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Carlos Queiroz : « Je ne veux pas mentir au football »
Veille d’histoire.
À un peu plus de 24 heures de défier les États-Unis, une première depuis 1998, et de potentiellement arracher une qualification historique pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde, Carlos Queiroz, l’emblématique sélectionneur de l’Iran, qui a un temps travaillé sur le territoire américain à la fin des années 1990, s’est pointé lundi pour une conférence de presse attendue. Et Queiroz a enchaîné. D’abord, sur les États-Unis : « Nous nous apprêtons à affronter, sans aucun doute, l’équipe qui a réussi les deux matchs les plus aboutis au sein de notre groupe. Ils ont très bien joué face au pays de Galles, ont confirmé contre l’Angleterre, et nous sommes conscients de ce qui nous attend. Les États-Unis vont avoir le même objectif que nous et c’est un match très spécial pour moi. J’ai connu les débuts de la MLS, j’ai aidé, à mon échelle, le football à grandir dans ce pays et à faire en sorte qu’il puisse un jour intégrer la grande famille du football. Ça a été un honneur, et aujourd’hui, les États-Unis sont passés du soccer au football. Ils proposent un football très moderne, avec des joueurs qui jouent dans des équipes de très haut niveau en Europe. »
Puis Carlos Queiroz, qui n’a pas rajouté de sel sur son embrouille avec Jürgen Klinsmann, est revenu sur la décision de la fédération américaine de supprimer le mot « Allah » du drapeau iranien sur ses réseaux sociaux. Extrait : « Après plus de 40 ans dans le football, si je pensais pouvoir gagner des matchs de foot par l’intimidation, je n’aurais alors rien compris. Aujourd’hui, je ne peux pas laisser mon esprit tomber dans ce piège, ces incidents, les petites phrases. Je ne peux pas me laisser distraire, sinon ça voudrait dire que je mens au football et je ne veux pas mentir au football. La seule chose que je peux faire et que je répète à mes garçons, c’est : « Lorsque le rideau s’ouvrira, soyez prêts à chanter et à danser. Si vous ne l’êtes pas, le dieu du football ne pourra pas vous aider. » J’espère que mes garçons mettront toute leur tête, toute leur âme, toutes leurs qualités au service de ce match. »
Enfin, alors que plus de 700 détenus ont été libérés en Iran après la victoire face au pays de Galles, dont une grande majorité avaient été arrêtés à la suite des manifestations déclenchées par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée à la suite de son arrestation par la police des mœurs, Queiroz a eu ces mots : « Notre seule mission est de créer du spectacle pendant 90 minutes et de rendre les gens heureux. Vous savez, je crois que les événements qui entourent ce Mondial seront une bonne leçon pour nous tous à l’avenir. Je suis né en Afrique, au Mozambique, et j’ai travaillé dans des endroits où des enfants ne mangent pas pendant deux jours ou n’ont pas à boire. Vous ne pouvez pas imaginer la force que peut avoir un ballon de football : quand on sortait un ballon, ils se mettaient à sourire. Ils oubliaient temporairement leurs problèmes. C’est notre rôle, et j’essaie de rester fidèle à ce que mon père m’a appris : ne pas mentir au football, à sa mission première, et le respecter. Ça ne nous empêche pas d’être solidaires de toutes les causes de notre société, au contraire. Je parle des droits de l’homme, du racisme, des enfants qui meurent dans des fusillades alors qu’ils sont à l’école… Nous sommes solidaires, et notre devoir est d’apporter au monde entier 90 minutes de bonheur. Ce sera notre mission. »
Pour rappel, les manifestations continuent toujours en Iran, et leur répression aurait, selon Human Rights Activists, déjà fait plus de 400 morts et conduit à 18 000 arrestations.
Maxime Brigand, à Doha