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Claude Puel : « J’aurais pu faire toute ma vie à l’AS Monaco »

Propos recueillis par Alexis Billebault
Claude Puel : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’aurais pu faire toute ma vie à l’AS Monaco<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Claude Puel, sans club depuis son départ de Saint-Étienne en décembre 2021, a pris le temps d’achever l’écriture de son autobiographie Libre, 50 ans dans le football (Solar Éditions). L’ex-coach de Monaco, Lille, Lyon, Nice, Southampton et Leicester, qui fut aussi le joueur d’un seul club, balaie ces cinq décennies consacrées à sa passion.

À quel moment de votre vie avez-vous décidé d’écrire votre autobiographie, et surtout de ne solliciter aucune aide extérieure ?On m’avait plusieurs fois proposé de l’écrire, mais pour moi, il était encore trop tôt. J’ai commencé à écrire quand je suis parti de Southampton, puis de Leicester et enfin de Saint-Étienne. J’avais du temps, il fallait que j’effectue des recherches. Et j’ai voulu écrire ce livre avec mes mots, mon ressenti, et non vivre mes propres expériences par transposition. Mon intention était de faire un livre sur le football, fluide et accessible, pour donner ma vision de cette passion. Un livre qui puisse parler à des entraîneurs, des joueurs, des supporters, où je raconte mes expériences dans les différents clubs de ma vie, les projets que j’ai accompagnés, ceux que j’ai contribué à mettre en place.

Pour moi, le foot, quand j’ai commencé à y jouer, était surtout synonyme de plein air, de liberté, d’espace pour canaliser mon énergie.

Vous ne recherchez pas les règlements de compte, même si vous vous attardez un peu plus sur les relations compliquées que vous avez entretenues, notamment avec Jean-Michel Aulas et Bernard Lacombe à Lyon, ou Stéphane Ruffier à Saint-Étienne.Ce n’était pas le but. Je dis les choses telles que je les ai vécues, telles que je les ai ressenties. Parfois, mes propos peuvent peut-être piquer, mais je ne voulais pas faire du buzz. Je voulais vraiment parler de football, un sport qui, paradoxalement, ne m’intéressait pas plus que ça quand j’étais jeune. Je suis né à Castres, une terre de rugby. Mon père ne s’intéressait pas vraiment au foot, mon frère un peu plus. Je ne suivais pas le championnat de France, juste Saint-Étienne en Coupe d’Europe, même si, à l’époque, très peu de matchs étaient retransmis. Pour moi, le foot, quand j’ai commencé à y jouer, était surtout synonyme de plein air, de liberté, d’espace pour canaliser mon énergie. Quand j’étais en classe, j’avais tendance à regarder dehors. Et même quand j’ai commencé à avoir un bon niveau en jeunes, que j’ai été sélectionné en équipe de France cadets, un de mes professeurs fut même surpris de l’apprendre. Je n’étais pas très exubérant, au contraire.

Il faudrait quand même que vous nous expliquiez comment un homme qui semble si posé a pu se transformer sur le terrain en un footballeur dur, n’ayant pas peur de grand-chose ?(Rires.) C’est vrai que dans la vie, je suis calme, tranquille. Et que sur un terrain, j’étais sanguin. J’étais toujours dans la compétition, même à l’entraînement, pour des petits jeux. Quand je perdais, ce que j’avais du mal à supporter, j’avais hâte d’être au lendemain pour prendre ma revanche. J’avais en moi beaucoup d’énergie. Quand j’étais en classe, je ne pouvais pas l’exprimer. J’ai donc trouvé avec le football une bonne occasion de le faire. Mais quand j’étais joueur, il m’a fallu admettre que tout le monde ne pouvait pas avoir la même mentalité que moi. Et encore plus quand vous devenez entraîneur, où vous devez rassembler des gens différents.

N’avoir jamais été appelé en équipe de France, est-ce un regret ?J’aurais aimé y goûter, ne serait-ce qu’une fois, mais je n’ai pas de regret. Au début de ma carrière, j’étais polyvalent, j’ai joué défenseur central, latéral… Je suis arrivé à maturité vers 27 ou 28 ans, j’ai fait une de mes meilleures saisons à 32 ans… Le train est passé, ce n’est vraiment pas grave, j’ai compensé par une carrière très bien remplie…

Vous avez effectué toute votre carrière de joueur à Monaco, vous y avez commencé votre carrière d’entraîneur, vous vivez sur les hauteurs de la Principauté… Auriez-vous pu rester éternellement à l’ASM, en y occupant d’autres fonctions, comme directeur sportif ou dirigeant par exemple ?Oui, je pense que j’aurais pu faire toute ma vie à Monaco. Je n’ai jamais voulu partir de l’ASM quand j’y jouais, alors que j’avais eu des propositions. Mais j’étais dans un très bon club, qui jouait le haut du tableau, j’ai côtoyé de grands joueurs comme Glenn Hoddle, Jürgen Klinsmann notamment. J’ai disputé la Ligue des champions, gagné des titres, et c’est le club qui m’a donné la possibilité de me tourner vers la carrière d’entraîneur, après avoir été préparateur physique puis coach de l’équipe réserve. On a remporté le titre de champion de France en 2000… Pourquoi partir d’un tel club, d’un endroit où on se sentait très bien avec ma famille ?

Dans votre parcours, vous avez choisi des clubs où il n’y avait pas les mêmes moyens qu’à Monaco. On pense à Lille (2002-2008), puis Nice (2012-2016). Avec le recul, c’était beaucoup plus casse-gueule.Et on peut ajouter Southampton, en Angleterre (2016-2017)… Oui, comme vous le dites, c’était casse-gueule. Je ne suis pas carriériste. Ce qui m’a animé, quand j’ai accepté de rejoindre ces clubs, notamment Nice et Lille, c’était de participer à la construction d’un projet. Sortir de ma zone de confort, d’une certaine façon. Dans ces deux clubs, il n’y avait pas de moyens, pas de structures assez fortes. C’était hyper-motivant de prendre part à cela. À Lille, nous avions le 19e budget de Ligue 1, on ne pouvait pas recruter, seulement faire venir des joueurs libres ou prêtés. Au début, j’ai participé à des réunions, pour mieux comprendre le fonctionnement du club. Ce fut parfois fastidieux, mais très enrichissant. On a beaucoup travaillé, et on a réussi à jouer la Ligue des champions, à affronter et à battre l’AC Milan et Manchester United. Quand vous accomplissez cela, en vous souvenant de la situation lors de votre arrivée, c’est une satisfaction. À Nice également, nous sommes partis de loin, le club a retrouvé l’Europe. À Southampton, quand j’ai eu un premier entretien avec les dirigeants, je me suis montré assez critique, assez dur. Je ne pensais pas qu’ils me choisiraient, d’ailleurs. Je ne voulais pas aller quelque part pour travailler dans un cadre qui ne me convenait pas. J’aurais pu accepter leur proposition, sans rien demander, mais c’était plus fort que moi : il fallait que je sois honnête avec eux !

À Leicester, d’octobre 2017 à février 2019, également, vous avez bousculé certaines habitudes.Le club, selon mon analyse, devait changer l’effectif en profondeur pour avoir d’autres ambitions. Il vivait trop dans le souvenir du titre obtenu en 2016. J’ai estimé qu’il ne fallait garder que quelques joueurs, dont Schmeichel et Vardy. Et je pense avoir eu raison. On ne pouvait pas lutter avec les grosses équipes, mais on a fait de bonnes choses. Mais le décès accidentel du président Vichai Srivaddhanaprabha, un homme que j’appréciais, a changé les choses. Son fils, qui lui a succédé, n’avait pas la même patience que son père.

Il y a eu des tags d’insultes sur les murs de l’immeuble où je vivais, j’ai été menacé, ma famille également. C’était dur, cruel. On ne parle que de football. C’était trop.

Votre passage à Lyon (2008-2011) s’est particulièrement mal terminé. Quel souvenir en gardez-vous ?Quand j’ai signé en 2008, j’avais l’impression qu’il fallait changer des choses dans le fonctionnement du club, pour le fluidifier, beaucoup travailler, régénérer le groupe. La première saison, les joueurs étaient presque obnubilés par la Ligue des champions, beaucoup moins par la L1. J’ai tenu des discours mobilisateurs, et on a fini troisièmes. Puis Karim Benzema, Fred et Juninho sont partis, on a atteint les demi-finales de la C1 face au Bayern Munich, fini deuxièmes en championnat. Mais la saison 2010-2011 fut très difficile. J’avais récupéré des internationaux français traumatisés par ce qu’ils avaient vécu à Knysna, lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. Jérémy Toulalan voulait arrêter sa carrière. Les résultats qui ont suivi n’ont pas été très bons, on a même pointé à la 17e place du classement. Le président Aulas, avec qui tout s’était bien passé jusqu’alors, m’a lâché publiquement. Les supporters demandaient ma démission, allant même jusqu’à accrocher leurs banderoles sur certains édifices et ponts de la ville. Il y a eu des tags d’insultes sur les murs de l’immeuble où je vivais, j’ai été menacé, ma famille également. C’était dur, cruel. On ne parle que de football. C’était trop. On a malgré tout réussi à se qualifier pour la Ligue des champions, et quand on dit que mon passage à l’OL fut un échec, je ne suis pas d’accord.

Il y a eu aussi Saint-Étienne, où vous étiez très impliqué dans le fonctionnement du club. Avec un peu de recul, n’aurait-il pas été préférable, parfois, de faire comme le font de nombreux entraîneurs et de ne vous intéresser qu’à votre équipe ?Peut-être, oui. À Saint-Étienne, j’ai signé en octobre 2019, alors que l’équipe était avant-dernière. Quand Jean-Louis Gasset avait quitté le club, en juin de la même année, on m’avait approché, mais je sentais l’effectif vieillissant, pas forcément armé pour jouer la Ligue Europa. Je n’avais pas donné suite à ces premiers contacts. J’ai finalement accepté cinq mois plus tard. J’ai vite compris que la situation était difficile du point de vue économique. Pour répondre à votre question, j’aurais sans doute dû parfois prendre plus de distance, me concentrer sur le métier d’entraîneur de l’équipe professionnelle. Car c’est forcément chronophage de travailler sur la formation, le développement des structures, les aspects économiques, bref, le développement d’un projet. Mais je ne regrette pas, je voulais être en phase avec moi-même et mes valeurs, relever des défis. Ce que je peux vous assurer, c’est que je ne pense pas que je le referais…

J’aime quand les joueurs me surprennent, qu’ils se montrent créatifs. En tant qu’éducateur, développer les qualités techniques d’un joueur, l’amener à aller plus haut, à performer, c’est passionnant.

Vous consacrez plusieurs pages de votre livre à une réflexion sur le jeu, en insistant sur votre volonté de faire pratiquer à vos équipes un football de qualité.Oui. J’ai toujours privilégié, quand je suis devenu entraîneur, un jeu léché, créatif. Sans doute parce qu’à Monaco, j’ai évolué avec des footballeurs très techniques, dont Glenn Hoddle, qui était un superbe footballeur. À Lille ou à Nice, par exemple, il y avait une certaine habitude d’un football direct. Ce n’est pas ce que je souhaitais. Moi, j’aime quand les joueurs me surprennent, qu’ils se montrent créatifs. En tant qu’éducateur, développer les qualités techniques d’un joueur, l’amener à aller plus haut, à performer, c’est passionnant. Voilà pourquoi j’aimais aller voir jouer les équipes de jeunes. Quand je signe dans un club, j’ai un projet de jeu, en plus des autres aspects que nous avons évoqués. C’est un tout. C’est pour cela qu’il est à mes yeux essentiel d’être associé au recrutement en tant qu’entraîneur. Si on veut mettre en place un style de jeu, il faut avoir les joueurs pour le faire.

Comment imaginez-vous votre avenir ?J’ai eu des sollicitations. Des sélections nationales, mais pas en Europe. Et je souhaite rester en Europe. J’ai 61 ans, je veux juste prendre du plaisir. Je n’irai pas dans un club où il y a un énorme chantier. En attendant, je regarde des matchs, je vais de temps en temps au stade Louis-II, je fais du sport, j’en regarde à la télé, je profite de ma famille, de mes amis, je vais très bien.

Vous avez refusé une offre du FC Porto pendant votre séjour à Lille. Tout semblait même ficelé. Votre carrière aurait-elle été différente si vous l’aviez acceptée ?Il y a des chances. Le FC Porto est un grand club européen. Si j’y avais signé et obtenu des résultats, cela m’aurait probablement ouvert des portes dans d’autres grands clubs du continent. Mais je ne pouvais pas quitter Lille, laisser tomber ce club, les joueurs avec qui nous étions en train de construire de très belles choses. Et comme j’ai toujours assumé mes choix, je ne regrette rien.

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