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Comment vit-on la Coupe du monde à l’école ?

Par Tom Binet et Adrien Hémard-Dohain
Comment vit-on la Coupe du monde à l’école ?

Souvent suivie par des élèves pour qui la fin d'année scolaire rime avec davantage de temps libre et vacances, la Coupe du monde délocalisée en fin d'automne peut-elle provoquer autant d'engouement dans le milieu scolaire ? Entre la place limitée du football à l'école, des professeurs peu intéressés par le tournoi et des élèves qui font avec les moyens du bord, l'équation n'est pas si simple.

Les images ont fait le tour du monde. Au Mexique, en Uruguay et dans de nombreux pays d’Amérique latine, des enfants regroupés, assis dans leur cour d’école pour assister aux exploits de leurs équipes nationales, tout au long de la phase de poules. Ici, des bambins célébrant la parade de Memo Ochoa face à Robert Lewandowski, là d’autres exultant sur les buts de Lionel Messi ou de Giorgian De Arrascaeta. Une place accordée au football dans le milieu scolaire difficile à imaginer en France, où même la Coupe du monde peine à bousculer le quotidien à l’école, dans les collèges ou dans les lycées. « Un événement autour d’un match de l’équipe de France ? Je ne pense pas. Ce n’est vraiment pas dans la culture scolaire en France, je n’ai jamais vu ce genre de choses », reconnaît Christophe Tromp, professeur de physique dans un collège tarnais. Assistante d’éducation dans un lycée à Montpellier, Typhaine renchérit : « Impensable. Je pense que ce ne sont pas les mêmes gens qui regardent le foot, en Amérique du Sud c’est vachement populaire. En France, même les profs s’en moquent un peu, ils ne vont pas arrêter leurs cours pour la Coupe du monde. »

 Je pense que ce ne sont pas les mêmes gens qui regardent le foot, en Amérique du Sud c’est vachement populaire. En France, même les profs s’en moquent un peu, ils ne vont pas arrêter leurs cours pour la Coupe du monde.

Un Mondial gelé par le froid

Un intérêt limité qui se heurte à un calendrier bouleversé pour cette édition 2022. Les joueurs ne sont en effet pas les seuls à se retrouver perturbés par l’organisation du Mondial en hiver, abandonnant la traditionnelle fin d’année et les matchs regardés en guise de décompression en pleines révisions pour les examens. « La période fait qu’on est plus bloqués, en juin c’est la fin de l’année, les programmes sont finis, on est un peu plus libres, développe Marvin, instituteur dans une école primaire à Villefranche-sur-Saône. Là, après la rentrée, c’est arrivé vite. Il y a moins de ressources disponibles sur internet, on voit moins de blogs de profs sur le sujet. »

Un sentiment partagé par une large part du corps enseignant, alors que les mois de novembre et décembre marquent la fin d’un premier trimestre éreintant. « Le facteur automne, ça joue beaucoup, c’est dans un moment beaucoup plus important de l’année scolaire que juin, il y a des évaluations importantes, poursuit Christophe Tromp. C’est l’hiver, donc aller regarder les matchs dehors, c’est complètement exclu. » Pour les inconditionnels qui tiennent absolument à suivre les rencontres, qu’importent les cours ou les évaluations, le lycée peut au contraire servir de refuge face à un thermomètre aussi peu coopératif. « En juin, la plupart du temps, les gens sortent, ils regardent ça chez eux ou dans des bars, alors que là, ils restent au lycée, constate Madji, 15 ans et élève en première. Comme il fait froid, les gens restent plus à l’intérieur pour regarder les matchs. En juin, certains ont des examens ; en novembre, il y a quelques contrôles, mais c’est beaucoup plus léger. »

Mbappé, Messi et bouts de match en douce

Temporalité ou non, les jeunes ne semblent pas nécessairement assoiffés du moindre match, de la moindre action, du moindre geste. Sauf quand il s’agit de leurs idoles, précise Marvin : « Je suis avec des 9-10 ans et j’ai quelques footeux dans la classe, on essaye d’en parler, mais ils ne sont pas à fond. Ils me parlent de Mbappé, des stars, mais ça ne va pas plus loin. » Aux côtés de Messi, Neymar ou encore Cristiano Ronaldo, le numéro 10 des Bleus monopolise une large part de l’attention. Souvent davantage que les équipes. « Je l’attendais avec impatience cette Coupe du monde, surtout pour Messi. Plus que la France, parce que c’est sa dernière », embraye Manolo, 17 ans et élève de terminale. Côté enseignants non plus, l’heure n’est guère à l’enthousiasme débordant pour le ballon rond.

 Je ne mets pas en grand écran quand même, parce que j’ai une vitre derrière moi qui donne sur la cour, je mets une petite vignette. J’ai pu voir des bouts de match. En revanche, quand ça toque à ma porte, j’éteins tout.

« Personnellement, mes profs n’en discutent pas du tout avec nous, se désole Madji. Je sais qu’il y a certains de mes potes qui en parlent, qui débattent sur la compétition, mais dans tous les cas, il n’y a rien d’organisé dans le lycée pour regarder les matchs. » Le football ne reste ainsi qu’une conversation parmi d’autres, quand il n’est pas absent des débats. « Personne n’en parle à la pause café. Une fois, je me suis mis un match sur le téléphone au self, personne ne m’en a parlé, raconte Damien, CPE en collège. Pour le Mondial féminin de basket, on avait pourtant suivi un match des Bleues dans mon bureau avec une collègue prof d’EPS, mais pour l’instant, je n’ai invité personne, même si on parle de foot assez souvent. » Ce grand fan des Verts de Saint-Étienne s’est donc résolu à garder un œil sur les rencontres tout seul : « Je ne mets pas en grand écran quand même, parce que j’ai une vitre derrière moi qui donne sur la cour, je mets une petite vignette. J’ai pu voir des bouts de match. En revanche, quand ça toque à ma porte, j’éteins tout. »

Un manque d’enthousiasme également lié aux horaires des matchs de l’équipe de France, en soirée ou les week-ends. « Il n’y a rien qui se fait pour la Coupe du monde parce qu’il n’y a pas eu d’engouement, de demande. À la limite, pour un match de l’équipe de France sur un temps scolaire, on aurait fait quelque chose », poursuit Damien. Même son de cloche pour Marvin, qui assure que les Bleus auraient pu débrider tout ça : « Si la France avait joué à ces heures-là, j’aurais demandé au directeur de diffuser le match, ça aurait été exceptionnel. Les gamins auraient adoré, les parents auraient compris. » Un rendez-vous manqué, en somme. « Cette année, je ne me sers pas de la Coupe du monde parce que je ne sens pas un suivi exceptionnel. Mais les autres années, ça m’arrivait de m’appuyer dessus, notamment pour la géographie, chercher des infos sur les pays », regrette-t-il.

 Pour France-Tunisie, on regardait tous, on s’est même fait spoiler le but. Les profs ne captent pas trop, on fait alt + tab et ils ne voient rien. Quand il y a but, on se fait discrets, mais il y a toujours du bruit dans la classe de toute façon.

Les lycéens seuls au monde ?

Pour voir s’affoler un peu cet encéphalogramme relativement plat, c’est vers les lycées qu’il faut se tourner. Et plus particulièrement vers les élèves, qui eux sont pleinement dans leur Coupe du monde.« Mon lycée n’a rien mis en place, personne n’en parle », constate Manolo. Ce qui ne l’empêche pas de suivre les événements. « On a nos ordinateurs pour les cours, en fonction des matières, on peut regarder le match en direct avec un onglet ouvert. Sinon, on regarde le match sur le téléphone, enchaîne-t-il. Pour France-Tunisie, on regardait tous, on s’est même fait spoiler le but. Les profs ne captent pas trop, on fait alt + tab, et ils ne voient rien. Quand il y a but, on se fait discrets, mais il y a toujours du bruit dans la classe de toute façon. »

Une expérience également partagée par Madji, avec plus ou moins les mêmes méthodes. « Pendant les heures de trou, on se retrouve au foyer, on regarde les matchs tous ensemble, explique-t-il. En cours, il y en a qui se sont fait attraper, mais je pense que les profs savent qu’il y a tellement de gens qui le font que s’ils s’en prennent à tout le monde, c’est ridicule. » Petit inconvénient : les ordinateurs restent interdits dans certaines matières. « En anglais ou en SES, les profs ne travaillent pas avec le PC, donc c’est plus dur, détaille encore le lycéen. J’essaie de mettre le téléphone dans ma trousse ou des choses comme ça. » Un art de la ruse également mis en œuvre par Manolo pour ne pas en louper une miette : « J’ai eu quelques devoirs sur table pendant des matchs, et un travail de groupe pendant France-Tunisie. Je me suis mis avec un pote qui ne regarde pas le foot. Il a tout fait. »

 Il y a beaucoup d’élèves d’origine marocaine. Le jour du premier match du Maroc, c’était la folie dans le lycée, certains ont séché pour regarder le match.

Une manière de suivre malgré tout la compétition, mais également de faire passer le temps pour les élèves. « Les journées de cours passent beaucoup plus vite, surtout pendant la phase de groupes, on en avait pour toute la journée, reprend Manolo. On a une ligue Mon Petit Prono dans le lycée entre terminales, avec cent personnes. Je suis cinquième. » Une dynamique collective qui se poursuit en soirée, pour ceux qui restent dormir au sein de l’internat. « Normalement de 20h à 21h, c’est l’heure d’études, ils sont dans leurs chambres à faire leurs devoirs et de 21h à 22h c’est temps libre. Le soir de France-Australie, il n’y a pas eu d’heure d’études, décrit Typhaine, également en charge de la surveillance en soirée. Ils étaient tous rassemblés dans la salle de détente, tout l’étage était devant le match. » Un emballement qui ne concerne pas que les matchs des Bleus. « Il y a beaucoup d’élèves d’origine marocaine. Le jour du premier match du Maroc, c’était la folie dans le lycée, certains ont séché pour regarder le match », reprend-elle.

Le parcours des Bleus, qualifiés pour les demi-finales ce mercredi soir face au… Maroc, peut-il provoquer un plus grand enthousiasme ?« Si la France va loin, cela pourrait bouger un peu, mais surtout en dehors du collège, imaginait Christophe Tromp à l’approche de la phase finale. Je pourrais très bien proposer d’aller voir les matchs le soir entre collègues, boire un coup ensemble. Pas avec les élèves en revanche, au collège ils sont vraiment trop jeunes encore. » « Je trouve que les gens en parlent de plus en plus, même les profs y font de plus en plus référence avec la compétition qui avance et l’équipe de France qui est en quarts », remarquait pour sa part Madji avant le duel face à l’Angleterre. À l’approche des vacances, les Bleus peuvent-ils apporter un peu de la magie de Noël dans les classes ? Voilà qui serait une merveilleuse manière de célébrer une Coupe du monde à l’aube de l’hiver.

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Par Tom Binet et Adrien Hémard-Dohain

Tous propos recueillis par TB et AHD

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