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Coupe de France : Le traquenard du premier week-end de janvier, raconté par ses victimes

Par Raphaël Brosse
7 minutes
Coupe de France : Le traquenard du premier week-end de janvier, raconté par ses victimes

Le répit a été de courte durée : dès ce dimanche 2 janvier, la grande majorité des clubs de l’élite a rendez-vous avec les seizièmes de finale de la Coupe de France. Il faut dire que la plus illustre des compétitions hexagonales a pris l’habitude de squatter le premier week-end de l’année, qui est d’ailleurs propice aux exploits des amateurs face aux professionnels. Deux anciens joueurs de Ligue 1 et un entraîneur expérimenté décryptent ce redouté traquenard du début d’année.

On ne saurait que trop conseiller à Saint-Étienne, Reims et Marseille de se méfier. Ce dimanche, ces trois clubs de Ligue 1 iront respectivement affronter, Jura Sud (N2), Thaon (N3) et Chauvigny (N3, qui recevra à Limoges pour l’occasion) à l’occasion des seizièmes de finale de la Coupe de France. On n’oublie pas non plus le PSG, qui ira à Vannes (N2) lundi. Si ces écuries devront faire attention, c’est parce que nous sommes début janvier et que cette période est traditionnellement favorable aux belles histoires, aux David qui renversent des Goliath, aux amateurs qui réussissent l’exploit d’une vie face à des professionnels qui n’ont pas su éviter le traquenard. « Je n’aime pas le mot « traquenard », car quelque part il dévalorise la performance du vainqueur », prévient Pablo Correa. Il n’empêche, l’entraîneur franco-uruguayen a goûté à maintes reprises à ces rencontres particulières, essentiellement depuis le banc de Nancy. « Ces matchs, c’était tout sauf une partie de plaisir », lâche spontanément Fabrice Abriel lorsqu’on lui propose d’ouvrir la boîte à souvenirs. « Je n’aimais pas trop les jouer, concède pour sa part Thibault Giresse.Pour les pros, il n’y a rien à gagner et tout à perdre. Parce que si on passe, c’est normal et si on se fait sortir, c’est la honte. » Chacun d’entre eux est déjà tombé dans le piège, ne serait-ce qu’une fois. Tous sont donc bien placés pour expliquer en quoi ce tour de Coupe du début d’année peut s’avérer casse-gueule.

Il faisait tellement froid que je ne pouvais pas m’asseoir sur le banc. J’étais obligé de rester debout, de bouger pour ne pas être congelé. Honnêtement, c’était un soir où on ne pouvait pas jouer au foot.

Terrain « compliqué » , trêve des confiseurs et part de folie

Le premier argument avancé est souvent le même : une pelouse en trop mauvais état pour déployer un jeu léché, ce qui est susceptible de rééquilibrer les débats entre des locaux déterminés à bien défendre et des visiteurs davantage habitués aux billards de l’élite. « Le terrain était compliqué, et on n’avait pas fait le nécessaire. Bref, on n’avait pas été bons du tout », se remémore Giresse, en pensant à l’élimination de son TFC sur la pelouse de Lyon-La Duchère, en 2006 (2-1). Le climat, pas franchement au beau fixe à cette période, joue aussi son petit rôle. « Je suis arrivé à Nancy en 1995. Ça fait maintenant 26 ans que je vis en France. Mais ce jour-là, à Romorantin, c’est le jour où j’ai eu le plus froid de toute ma vie, souffle Correa qui, en 2009, avait vu l’ASNL tomber aux tirs au but en Sologne (0-0, 4-2 TAB). Il faisait tellement froid que je ne pouvais pas m’asseoir sur le banc. J’étais obligé de rester debout, de bouger pour ne pas être congelé. Honnêtement, c’était un soir où on ne pouvait pas jouer au foot. » L’excuse, qui pourtant s’applique aux deux camps, n’est pas applicable à tous les coups. « Ce n’était pas un bourbier, la qualification de Calais était méritée, il n’y avait rien à dire », assène Abriel, qui avait subi la furia calaisienne avec Lorient en 2007 (2-0).

Ce qui rend également ces rencontres peu évidentes à aborder pour les cadors, c’est bien sûr leur place dans le calendrier. Il s’agit très souvent du premier match de l’année civile, programmé quelques jours à peine après les fêtes et une trêve hivernale durant laquelle les joueurs ont pu partir en vacances. « On sait qu’ils ont besoin de couper, que c’est difficile de leur donner un programme de préparation sérieux pendant cette courte période de repos », raconte l’ancien coach lorrain. « C’est la trêve des confiseurs et elle porte bien son nom, parce qu’on peut se laisser tenter par des chocolats, des bonbons… Derrière, on a quelques jours seulement pour remettre la machine en route », explique l’ex-milieu toulousain. Pendant que les amateurs attendent leurs adversaires de pied ferme, ceux-ci débarquent « avec très peu de séances d’entraînement dans les jambes, sans forcément faire preuve d’une grande concentration, ni d’une exigence irréprochable », enchaîne Thibault Giresse. « Pour moi, tout ça, ce n’est pas une histoire de manque de professionnalisme, assure Fabrice Abriel. Il suffit que l’adversaire bénéficie de faits de jeu favorables, comme un penalty ou un but en début de match, et ça peut prendre une tournure folle. » Et d’ajouter : « Les amateurs veulent que ça parte dans l’irrationnel. Or, ça dérange les professionnels, qui préfèrent jouer une partie structurée, tactique, avec un round d’observation… À Lorient, avec Christian Gourcuff, ça ne nous réussissait pas du tout ce genre de matchs, justement parce qu’on n’arrivait pas à maîtriser cette folie dans le jeu. »

Pour le coup, ça ne nous fait pas super plaisir d’être à la Une des journaux et de passer dans Téléfoot le lendemain.

« On tombe tellement bas qu’il n’y a plus rien à dire »

L’ancien Merlu a surtout en tête l’élimination subie deux ans plus tôt, à Quevilly (1-0), alors qu’il portait le maillot guingampais. « On était partis le jour du match, rembobine-t-il. Durant le vol, il y a eu un trou d’air. Certains n’aimaient pas voyager en avion et il y a eu de la panique, des joueurs ont tremblé. Ensuite, sur le terrain, il nous manquait le supplément d’âme nécessaire pour faire la différence. » Comme quoi, si la tête n’y est pas, il y a peu de chances que les jambes suivent. « Un parcours en Coupe, c’est un long, très long chemin, rappelle Pablo Correa. Le joueur, il n’est pas idiot. Il sait qu’il va jouer sur un terrain gelé, qu’il risque de se blesser… Il va mettre le pied, oui, mais pas avec la même motivation que si la finale était proche. Dans un coin de sa tête, il pense probablement qu’il pourra se reposer sur sa qualité technique pour passer ce tour. Sauf qu’ensuite, pendant le match, il s’aperçoit que ça ne suffira pas. » Plus généralement, le technicien de 54 ans – en poste depuis peu au Royal Excelsior Virton, en D2 belge – estime que « des équipes sont armées pour jouer à fond sur tous les tableaux, mais quand on lutte pour le maintien, qu’on a déjà en tête le match de championnat qui va suivre, la Coupe peut être vue comme une distraction. » Ce n’est néanmoins pas le cas partout, à en croire Thibault Giresse. « À Guingamp, il y a un rapport à la Coupe de France qui est très particulier, expose l’adjoint de Stéphane Dumont à l’EAG. C’est cette compétition qui a permis au club d’exister et de se faire connaître dans les années 1970. C’est interdit de la négliger et, de mémoire, ça ne m’est jamais arrivé de me faire sortir par une équipe d’un niveau inférieur ici. »

Il y a d’abord de l’énervement, parce qu’on sait qu’on a déconné.

Une fois l’exploit concrétisé, les caméras sont uniquement braquées vers les héros du jour, qui laissent éclater leur joie devant un public en liesse. Les joueurs de Ligue 1, eux, quittent la scène sans demander leur reste. Dans le vestiaire, l’ambiance est forcément pesante. « Chacun se rend tout de suite compte qu’il n’a pas fait les efforts nécessaires », soupire Pablo Correa. « Il y a d’abord de l’énervement, parce qu’on sait qu’on a déconné, admet Thibault Giresse, dont les faits d’armes dans l’épreuve demeurent par ailleurs plus que flatteurs (vainqueur en 2014, demi-finaliste en 2008, 2015 et 2017). Puis on se remobilise. Après tout, on n’est ni les premiers, ni les derniers à se faire sortir par des amateurs. » Relativiser et vite renouer avec le quotidien du championnat, c’est aussi le remède préconisé par Fabrice Abriel. « On tombe tellement bas qu’il n’y a plus rien à dire, narre celui qui dirige l’équipe féminine du FC Fleury 91. Pour le coup, ça ne nous fait pas super plaisir d’être à la Une des journaux et de passer dansTéléfootle lendemain. Mais le sportif de haut niveau a cette capacité à se remettre en question. En gagnant le match qui suit, on peut commencer à oublier cette élimination. Et sur la durée, on sait qu’il reste du temps pour sauver la saison. » Une bonne nouvelle, assurément, pour les futures victimes du traquenard de début janvier.

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Par Raphaël Brosse

Tous propos recueillis par RB.

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