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Cappa : « Pastore transforme la réalité »

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Idéologue du football, Angel Cappa est au toque ce que Coco Suaudeau est au jeu à la nantaise. C'est aussi un mec qui a découvert Pastore et qui lui envoie des mails après ses matchs. Entretien avec un génie.

C’était une surprise de voir Pastore signer à Paris pour 42 millions d’euros ?

Moi les millions, je m’en fous. Cela m’a rendu heureux, parce que c’est un pas en avant pour lui. Je crois qu’il a choisi le bon endroit, car la France est un pays qui convient à ses qualités. Ou le contraire : Pastore correspond parfaitement aux particularités du football français. Jouer en Ligue 1 va lui offrir l’opportunité de progresser et de démontrer toutes les qualités qu’il a accumulées en à peine un an et demi dans le football européen.

Il y a une place pour les artistes en Ligue 1 ?

En France, dans les matchs que j’ai vus, le plaisir du jeu a encore sa place. Les gens profitent du bonheur des joueurs. C’est quelque chose qui est quasiment interdit dans le football italien. Même dans le football espagnol, à part à Barcelone, c’est très difficile de produire le même jeu qu’en France.

Le PSG, c’était donc un bon choix pour Pastore ?

Les joueurs doivent grandir sans brûler trop d’étapes dans leur formation. La plupart des joueurs qui ont voulu aller trop haut trop vite en ont beaucoup souffert. Il suffit de regarder les carrières de garçons comme Gago ou Aimar. Le but pour un joueur devrait être de gravir les échelons un à un, et d’arriver à son apogée à 26 ou 27 ans. Javier Pastore a encore tellement de choses à apprendre. Il doit gagner en continuité par exemple, devenir un joueur sur lequel son équipe puisse compter pendant 90 minutes.

Qu’est-ce qui vous à séduit chez Pastore quand vous le lancez en primera avec Huracan ?

Moi j’ai passé ma vie, et je passe ma vie, à essayer d’encourager les joueurs à jouer au football. La plupart d’entre eux n’arrive pas à prendre des risques, même quand l’entraîneur les pousse à le faire. Pastore, lui, allait plus loin que moi dans le danger ! C’est ce que j’ai aimé chez lui, c’est pour cela que je vis le football. Je me tue à dire à mes joueurs qu’il ne faut pas avoir peur de se tromper. Avec Javier, je n’ai pas eu besoin d’insister. J’ai même été parfois obligé de lui dire que mettre un petit pont n’était pas toujours utile. Il adore tellement ça. Mais il faut savoir investir son talent à bon escient, il y a des endroits sur le terrain où cela ne sert à rien de vouloir ressembler à José Gonzales (guitariste d’origine argentine, ndlr). Je répète toujours à mes joueurs que si on parie un million de dollars pour en gagner un, on se trompe. On ne gagne rien en faisant un petit pont au milieu du terrain. Mais si je le fais dans la surface adverse, je peux gagner un but. Et là, oui, il ne faut pas hésiter à étaler son talent.

Quelle fut l’importance de Pastore dans la saison historique où Huracan termine deuxième du championnat ?

Il a été décisif dans beaucoup de matchs, mais il a surtout été un joueur contagieux par son audace. Pastore rapetisse l’adversaire. A Huracan, des mecs comme Pastore, De Federico ou Bolatti s’en foutaient de se tromper. Quand ils rataient un dribble ou un petit pont, ils le retentaient l’action d’après. Psychologiquement, cela change une équipe. Pastore est un joueur effronté, courageux, qui se transforme sur le terrain. Il a réussi à prendre des risques en Italie. Avec ça, tout est dit.

Depuis son arrivée en Europe, Pastore a essentiellement été positionné comme numéro 10, alors qu’à Huracan il évoluait plutôt sur le côté gauche…

Dans mon équipe, le seul joueur à avoir un poste fixe était Bolatti. Les autres se positionnaient indistinctement. Pastore apparaissait à droite, De Federico à gauche, Pastore devant. De Federico à droite, Pastore derrière. Toranzo à droite ou à gauche. C’était l’arme principale de l’Huracan de Pastore : il surgissait là où on ne l’attendait pas. Javier comprend très bien le jeu et sait utiliser les espaces au bon moment. A Paris, il faut qu’il trouve les coéquipiers qui partagent sa conception du football. Pour le moment, c’est une équipe en construction, à laquelle il faut donner du temps.

Maradona l’a défini comme un « mal élevé » du football. Vous partagez cette avis ?

Oui, parce que Pastore manque de respect au sérieux et à la peur. Il n’appréhende jamais au moment de rentrer sur le terrain. C’est ce qui a fait de lui une star du football européen en si peu de temps. Mais Pastore est aussi un joueur de toque, même s’il lui reste beaucoup de concepts footballistiques à incorporer. Il doit comprendre, et il va le faire, que s’il perd cinq ballons par match, il doit aspirer à n’en perdre qu’un, et ensuite zéro, comme Iniesta ou Xavi le font aujourd’hui. Mais ce sont des garçons qui ont des années d’expérience derrière eux. Pastore, lui, n’a que 22 ans.

Quel peut être son rôle dans la sélection argentine pour les prochaines années ?

Le rôle de Pastore est toujours le même, peu importe l’équipe où il joue. C’est un ailier imaginatif, qui peut aider à la récupération et qui peut sortir son équipe de n’importe quel guet-apens. En deux actions, il résout une situation compliquée. Pastore transforme la réalité.

Vous lui envoyez toujours des mails pour lui délivrer votre analyse après ses matchs ?

Pas forcément après tous les matchs, mais oui, on s’écrit régulièrement. Je me permets de lui donner mon avis, mais avant tout comme à un ami. Depuis qu’il a signé au PSG, je l’ai vu jouer quelques matchs et je lui ai écrit pour lui donner quelques conseils…

Vous aimeriez coacher Pastore à la tête du PSG ?

Bien sûr, cela me plairait. J’aime entraîner les équipes qui m’offrent la possibilité de rêver.

Propos recueillis par Pierre Boisson

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