- Les supporters les plus SO FOOT
You’ll never goth alone
Depuis 2004, au fond des plaines arides du Yorkshire, un drôle de match de football se déroule deux fois par an. Lors du Whitby Goth Festival, le Real Gothic Football Club affronte une équipe bâtie autour du journal local. Le spectacle sur le terrain est souvent pitoyable, mais bien plus attrayant dans les tribunes, où des fans d’une journée s’esclaffent en trinquant dans des verres en forme de crâne.
Lors du Whitby Goth Festival, le Real Gothic Football Club affronte une équipe bâtie autour du journal local. Par cette initiative, les joueurs en noirs combattent les nombreux préjugés qui entourent leur communauté : comment celui qu’on ne pourrait pas porter des chaussures à talons compensés et être fan de Marilyn Manson tout en ayant une passion pour le foot en même temps. Cette idée-là, un homme la pourfend du côté de Liverpool depuis plus de trente ans. Professeur d’art dans le Grand Manchester, Michael Fox, 50 ans, vit avec sa compagne, 3 chats noir et une ribambelle de maillots rouges. Sur le papier, Mike est comme n’importe quel fan de foot. Le jour où son existence se lia à jamais avec celui des Reds, Mike s’en souvient comme si c’était hier : « Avec ma famille on s’est rendu à Anfield en 1973, et par chance, on nous a fait faire le tour du stade. Ça ne se faisait pas à l’époque. À la fin, les joueurs revenaient de l’entraînement et on a eu la chance de tomber sur Bill Shankly. Il était fantastique, et semblait vraiment impressionné qu’on soit venu voir le stade en famille, alors qu’il n’y avait pas de match. Il a appelé Kevin Keegan et Steve Heighway leur disant « Les garçons, venez par ici Ces gens là sont venus pour vous. » Il n’y a plus jamais eu d’autre équipe pour moi après ça. » Une dizaine d’années plus tard, le jeune Mike devenu un fervent supporter découvre une autre passion : la musique. À travers les Cure, Siouxsie and the Banshees et les autres, il embrasse la culture gothique, et décide au grand dam de ses parents d’en adopter tous les codes.
« Le seul goth d’Anfield »
« Cheveux noirs en l’air, t-shirt gothique, jeans skinny, grosses veste en daim noir et chaussures cloutées. Zéro compromis », s’amuse Mike. Si le look ne passait que moyennement dans le quartier, il n’était pas non plus la bienvenue au stade. Pourtant, c’est bien ainsi que le jeune goth décida de se rendre à Anfield en 1985. Avec une vieille écharpe de Liverpool pour mettre un peu de couleur. Mike explique : « C’était juste après le Heysel. Avec mon frère on s’est dit : l’équipe a besoin de soutien. Donc on y est allé. Puis c’était un peu comme un pari : « Allons au stade, allons voir ce qui se passe » . »Forcément, la première apparition de ce sosie de Nick Cave période Birthday Party fut laborieuse. Amusé, Mike se souvient : « C’était contre Chelsea, qui avait beaucoup de hooligans parmi ses fans à l’époque. C’était un peu effrayant. On nous regardait bizarrement. On nous poussait un peu, comme pour nous dire qu’on n’avait rien à faire là. On avait des filles avec nous et les gens disaient : ‘Regarde, c’est Terence Trent d’Arby.’ » Pas refroidi par l’expérience, Mike et son frère continuent à squatter le Kop toute la saison. Et à subir le même genre de remarques. Pourtant, il n’abandonne pas, et finit même par apprécier le fait « d’être le seul goth d’Anfield » et à sa connaissance, le seul de Premier League. « La seule fois que j’ai vu un autre goth, c’était à Aston Villa. Une serveuse, qui vendait le thé, le café et les tartes. » Habitué à être dévisagé dans la rue, Mike se fait vite au même traitement au stade. En 1990, il s’abonne pour la première fois et commence à percevoir des changements.« Après la coupe du monde en Italie, le foot est devenu plus populaire. On a commencé à voir des gens différents au stade. »Doucement, les goths, punks et autres se fondent dans la culture mainstream du pays. Pourtant, en 2007, une adolescente, Sophie Lancaster est battue à mort dans un village du Lancashire. Les juges y verront là un crime haineux : Sophie est morte d’avoir été gothique.
Adopté par le Kop
Montrer que les gothiques sont des gens comme les autres est donc toujours nécessaire aujourd’hui. Et s’associer à cette religion populaire qu’est le football est un moyen efficace. À Anfield, Michael Fox est désormais reçu comme chez lui. Il raconte, fier :« Quand on arrive on entend juste « Oh, here comes the goths ! » » Pourtant, quelques quolibets se font parfois entendre, mais la foule protectrice du Kop défend instinctivement Mike et son frère : « Une fois un jeune lad a balancé un truc, comme quoi on était la famille Adams. Un mec derrière lui s’est levé et a crié « Ces mecs là ont les mêmes sièges depuis plus de 20 ans ! Tais-toi ! » » Le garçon s’est rassis, Mike et son frère se sont marrer, et on pu regarder leur match tranquille.
Thomas Andrei