- Coupe du monde 2018
Comment je suis tombé amoureux de… (épisode 5)
Parfois, il suffit d'une action pour tomber amoureux d'un joueur. En voilà trois qui nous ont tapé dans l'œil lors de la première journée de la phase de poules du Mondial.
Yussuf Poulsen
L’action qui nous a fait succomber :On n’avait jamais vu un ballon grimper de manière aussi rectiligne… Il reste vingt minutes à jouer entre le Pérou et le Danemark : la Blanquirroja est menée 1-0, tout un peuple pousse derrière André Carrillo, qui slalome entre les défenseurs danois et envoie un centre vicieux… Le revenant Paolo Guerrero, qui vient d’entrer en jeu, se voit déjà en héros s’il parvient à reprendre le ballon de la tête au deuxième poteau. Mais il a oublié qu’il avait affaire à un certain Yussuf Poulsen. Comme s’il était monté sur des ressorts, le numéro 20 danois cambre son mètre 93 pour faire monter le cuir dans le ciel de Saransk. Bien droit afin d’éviter le corner, bien haut pour permettre à son gardien Kasper Schmeichel de s’emparer du ballon. Guerrero valdingue au sol comme une auto-tamponneuse et se demande encore ce qui lui est arrivé quand le ballon est déjà reparti de l’autre côté du terrain. C’est pourtant simple : El Pistolero vient de faire connaissance avec Yussuf Poulsen, un attaquant pas comme les autres.
Pourquoi il est si excitant : On peut faire 1,93m et être ailier droit. On peut être ailier droit et imprenable dans le domaine aérien. On peut monter sur les corners et revenir harceler n’importe quel type qui oserait tenter une frappe. On peut être un excellent défenseur et concéder un penalty sans conséquences. On peut s’accroupir sur les coups francs offensifs et tromper la défense adverse. On peut être un sacré renard des surfaces, mais ne pas se satisfaire de l’étiquette de « l’attaquant qui pèse sur les défenses » . On peut déjà être l’homme du match et décider de planter a fortiori le but décisif de son équipe en Coupe du monde. On peut être le sosie de Virgil van Dijk et porter le Danemark sur ses épaules. Poulsen, Yussuf de son prénom. Le vrai.
Et il vient d’où ?Au dos de son maillot, il porte le flocage « Yurary » en hommage à son papa, décédé quand il avait six ans. « C’est avec lui que j’ai joué au foot pour la première fois. Bon, c’est aussi pour me différencier des autres Poulsen qui jouent pour le Danemark… » , expliquait-il en 2015. Par son père, Yussuf a hérité de l’amour du foot et d’origines tanzaniennes, puisque celui-ci était lui-même le fruit de l’union entre une Tanzanienne et un Danois – les grands-parents paternels du joueur de 24 ans. Né à Copenhague, sélectionné en équipe nationale danoise depuis les U16, Poulsen a fait ses classes à la bonne école du Lyngby Boldklub avant de se faire harponner par les scouts du RB Leipzig en 2013, qu’il a participé à faire grandir dans le foot allemand : de la troisième division à la Ligue des champions la saison dernière. Si seulement son coach ne l’avait pas collé sur le banc en quarts de finale de la C3, les supporters de l’Olympique de Marseille auraient su depuis longtemps que son mètre 93 allait faire de l’ombre sur le plus grand pays du monde au mois de juin.
André Carrillo
L’action qui nous a fait succomber :
À quoi correspondent six minutes dans la vie d’une personne lambda ? À pas grand-chose, c’est vrai. À la 84e de ce Pérou-Danemark qui semble lui filer entre les doigts, André Carrillo, lui, continue d’affoler l’arrière-garde danoise sans relâche. Dans l’espoir d’offrir une égalisation précieuse à son pays au cours de ce laps de temps réduit. Côté droit, à une vingtaine de mètres des cages inviolables de Kasper Schmeichel, l’ailier de Watford fait face à Stryger Larsen. Un adversaire direct qu’il a fait souffrir tout le long du match, sur lequel il a pris un ascendant évident. Carrillo pousse alors le ballon pendant une dizaine de mètres, dépose Larsen sur la bande d’arrêt d’urgence et délivre en rentrant un ballon parfait vers Farfán, qui perd son face-à-face. Un coup de rein dévastateur qui filerait un frisson à n’importe quel humain donné d’un petit cœur qui bat.
Pourquoi il est si excitant ? :Si ses statistiques en club n’ont jamais été bien sexy, l’ailier qui a soufflé ses 27 bougies le 14 juin dernier a montré face au Danemark le « grande jugador » qui sommeillait en lui. Et aussi parce qu’il a la même coupe que Djibril Cissé, époque auxerroise, avec ce maillot moulant orné du flocage « Playstation 2 » sur le plexus.
Et il vient d’où ? :Bien installé en Premier League depuis l’été dernier, André Carrillo a durant six ans foulé les pelouses de Liga NOS en grande partie sous les couleurs du Sporting, puis de Benfica. Avant ? Deux saisons au pays pour se faire les dents, à l’Alianza Lima. Avec quand même cette statistique terrible pour lui cette saison sous le maillot de Watford : sur ses 16 titularisations, les Hornets ont perdu 10 fois. Pas grave, on n’est pas obligé de savoir ce que l’autre a fait avant dans sa vie pour tomber amoureux.
Jaime Penedo
L’action qui nous a fait succomber : La première fois que la caméra s’est fixée sur lui. Ce n’est pas un coup de foudre sur sa façon de plonger ou ses sorties aériennes. Non, c’est un coup de foudre visuel. L’évidence a alors sauté aux yeux de tous : dans les buts du Panama, ce n’est pas Jaime Penedo, mais bien Gigi Buffon. Le portier italien avait promis d’être en Russie pour y devenir le premier joueur à prendre part à six phases finales de Coupe du monde. S’il ne s’est pas qualifié avec l’Italie, Gigi a donc trouvé le moyen de venir quand même en Russie. Bien vu.
Pourquoi il est si excitant : Parce qu’il n’y a rien de mieux que les sosies. Et qu’avoir l’impression de voir Buffon à chaque fois que la caméra vient filmer du Panama, c’est quand même une sacrée barre de rire. Tout y est : la coupe, le maillot gris, la barbe de trois jours, les mimiques. La seule différence : lors de l’Euro 2016, face à la Belgique, Gigi n’avait pas encaissé trois buts, lui.
Et il vient d’où ?Aujourd’hui considéré comme le meilleur gardien de l’histoire du Panama (rien que ça), il a fait ses gammes au pays avant d’être transféré à Cagliari, en Italie. Il n’aura toutefois pas la chance de croiser le grand Gigi, puisqu’il ne disputera pas le moindre match à cause d’un problème physique et rebondira à Osasuna, en Espagne. Pas un grand succès non plus. Il retourne en Amérique, et fera la majeure partie de sa carièrre au Guatemala puis aux LA Galaxy. Aujourd’hui portier du Dinamo Bucarest, il compte tout de même 128 sélections en équipe nationale, à 36 ans. Il lui reste donc environ quatre ans pour égaler les 176 capes de Gigi, son meilleur sosie.
Par Andrea Chazy, Florian Lefèvre et Éric Maggiori