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Comment Karl Toko-Ekambi est devenu incontournable à Lyon

Par Clément Gavard
5 minutes
Comment Karl Toko-Ekambi est devenu incontournable à Lyon

Souvent moqué et contesté, parfois à juste titre, Karl Toko-Ekambi s'est transformé en monstre d'efficacité depuis quelques semaines (sept buts et quatre passes décisives, sur ses six dernières apparitions sous le maillot lyonnais). L'attaquant de 28 ans a gagné sa place dans le trident offensif de Rudi Garcia et profite du jeu de l'OL, moins basé sur le possession, pour faire parler ses qualités.

Que se passe-t-il dans la tête d’un attaquant qui doit se présenter face à Manuel Neuer ? C’est une question à laquelle Karl Toko-Ekambi peut répondre depuis l’été dernier, une époque où la saison 2019-2020 n’était pas encore terminée et surtout où l’OL existait sur la scène européenne. Ce soir d’août, l’attaquant prêté par Villarreal en janvier, puis acheté par Lyon six mois plus tard — une opération qui aura coûté près de quinze millions d’euros — aura incarné les regrets lyonnais contre le Bayern en demi-finales de Ligue des champions (0-3), fracassant le poteau à 0-0 et manquant son face-à-face avec le gardien allemand à l’heure de jeu. De quoi lui coller une étiquette de croqueur, voire même de principal responsable d’une défaite terriblement logique et prévisible.

« Quand c’est moi, les occasions loupées, c’est moi qui ai eu des ratés et l’OL qui a vendangé. Et quand c’est le PSG, c’est Neuer qui a été grandiose. Neuer a fait les mêmes arrêts dans les deux matchs, mais les commentaires n’ont pas été les mêmes, c’est assez dommage, confiait Toko-Ekambi moins de dix jours après les faits, dans L’Équipe. Je suis même heureux que ça tombe sur moi, parce que les commentaires qui ont été faits peuvent déstabiliser un joueur. Alors que moi, je m’en fous, je sais passer à autre chose. » La machine Toko aura mis un peu de temps à se relancer, mais l’attaquant franco-camerounais a repris son loisir préféré ces dernières semaines : fermer quelques bouches.

Une question de style

Si le début de saison très moyen de Toko-Ekambi a pu donner du grain à moudre à ses détracteurs, le bonhomme de 28 ans a retourné quelques cerveaux depuis le début du mois d’octobre (sept pions et quatre passes décisives, sur ses six dernières apparitions). Au point de devenir le joueur le plus décisif du championnat de France cette saison, derrière le glouton Kylian Mbappé. La preuve que l’attaquant ne vole la place de personne chez les Gones et que les moqueries, nombreuses depuis son arrivée à Lyon dans le rôle du dépanneur après la blessure longue durée de Memphis Depay, n’étaient pas toutes justifiées. Peu importe les railleries, Toko-Ekambi n’a de toute façon jamais eu besoin de flagornerie pour rouler sa bosse, bien au contraire. Son parcours de jeune en région parisienne, où il a chaussé les crampons au Paris FC ou aux Gobelins, est révélateur : le petit Karl n’est pas passé par un centre de formation, décidant même de mettre un terme à sa relation avec le foot à la fin des années 2000 pendant près de deux ans avant que son destin ne le rattrape.

Une grosse décennie plus tard, Toko-Ekambi s’est fait une petite réputation parmi la planète du ballon rond. De Sochaux à Angers en passant par Villarreal, où il estime être devenu « un joueur plus complet ». Il faut être honnête, l’international camerounais n’est pas le genre de joueur à faire lever un stade. Du haut de son mètre 85, Toko ne représente pas le roi de l’élégance, mais trouve son utilité dans un collectif. Son début de match à Metz, le week-end dernier, est d’ailleurs la parfaite illustration de son irrégularité. Sur ces dix premières minutes, Toko-Ekambi dévoile toutes ses lacunes techniques en lâchant des contrôles américains et laissant son pote Maxwel Cornet en galère après deux passes mal dosées. Ce qui ne l’a pas empêché de transformer sa prestation en démonstration dans l’heure suivante, avec deux buts et une passe décisive. Oui, le style de TKE ne fera jamais l’unanimité. Et alors ? « C’est un joueur qui travaille, posait récemment son coach Rudi Garcia. Il est le prototype de l’attaquant moderne capable d’éliminer, il va très vite. Il utilise les appels en profondeur où on peut le servir, et il essaie de combiner avec les autres. » Rien de sexy a priori, mais le profil idoine pour performer dans le système Garcia.

L’ami du jeu de transition

Dans le 4-3-3 lyonnais, Toko-Ekambi a gagné sa place dans le trio offensif. Il présente en effet une complémentarité intéressante avec Memphis Depay, le faux neuf en électron libre, et son pendant à droite Tino Kadewere. Le rôle de TKE, ni Rayan Cherki ni Moussa Dembélé ne semblent capables de l’occuper. Trimballé un peu partout sur le terrain depuis son arrivée à l’OL, l’international camerounais possède l’avantage d’être très mobile dans le système hybride lyonnais et de ne surtout pas se cantonner à son aile gauche. « Tout dépend de la stratégie et du plan de jeu, de ce qu’on attend des joueurs excentrés pour attaquer, détaillait Garcia, en conférence de presse. Pour moi, Tino comme Karl sont aussi des joueurs d’axe. Quand on a le ballon, ils ne sont jamais sur les côtés, mais dans l’axe. Ni l’un ni l’autre ne doit venir comme cinquième défenseur quand nous défendons. Ils doivent évoluer sur le côté en continuant à jouer dans l’axe, si je peux m’exprimer ainsi. »

Surtout, le réveil de Toko-Ekambi correspond à la nouvelle philosophie lyonnaise en Ligue 1 : accepter de laisser le ballon à l’adversaire, pour mieux le contrer. Moins à l’aise face à des blocs bas, l’attaquant fait parler ses qualités lors des transitions rapides ou dans la verticalité et se montre beaucoup moins efficace sur les attaques placées. À Metz, il a fait la différence en seconde période quand les Grenats ont repris en main la possession (62% pour l’OL en première, 55% pour Metz en deuxième). Un point commun avec les autres meilleures performances de TKE cette saison, à commencer par cette prestation de haut vol au Groupama Stadium face à Monaco fin octobre avec deux réalisations et une offrande pour Karl (34% de possession pour Lyon, ce soir-là). Cornet, après la rencontre : « C’est un joueur qui nous fait énormément de bien. Il peut garder le ballon, on peut s’appuyer sur lui et c’est un tueur. » Sauf quand un montant (six depuis un an, quatre cette saison) ou Manuel Neuer en décident autrement.

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