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Yann M'Vila : « La carrière qui m’attendait s’est arrêtée à 22 ans »
Des regrets, encore et toujours.
Dans les colonnes de Libération, l’espoir déchu du foot français Yann M’Vila (32 ans) revient ce vendredi, tout en sincérité, sur sa carrière singulière et pleine de secousses : « Le 16 août 2009, j’entre en jeu avec le Stade rennais à Nice pour mon tout premier match de Ligue 1. Dix mois plus tard, je suis dans les 30 (une liste élargie, réduite ensuite à 23 sans lui) partants pour disputer la Coupe du monde avec les Bleus. Dix mois ! Personne ne fait un bond pareil en dix mois. C’est allé beaucoup trop vite pour que je réalise. J’aurais dû plus me concentrer, me protéger aussi, mais quand tu as dit ça… J’ai vingt ans, un jet privé affrété par un sponsor vient me chercher à Rennes pour m’emmener sur un shooting photo à Barcelone : normal. Tu te vois mesurer huit mètres de haut sur la boutique Nike des Champs-Élysées, comme Kylian Mbappé aujourd’hui : normal. […] Le tournant, c’est l’Euro 2012. Durant le quart de finale perdu devant la sélection espagnole, je suis remplacé par Olivier Giroud. Je sors du terrain au plus court pour gagner du temps. Bon, je ne tape pas non plus dans la main du sélectionneur, Laurent Blanc. Aucun problème avec lui ni avec Giroud, qui est une crème. Mais il y a eu des histoires autour de ce match, on fait l’amalgame, on me convoque, on me sucre ma prime de match et on me fait redescendre en Espoirs. […] Après l’histoire des Espoirs, j’ai joué au foot, et la vie a continué. Pourtant, je vis avec l’idée que ma carrière, du moins celle qui m’attendait, s’est arrêtée à 22 ans. »
L’occasion aussi d’évoquer son enfance pas toujours facile : « Moi, quand j’étais petit, on n’avait rien. Des boîtes de conserve données par des associations, ma mère qui m’envoie chez mes grands-parents pour récupérer une pièce de 20 francs. […] Après, vers 14, 15 ans, le Stade rennais me verse un salaire : 292 euros par mois. Mon père a la procuration. Il prend tout : le salaire tombe le 6 du mois, il n’y a plus rien le 6. Donc, je vais au distributeur le 5, juste avant minuit. J’attends cinq minutes et je le prends de vitesse. […] Un vendredi, la police est venue me chercher à l’école un peu avant midi pour m’emmener dans un foyer pour femmes battues, parce qu’ils venaient d’y mettre ma mère. […] Avec moi, oui, mon père était dur. À 6 ans, quand il me dit “mets tes crampons, on va courir une heure”, j’ai intérêt à le faire. Mais quand j’arrive au centre de formation de Rennes à 14 ans, je suis toujours premier au test Vameval (un test physique), alors que la plupart ne peuvent pas le terminer. Après oui, le foot n’était pas un loisir. J’avais un but et j’avais faim. Vous pouvez tout m’enlever, mais pas mon mental. »
Enfin, le milieu de terrain revient également sur un mal qui l’a ravagé : « Quand je retourne à Kazan en 2016, les dirigeants me font le plus gros contrat qu’il m’ait jamais été donné de signer. L’argent ne fait pas le bonheur, j’en parle en connaissance de cause : c’est à ce moment-là que je plonge dans une profonde dépression. […] Comment s’est-elle manifestée ? Par des crises d’angoisse. Il y avait un contexte aussi : l’éloignement, la solitude, l’impression que l’étiquette qu’on m’a collée ne s’effacera jamais… J’angoissais aussi de tout perdre. Matériellement, mais aussi la possibilité de pratiquer le sport auquel j’ai dévoué ma vie. Je me suis réveillé un matin en tremblant. Je croyais que j’allais mourir. […] Le médecin du club m’a fait des piqûres dans les fesses tous les soirs. Bon… La dépendance rentre dans ta tête, elle peut t’emmener vers autre chose type Lexomil, Xanax… Avant les matchs, j’avais envie de vomir. Et sur le terrain : nickel. […] Du coup, j’avais peur que l’entraînement se termine. »
Derrière le joueur à la carrière énigmatique, il y a l’homme.
MLM