jument accumule le retard et préfère le rattraper en tirant tout droit une fois sur deux. Malgré les risques et les obstacles. « Arrivé en haut, on est même descendus pour marcher un peu et reposer les chevaux. Il y avait de la neige et pas mal de brouillard. Perso, si j’avais pu la porter à ce moment-là, je l’aurais fait tellement elle était cuite la pauvre bête. Franchement, ça fait du bien de marcher aussi. Pour toi comme pour le cheval. Et puis comme je fais beaucoup de trails, marcher ne me dérange absolument pas » , insiste-t-il. Partant du principe que tous deux partagent la même passion pour la nature et les grands espaces, dans ces moments-là, même Zlatan passerait presque pour un petit joueur à côté de notre Greg national. « Mouais, ça m’étonnerait parce que lui, il l’aurait vraiment porté le cheval… » , corrige-t-il, à tort ou à raison.

« Comme des chiens en laisse… »

Le moment est parfait pour Claude. Il dégaine son appareil pour immortaliser le couple en plein effort dans leurs beaux cirés jaunes. Sauf qu’en mettant ses deux mains sur le boitier, le guide lâche la bride de Big qui s’empresse alors de se barrer avec le matos. « Pour le coup, il ne s’est pas formalisé du tout, rembobine Greg. Les chevaux ont l’habitude de se suivre, donc Claude disait qu’il reviendrait de lui-même. Sauf que je crois qu’à ce moment-là, le cheval en avait franchement plein le cul et que s’il avait pu parler, on en aurait entendu des vertes et des pas mûres… Je te jure, il a tourné les talons et il est parti sans jamais se retourner ! Nous, on a continué à avancer, un kilomètre, deux kilomètres, et au bout d’un moment, on ne le voyait même plus. On n’avait qu’une trouille, c’est qu’il fasse le chemin inverse pour redescendre le col. Et là, je dis à Claude : « S’il a la bouffe, c’est pas grave. On peut tenir, se débrouiller. Tant qu’on a à boire, ça va. Pas grave. Mais en revanche, je crois qu’il a les tentes… » Claude a confirmé avant de vite partir le chercher. On a perdu une bonne heure, parce qu’il a fallu qu’il lui parle, qu’il négocie avec lui pour qu’il revienne. Mais bon, je crois que ça fait partie des moments qui peuvent arriver avec les chevaux. Ce n’est pas la tranquillité d’une mécanique. Un cheval, ça peut se blesser, se barrer, se cabrer. Ça met du piment dans la balade. » Le temps commence enfin à se dégager. Il est grand temps d’attaquer la descente vers Hidden Bassin. Dans cette forêt dévastée par un incendie deux ans auparavant, la cordée serpente entre les squelettes noirs d’arbres calcinés qui surgissent d’un tapis de fleurs mauves. Le contraste est saisissant. « C’est sûr que c’est triste quand tu vois ces bois brûlés, poursuit Coupet. Mais ce qui est chouette, c’est de voir toutes ces fleurs magnifiques repousser et de constater que la nature reprend ses droits, qu’elle est plus forte que tout. L’autre point positif, c’est que tu vois un peu plus loin, et t’as moins peur qu’un ours te tombe dessus. Mais c’est surtout là que j’ai découvert qu’Emma ne savait pas marcher au pas en étant tenu par les rênes. Les autres avançaient comme des chiens en laisse, alors que moi, j’ai dû me mettre derrière elle pour éviter qu’elle ne me marche dessus. » Sacrée Emma.

Bliss Meadow, cette vaste plaine drainée par la Shoshone River où Claude compte établir le camp de base du jour, n’est plus très loin. Reste encore à passer Pierpont Pass pour que le calvaire touche à sa fin. Après 38 km à crapahuter en pleine montagne, la fatigue se fait vraiment ressentir. Mais Greg reste philosophe : « Quelque part, c’était la journée la plus dure, mais également la plus belle grâce à cette alternance de paysages. J’avoue que je croyais même qu’après la descente, c’était fini. Sauf qu’on avait encore une autre grosse descente, puis une autre, etc. Bref. C’était quand même une très, très, très longue journée. » Et leur guide de confirmer : « Je tire mon chapeau à Greg, mais aussi à Carole, ils ont vraiment la caisse comme on dit ! » À peine le temps de dresser les tentes que la pluie se remet à tomber. Le moral n’est pas au beau fixe et, même si le feu réchauffe un peu les cœurs, l’appel du duvet se fait de plus en plus pressant. « Ce soir-là, ça n’a pas traîné, personne n’a demandé son reste » , se souvient Coupet. Même pas un petit Ricard ? « Ah si ! Au moins l’apéro, inévitablement. Si tu finis la journée sans apéro, t’as tout perdu ! » Car pour Alexander comme pour Greg Supertramp, « le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé… »

Episode 1 Episode 3

Dans cet article :
Top 100 : Footballeurs fictifs (de 70 à 61)
Dans cet article :

Propos recueillis par Paul Bemer // Photos par Claude Poulet.

Le season finale de « Coupet du monde » sera à suivre lundi prochain

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