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Comment la règle des changements en cours de match a-t-elle évolué ?

Par Éric Maggiori
6 minutes
Comment la règle des changements en cours de match a-t-elle évolué ?

Jusqu’à la fin de la saison 2020-2021, il est possible pour un entraîneur d’effectuer cinq changements au cours des 90 minutes. Un luxe, notamment lorsque l’on sait qu’il y a soixante ans, il n’était pas officiellement permis de procéder au moindre changement, et ce, même si un joueur se blessait.

En dehors de la ville de Foggia, où il a passé six saisons, le nom de Giuseppe Moschioni ne dit pas grand-chose à grand monde. Et pourtant, bien malgré lui, ce gardien de but italien est entré dans l’histoire. Il a en effet été le premier joueur remplacé de l’histoire du football. Du moins, remplacé de manière tout à fait officielle. Retour en arrière de 55 ans. Le 5 septembre 1965, la saison de Serie A débute, et avec elle, une nouvelle règle révolutionnaire. Désormais, un gardien de but aura le droit d’être remplacé par un portier remplaçant, désigné avant le match. Cette décision fait notamment suite à la finale de Coupe des clubs champions entre l’Inter et Benfica disputée quelques mois plus tôt, lors de laquelle le gardien lisboète, Costa Pereira, avait dû sortir sur blessure à la 58e minute. Il a été remplacé dans les bois par son défenseur central, Germano, et Benfica avait dû jouer la dernière demi-heure à dix. S’inclinant finalement 1-0.

Alors, pendant l’été 1965, des discussions déjà bien entamées sont finalisées pour trouver une solution à ce problème récurrent. Le constat est le suivant : un gardien qui se blesse, et c’est toute l’équipe qui se trouve pénalisée puisque son rôle est spécifique. Le fait que cette équipe soit en plus réduite à dix est une double peine. L’idée de pouvoir remplacer un gardien blessé est alors mise sur la table, mais trouve immédiatement des opposants. Leur argument ? Cela « fausserait » l’équité sportive de pouvoir faire entrer un joueur frais. Pourtant, quelques années auparavant, certaines équipes nationales s’étaient déjà accordé le droit de remplacer un joueur blessé, si les deux entraîneurs étaient d’accord. Les exemples ne manquent pas : cela a notamment été le cas lors de la Coupe du monde 1934, le Portugal ayant carrément fait entrer trois joueurs en première période. Un document évoque également un remplacement lors d’un match entre la Palestine et le Liban en 1940 (Fuchs, blessé, remplacé par Dvorin) et un peu plus tard, le 11 octobre 1953, lors d’un match de qualif’ au Mondial 1954 entre l’Allemagne et la Sarre, Horst Eckel avait été remplacé par Richard Gottinger. Les almanachs historiques parlent même d’un remplacement lors d’un match de Division 1 écossaise entre les Rangers et Partick Thistle, en 1917, ou encore de la folle histoire des jumeaux néerlandais Van der Graaf qui, au tournant des années 1910, se remplaçaient l’un l’autre à la mi-temps des matchs.

La décision revient à l’arbitre

Mais tout ceci reste peu règlementé, voire même officieux, et il faut attendre que l’International Board ne donne réellement son accord à l’été 1965 pour que le changement devienne enfin officiel. Néanmoins, comme encore une fois, aucune directive claire et précise n’est donnée, chacun y va, dans un premier temps, de sa propre règle. Ainsi, pendant que l’Italie introduit la règle du gardien de but remplaçant, l’Angleterre, elle, opte pour une variante : en cas de blessure (et uniquement en cas de blessure) de n’importe quel joueur de l’équipe, un douzième homme peut venir le remplacer. Or, dans ce cas-là, la décision revient à l’arbitre : c’est lui qui devra dire si, oui ou non, un joueur est bel et bien blessé et nécessite d’être évacué et remplacé.

Pour éviter de se retrouver face à des cas difficiles à juger (un joueur qui simule une blessure, par exemple), la Fédération italienne préfère donc opter pour le remplacement du gardien de but puisque, selon elle, « la blessure du gardien de but est la seule qui peut pénaliser de manière significative une équipe ». Et voilà donc que, le 5 septembre 1965, pour la première journée de Serie A, un gardien de but remplaçant vient s’asseoir sur le banc de chaque équipe, à côté de son entraîneur. Et au Stadio Comunale de Turin, alors que la Juventus reçoit Foggia, le premier changement de l’histoire va avoir lieu. Après un choc avec l’attaquant turinois Vincenzo Traspedini à la 61e minute de jeu, le gardien de Foggia, Giuseppe Moschioni, est contraint de quitter la pelouse. Il est remplacé par Gastone Ballarini, qui, au cours de sa carrière, aura disputé en tout et pour tout 7 matchs de Serie A. Mais qui est pourtant parvenu à inscrire son nom dans les livres d’histoire, d’une drôle de manière.

Deux remplaçants, un seul changement

Cette petite révolution va rapidement être adoptée par toutes les ligues. Et va appeler d’autres modifications de la règle. Lors du Mondial 1966, l’Italie est éliminée après avoir été battue (honteusement, disons-le) par la Corée du Nord. À la 35e minute de cette rencontre, le milieu de terrain italien Bulgarelli, qui détenait les clefs du milieu de terrain, se blesse à un genou. Il n’a pas pu être remplacé, et la Nazionale, qui va encaisser un but quelques minutes plus tard, a dû terminer le match à dix. Les Italiens vont, dès lors, faire le forcing pour que la règle des changements évolue. Et, après deux années, obtient gain de cause. Voilà donc qu’au début de la saison 1968-1969, ce sont désormais deux joueurs remplaçants qui peuvent venir s’asseoir sur le banc : le gardien remplaçant, et un joueur de champ, offrant la possibilité d’un changement dit tactique. Ce dernier va être immédiatement utilisé par toutes les équipes, et pas seulement en cas de blessure, donc. À noter, toutefois, que malgré la présence de deux remplaçants sur le banc, un seul changement est alors autorisé. Et il en sera de même à partir de 1973, quand deux joueurs de champ viennent prendre place sur la touche, en plus du deuxième gardien.

La nouvelle étape aura lieu en 1981. À ce moment-là, il est décidé que chaque équipe aura le droit à cinq joueurs remplaçants (quatre + un gardien) et que l’entraîneur aura le droit d’en faire entrer deux, et non plus un, au cours de la rencontre. Deux, puis trois en 1995 avec, entre-temps, une petite nuance concernant le gardien remplaçant : ce dernier a le droit de venir suppléer le gardien titulaire si celui-ci est exclu, le coach devant alors faire sortir un joueur de champ à la place. Cette règle est mise en vigueur dès le Mondial 1994, et Arrigo Sacchi (décidément, l’Italie est dans tous les coups…) va devoir l’appliquer dès le deuxième match de poule, après le carton rouge reçu par Gianluca Pagliuca. Marchegiani entre alors sur le terrain, et Sacchi fait sortir… Roberto Baggio, qui, incrédule, lâche un « il est fou, celui-là ». Les évolutions suivantes sont donc toutes récentes : à partir de la saison 2018-2019, l’UEFA autorise un quatrième changement en cas de prolongation des matchs à élimination directe de Ligue des champions, Ligue Europa et Supercoupe d’Europe. Et, à la suite de la pause de trois mois due à la Covid-19, la mise en place de cinq changements possibles par match, pour limiter le risque de blessures après trois mois d’inactivité et un calendrier chargé. Prochaine étape : la possibilité de faire re-rentrer à l’infini un joueur qui est sorti, comme c’est déjà le cas dans d’autres sports ?

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