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Carlo Ancelotti au Real Madrid, plus qu’un meneur d’hommes

Par Florian Porta
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Carlo Ancelotti au Real Madrid, plus qu’un meneur d’hommes

Emmené par un éblouissant Karim Benzema, le Real Madrid, tout juste auréolé de son trente-cinquième titre de champion d'Espagne, a aussi pu compter sur Carlo Ancelotti cette saison. De retour sur le banc des Madrilènes l'été dernier, l'Italien longtemps cantonné à un simple rôle de meneur d'hommes a pu prouver qu'il était bien plus que ça et qu'il pouvait lui aussi dicter le tempo d'un match par ses choix. Un atout qui pourrait bien profiter à la Casa Blanca dans 48 heures au moment d'écarter Manchester City pour accéder à la finale de la Ligue des champions.

Si Karim Benzema pourrait bien aller chercher un Ballon d’or en fin de saison, Carlo Ancelotti n’a lui pas attendu le mois de juin pour continuer d’écrire sa légende et marquer un peu plus l’histoire. En plus de permettre au Real Madrid de conquérir un 35e titre domestique, un record, le technicien italien devient tout simplement le premier entraîneur à remporter les cinq championnats du Big 5 (il avait déjà gagné la Serie A en 2004 avec Milan, la Premier League avec Chelsea en 2010, la Ligue 1 en 2013 avec le PSG et enfin la Bundesliga en 2017 avec le Bayern). Un exploit colossal pour un homme, certes reconnu pour ses sourcils, mais souvent défini comme un meneur d’hommes dénué de toute philosophie de jeu. Pourtant, le natif de Reggiolo n’en reste pas moins un tacticien hors pair doté d’une formidable capacité d’adaptation.

L’élément le plus important, ce sont les joueurs. Ce sont eux qui vont retransmettre ton idée sur le terrain.

Des préjugés bien entretenus

Si l’ancien coach du PSG a longtemps vu cette réputation lui coller à la peau, il la doit aussi en grande partie à ceux qu’il a eus sous ses ordres. Ainsi, quelques jours avant qu’il ne soit limogé par le Real Madrid en 2015, l’Italien avait reçu le soutien de Cristiano Ronaldo dans une interview accordée à ESPN : « Au début, je pensais que c’était quelqu’un de difficile, un peu arrogant, mais il est tout le contraire, il est comme un gros ours, un gars super, très sensible. » Le Portugais est loin d’être un cas isolé. Quelques semaines plus tôt, alors que le Real de Don Carlo s’apprête à affronter la Juventus, Andrea Pirlo, plaque tournante du club turinois, y va lui aussi de sa déclaration d’amour dans la Gazzetta dello Sport : « C’est comme un père pour moi. »

Dans la capitale française aussi, Ancelotti aura marqué ses joueurs. Fraîchement retraité, Christophe Jallet évoque lui aussi ce côté lorsqu’il rend hommage à son ancien entraîneur en 2020 dans les colonnes de L’Équipe : « Il a compris que dans le foot aujourd’hui, le plus important c’est peut-être de réussir à souder un groupe derrière soi. C’est sa grande force. » Ancelotti lui-même reconnaît ce trait de caractère dans un entretien donné au même quotidien que son ancien latéral droit : « L’élément le plus important, ce sont les joueurs. Ce sont eux qui vont retransmettre ton idée sur le terrain. Cela signifie que tu ne peux pas te contenter d’une relation professionnelle, mais l’étendre à quelque chose de plus intime. »

 Avec Zidane, j’ai essayé de changer ma conception du système. Il est le premier joueur qui m’a donné la possibilité de jouer différemment.

Zidane et sapin de Noël

S’il n’a rien fait pour se débarrasser de cette image, l’entraîneur du Real mériterait pourtant un peu plus de reconnaissance sur bien des aspects. Parmi les coachs appartenant à l’élite mondiale, Pep Guardiola a son tiki-taka, Jürgen Klopp son gegenpressing, quand José Mourinho possède une formidable capacité à détruire le jeu adverse, même si celle-ci s’est un peu étiolée avec le temps. Tous sont ainsi associés à une philosophie, plus ou moins plaisante. À côté, Carlo Ancelotti peut paraître bien fade, lui qui n’est véritablement associé à aucun principe de jeu, mais l’Italien a appris à devenir un excellent tacticien capable de s’adapter à toutes les situations ou presque. Pourtant, à ses débuts, Carletto s’entête à faire jouer ses équipes en 4-4-2 avant d’opter durant la suite de sa carrière pour une version du 4-3-3 ou 4-3-2-1 qui fera sa renommée : le fameux sapin de Noël.

Une tactique qu’il utilise un peu partout où il passe, mais plus de manière automatique. Un changement dû à sa rencontre avec celui qui sera son adjoint plus de quinze ans plus tard : « Avec Zidane, j’ai essayé de changer ma conception du système. Il est le premier joueur qui m’a donné la possibilité de jouer différemment, racontait-il à Sky Sport.Quand j’ai eu Zidane, lors de la première année à la Juventus, j’ai joué en 3-4-1-2, avec Del Piero et Inzaghi devant et Zidane un peu derrière. La deuxième année, j’ai joué avec une défense à quatre, mais en gardant deux attaquants devant et un numéro 10 comme Zidane. Il a changé mon idée du football. Avant la Juventus, j’étais tellement concentré sur le 4-4-2, après, avec Zidane, j’ai changé. Je voulais le mettre dans la meilleure position pour qu’il soit plus à l’aise sur le terrain. » Plutôt que d’adapter ses hommes à son système, le technicien adapte son système à ses hommes.

L’Angleterre comme terrain de jeu

Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil du côté de son passage à Everton. Alignés en 4-3-3 en début de saison, les Toffees passent ensuite en 4-4-2, voire en 3-5-2, signant notamment un prestigieux succès sur la pelouse d’Anfield en février 2021. Dans le nord de l’Angleterre, Ancelotti doit principalement faire en fonction de l’état de forme de deux de ses piliers : Allan et James Rodríguez. Une tactique plutôt payante, au regard des récents résultats des pensionnaires de Goodison Park, puisque ses ouailles terminent dixièmes à seulement trois points de la dernière place européenne occupée par Tottenham, septième. Plus récemment, Don Carlo a de nouveau fait étalage de cette science tactique acquise au fil de ses expériences. Alors qu’il évolue quasiment toujours dans son inamovible 4-3-3, symbolisé par le trio Casemiro-Kroos-Modrić au milieu de terrain, l’Italien décide d’aligner un 4-1-4-1 à Stamford Bridge pour aller défier Chelsea en quarts aller de Ligue des champions.

Le Brésilien prend alors place en sentinelle, devant la défense, quand les deux « papys » du milieu reçoivent le soutien de Valverde et de Vinícius Júnior pour former une ligne de quatre. L’Uruguayen permet alors aux Madrilènes d’être en supériorité dans le cœur du jeu face à Kanté et Jorginho. Résultat ? La Casa Blanca repart de Londres avec un avantage décisif (victoire 3-1) qui lui permettra de rejoindre les demies, non sans quelques frayeurs au retour. Dans 48 heures, ce sera au tour de Manchester City de se présenter sur la pelouse de Bernabéu avec cette fois l’avantage du score. Pour espérer terrasser les Citizens, emmenés par leur philosophe Pep Guardiola, et être de la fête à Saint-Denis à la fin du mois, le Real comptera évidemment sur Karim Benzema, véritable homme à tout faire des Merengues cette saison, mais aussi et surtout sur le plan de bataille que mettra en œuvre Carlo Ancelotti.

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