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Comment survivre à une discussion foot lors d’un dîner en famille ?
Ce soir, c’est le grand soir. Après une édition 2020 tronquée par la Covid avec des tablées de 6 personnes, le réveillon de Noël fait son grand retour en 2021, même si l’ombre pandémique plane toujours. Et qui dit cadeaux sous le sapin, dinde farcie et oncle borderline dit conversations animées à base de grandes envolées lyriques aux arguments approximatifs. Le football n’y échappe évidemment pas. Mais si le ballon rond s’invite à table, voilà comment botter en touche.
Le football, c’est comme la politique : on peut aimer ça, en débattre passionnément toute l’année, s’y engager bénévolement, mais on peut aussi (se) gâcher un réveillon de Noël en famille si on laisse le sujet prendre trop de place. Pire que l’oncle raciste, l’oncle footix peut à lui seul vous ruiner la soirée avec ses grandes théories sur les entraîneurs français ( « Domenech a disputé une finale de Coupe du monde quand même » ), ses analyses tactiques douteuses ( « le PSG a fait une erreur en achetant Messi » ), sans oublier le fait que c’était mieux avant ( « Les Verts de 1976, ça c’était du foot » ). Et cette année encore, les pièges seront nombreux, et le terrain encore plus glissant que la pelouse du LOSC. Rien que les violences répétées dans les tribunes peuvent faire du ballon rond un sujet à éviter d’urgence autour de la dinde ce soir. Heureusement, il existe plusieurs solutions.
La politique est votre amie
D’abord, la simplicité : si l’interlocuteur en question a une connaissance très limitée du football, on peut se contenter de hocher la tête et de glisser quelques « c’est pas faux », pour ne pas alimenter le débat et froisser les convives. Si la discussion se prolonge, il va falloir gonfler les muscles au risque que l’individu comprenne votre manœuvre. Revoyons alors quelques règles de base, dont la première : ne pas offrir de cadeaux en rapport avec le football. Évitons de tendre le bâton… Dans la même idée, ne pas regarder le Boxing Day si la famille squatte toujours le salon le 26 décembre.
Un minimum qui n’empêchera pas des sujets inévitables de s’inviter à table. Le retour de Karim Benzema continuera sans doute à faire parler, entre le sort réservé depuis « à ce pauvre Olivier Giroud » que votre maman aime tant, et surtout la condamnation récente du Madrilène. Ce à quoi vous pourrez opposer les situations de Nikola Karabatic et Earvin Ngapeth, que personne ne songe à exclure de leurs équipes de France respectives, malgré leurs condamnations. Autre sujet du moment : la violence dans les stades. Attention : thématique particulièrement épineuse, qu’on pourra seulement botter par le poncif éculé des « stades qui reflètent la société ». Une société qui se divise pour l’instant sur quelle candidature d’extrême droite faut-il envoyer au second tour. Et bim.
Justement, la campagne présidentielle sera la meilleure feinte pour s’extirper du marquage de tonton footix pendant le réveillon. Rien ne vaut une bonne vieille engueulade politique pour détourner l’attention. En cette précampagne présidentielle, ce ne sont pas les sujets qui manquent. Illustration : on vous lance sur l’avenir de Zinédine Zidane, sa possible venue au PSG ou à la tête des Bleus, ou encore sur sa véritable compétence en tant que coach ? Répondez qu’un seul « Z » compte pour le moment. Effet garanti. Autre option : on vous parle de l’OM de Sampaoli, soi-disant roi du déséquilibre, ou bien on critique l’Argentin en disant qu’un coach français ferait tout aussi bien que lui ? Rétorquez que même avec Konrad de la Fuente et Luis Henrique, son couloir gauche est plus vivace que la primaire populaire et l’union autour de Christiane Taubira. Plus extrême : dire que vous ne regardez plus le football depuis qu’on a le droit à 5 changements, le seul grand remplacement qui vous fait froid dans le dos actuellement. Enfin, le sujet de secours : le boycott de la Coupe du monde 2022. Certes, on reste là sur un sujet football, mais surtout géopolitique. Tout le monde aura son avis sur la question, comme votre père qui vous dira qu’il était pour le boycott du Mondial argentin en 1978, ou votre petite cousine qui s’offusquera que les JO d’hiver 2022 aient lieu à Pékin parce qu’elle a vu une vidéo sur TikTok dénonçant le sort des Ouïghours. L’occasion parfaite de glisser vers un autre sujet sportif et de papoter ski alpin, biathlon et halfpipe. Des sujets bien plus de saison.
Pascal Dupraz, féminisme et multiverse
Si tout cela ne vous sort pas du pétrin, il reste une pelletée de solutions, comme régler ça sur le FIFA offert à votre cousin. Heureusement pour vous, le foot se raccroche vite à toutes les branches de la société. Que pensez-vous de la nomination de Pascal Dupraz à Saint-Étienne ? Ça ne s’est pas bien fini à Caen, et tiens, en parlant de Caen, tu as vu qu’Orelsan a brisé un record battu dans la foulée par Ninho ? Cette bon vieille Covid vous sortira aussi de toutes les impasses : « C’est fou que la L1 se poursuive dans des stades pleins quand on voit le nombre de cas, non ? » Réorienter la discussion sur le foot féminin peut aussi amener le débat sur l’égalité des sexes, et le féminisme, et vous éloigner des terrains. Tout comme le ferait un foie gras déposé dans votre assiette, et qui sera l’occasion de parler véganisme et wokisme. Et si ces valeurs sûres n’éloignent pas le foot de la table, n’hésitez pas à chuchoter à votre petit neveu de cinq piges que le Père Noël n’existe pas, à balancer le cousin de 16 ans pour la clope qu’il vient de fumer en cachette entre le saumon et la dinde, ou à lancer votre grand-père sur ses souvenirs de la guerre.
On t’a reconnu PAF, sous ton chapeau.
Vous trouvez ça un peu extrême ? Demandez à ouvrir les cadeaux à 22h, félicitez votre tante pour son sapin, ou demandez à vos cousins de détailler leur top Spotify 2021 ou de vous expliquer le multiverse des films Marvel, cela passera le temps. Malgré tous vos efforts, on ne vous lâche pas ? La dernière solution – peut-être la meilleure – pour qu’on arrête de vous parler de foot au réveillon, c’est finalement d’en parler encore plus. Explication : plus vous entrerez dans les détails, plus vous aurez de chance de semer les Footix en route. Quoi de mieux que d’expliquer le rôle hybride de Valentin Rongier dans le schéma mouvant de Sampaoli, la Paquetá-dépendance à l’OL, le Rennes de Pep Genesio, la révolution des Racing Club de Lens et Strasbourg. Engagez-vous dans un comparatif détaillé du football de Guardiola et de Klopp, dans un éloge de Ralf Rangnick, dans une analyse approfondie de l’évolution du rôle des latéraux. Dans une critique de la surathlétisation des joueurs. Bref, parlez du football comme Marcelo Bielsa : avec passion, une multitude de détails et sans regarder votre interlocuteur dans les yeux. Et si cela ne marche pas, il reste Sorare et ses NFT, ou bien la bouteille de vin pour resservir l’interlocuteur récalcitrant. Parce que s’il vous soûle à parler de ballon, pourquoi ne pas remplir son verre pour le même effet ?
Par Adrien Hémard