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Clément Couturier : « Aucune reconnaissance du travail que l’on a fourni »
Malgré sa première place au classement général de la Proximus League (deuxième division belge), le Royal Excelsior Virton s'est vu refuser sa licence professionnelle pour la saison prochaine, en raison de problèmes de gestion. Relégué en D2 amateur sur tapis vert, le club multiplie pourtant les procédures pour garder son statut pro et bloque les membres de son effectif encore sous contrat, sans pour autant les payer ni même leur donner l'opportunité de s'entraîner. Une situation ubuesque dénoncée par les joueurs dans une lettre ouverte. Parmi eux, le Français Clément Couturier, finaliste de la Coupe de France 2018 avec les Herbiers.
Tu nous as donné rendez-vous avant une séance avec un préparateur physique individuel. Depuis combien de temps tu t’entraînes seul ?Ça a démarré pendant le confinement. Depuis quelques semaines, j’ai pris un préparateur individuel, car le ballon me manquait un peu. Tous ces frais sont entièrement à ma charge. Le club ne connaît rien de mon programme. Le staff était d’ailleurs en fin de contrat au 30 juin, donc je suppose qu’il n’y a plus de coach, d’adjoints, de préparateurs… Nous n’avons aucune information.
Les joueurs ont écrit une lettre ouverte pour dénoncer votre prise en otage par le club. Que revendiquez-vous principalement ? Il y a d’abord la situation financière. Depuis le 15 mars, nous sommes au chômage partiel. Ce n’est pas le même système que la France. On ne touche pas 80% de notre salaire, mais 1400 euros par mois. Comme tout le monde, on peut faire des sacrifices sur un, deux ou trois mois. Mais on a des charges à payer, et certains se retrouvent financièrement un peu dans la merde. Ensuite, il y a la situation sportive. Comme nous avons été rétrogradés en D2 amateur (quatrième division, N.D.L.R), nos contrats professionnels ne sont normalement plus valables. Virton multiplie les recours pour être réintégré au monde pro, mais pendant ce temps-là, les joueurs ratent des opportunités avec d’autres clubs, qui ont repris pour la plupart depuis un mois déjà… On a l’impression que le club pense à lui et pas du tout à nos carrières.
Sur le principe, on peut aussi comprendre le club qui ne souhaite pas se retrouver avec un trou béant dans l’effectif si jamais il obtenait gain de cause…Nous le comprenons complètement. Mais cela dure depuis plusieurs mois maintenant. Le club a déjà fait deux demandes pour être réintégré qui ont été refusées. Nous savons depuis le début que le dossier est clairement incomplet. Financièrement, il y a beaucoup de soucis, avec notamment trop de retards de paiement.
Dans votre lettre, vous expliquez bien que ce n’est pas la première fois qu’il y a des problèmes sur le plan financier. En janvier 2020, vous vous êtes d’ailleurs mis en grève pour dénoncer des retards de salaire.On nous disait sans cesse : « Ne vous inquiétez pas, demain vous serez payés. » Et on nous répétait ça chaque jour, sans que rien ne se passe, alors que ça faisait plus d’un mois que nous n’avions rien touché. On a donc décidé de ne pas s’entraîner un jour, et comme par hasard, on a reçu l’argent le lendemain. Virton doit de l’argent à beaucoup de gens, aussi bien à ses joueurs qu’à ses prestataires. Un traiteur qui travaille pour le club n’a par exemple jamais été payé.
C’est d’autant plus injuste pour vous, puisque sportivement vous réalisiez une super saison.C’est clair. On était promus et on a fini premiers au classement général (pas de barrage pour la montée, car la formule en Proximus League fait s’opposer le vainqueur de la phase aller, Louvain, au vainqueur de la phase retour, Beerschot, N.D.L.R). Nous avons créé un vrai élan avec les supporters et bâti un groupe super solidaire dans des conditions très compliquées, car nous savions que ça allait finir comme ça. C’est très malheureux de terminer ainsi, puisque sur le terrain, on avait fait le job. Il n’y a aucune reconnaissance du travail que l’on a fourni. Même si on devait repartir dans le monde pro, on ne se voit pas reprendre avec une direction qui nous a chié dessus pendant trois mois.
Ce qui paraît fou, c’est ce silence des dirigeants. Ça fait combien de temps que tu n’as pas eu de contact avec eux ?Le dernier contact remonte à la mi-juin. Il s’agissait d’un mail me prévenant qu’il fallait que je rende la voiture du club, le partenariat avec le sponsor étant terminé. (Rires.)
Alex Hayes, le PDG du club, a assuré que, même si personne n’allait partir gratuitement, aucun joueur ne serait retenu contre son gré. C’est vraiment le cas ?C’est une vraie interrogation. Si la rétrogradation de Virton est confirmée, cela veut dire que les autres clubs peuvent normalement nous faire signer gratuitement. Les nouveaux clubs en question ne vont pas payer une indemnité aujourd’hui s’ils ont l’opportunité de nous avoir gratuitement dans quelques jours. Du coup, tout le monde attend.
As-tu déjà discuté avec d’autres clubs ?J’ai des contacts ailleurs. J’espère que ça pourra se concrétiser rapidement, car les clubs, que ce soit en Belgique ou en France, ont déjà repris depuis plusieurs semaines.
Quoi qu’il arrive, tu ne te vois pas repartir pour une saison à Virton ?Ce serait très, très compliqué. Avec tout ce qui s’est passé dernièrement, je n’ai plus trop envie de jouer ici, encore moins en quatrième division. Les dirigeants ne nous ont pas respectés. Je n’enlève rien à la belle saison qui vient de s’écouler, mais je ne pourrais plus avoir la même envie et la même niaque sur le terrain.
Après ton passage aux Herbiers, Flavio Becca (le propriétaire de Virton, N.D.L.R) t’a fait venir à Dudelange au Luxembourg, avant de t’emmener à Virton. Tu lui en veux aujourd’hui ? Non, car je lui dois beaucoup. L’an passé, j’ai pu découvrir la Coupe d’Europe grâce à lui à Dudelange. Il s’est simplement entouré de personnes incompétentes, qu’il a placées à la tête de Virton. Il y a des gens très malhonnêtes autour de lui qui ne sont pas là pour le bien du club. C’est d’ailleurs pour ça que Virton perd sa licence professionnelle aujourd’hui. Pour garder cette licence, il fallait un dossier béton sur énormément de sujets, comme la formation, le stade, les infrastructures… À Virton, tout cela a été plus que bâclé par les dirigeants. L’issue était inévitable. Ce sont ces personnes-là qui doivent être remises en cause.
Propos recueillis par Félix Barbé