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Vers un dialogue entre supporters et autorités ?
La trêve estivale ne concerne pas les supporters des clubs français. Le 22 mai dernier, Thierry Braillard, le secrétaire d’État aux Sports, a souligné dans un communiqué la « nécessité » d’établir « un dialogue durable » avec les supporters. Il a également exprimé sa volonté de « saisir les instances du football, Fédération française de football et Ligue de football professionnel, afin qu’elles se saisissent de ce sujet » . Par ailleurs, Thierry Braillard a apporté son soutien « aux initiatives tendant à l’ouverture de la participation des supporters à la gouvernance des clubs et à l’actionnariat populaire » . Cette démarche fait explicitement écho à certaines des conclusions du rapport sur le « football durable » remis en janvier par Jean Glavany à Valérie Fourneyron, alors ministre des Sports.
Les ultras prennent le secrétaire d’État au mot
Mardi, 43 groupes ultras ont signé une lettre ouverte adressée au secrétaire d’État aux sports pour se féliciter de ce communiqué et l’inviter à dialoguer avec eux. « Vous rejoignez une revendication que nous faisons depuis des années : celle d’un débat clair entre toutes les instances, auquel nous serions associés » , précise leur courrier qui fait suite à un premier adressé début mai par quelques associations ultras à Thierry Braillard et à sa ministre de tutelle Najat Vallaud-Belkacem.
Rassemblant une grande partie des ultras français, les signataires de ce nouveau courrier se considèrent comme des interlocuteurs « représentatifs et crédibles en ce qui concerne la vie dans les stades de football hexagonaux » . Dans son communiqué, Thierry Braillard avait rappelé « la nécessité de lutter fermement contre les débordements de toutes natures à l’occasion des manifestations sportives » . Ce à quoi les ultras répondent que « la prise en compte de nos revendications et notre intégration au dialogue permettrait de résoudre de nombreuses situations de conflit » . Regrettant que les supporters soient actuellement considérés selon « une vision uniquement répressive » , les ultras manifestent le besoin d’expliquer que leur « bruyante et spectaculaire passion est un élément central des stades de football » .
La Ligue dans le collimateur
Les ultras ne sont pas les seuls supporters à vouloir saisir la main tendue par Thierry Braillard. Le 17 avril dernier, des « Assises du supportérisme » se sont déroulées au Sénat, à l’initiative de plusieurs associations de supporters défendant l’actionnariat populaire. Ces assises ont notamment débouché sur la création d’un Conseil national des supporters de football. Le but du CNSF est de favoriser l’implication des supporters dans la vie des clubs, afin d’aboutir à une meilleure gouvernance du football. Pour À la Nantaise, association à l’origine de ce projet, l’obstacle majeur reste la Ligue de football professionnel. « La LFP fait preuve d’autisme sur cette question des supporters » , déplore son président Florian Le Teuff. Selon lui, « le comportement de la Ligue n’est pas responsable. Sans les supporters, il n’existe pas de football durable, il faut donc dialoguer. »
Les déclarations de Thierry Braillard donnent espoir au CNSF. « Il a l’air de vouloir avancer, note le président d’À la Nantaise. Nous attendons beaucoup des pouvoirs publics, car les instances sportives dépendent du ministère des Sports. S’il leur demande d’engager le dialogue, elles devront l’accepter. » Pour Florian, l’union entre les différents types de supporters fait la force : « À l’échelle de l’Europe, il y a d’un côté la Fédération des supporters européens qui se penche sur les droits des supporters, et de l’autre Supporters Direct Europe qui prône l’implication des supporters dans la gouvernance du football » . Proposant d’adapter ce modèle à la France, Florian estime que « le CNSF et le mouvement ultra doivent avancer ensemble, de manière complémentaire » .
Un dialogue avec toutes les composantes du supportérisme ?
Pour l’Union des supporters stéphanois, une association impliquée ni dans le mouvement ultra ni dans le CNSF, cette ouverture du dialogue est également une bonne nouvelle. « C’est un bon début. À un moment donné, il faut discuter et arrêter de simplement réprimer » , lance Jean-Guy Riou, le président de l’USS. Lui aussi dénonce l’absurdité et le silence des dirigeants du football : « Qu’ils déclarent la guerre à la violence, ça ne me gêne pas. Qu’ils répriment à tout va, sans graduation de peine, sans réfléchir, et sans discuter, ça, ça me gêne. On ne peut pas punir une tribune stéphanoise de 8 500 personnes pour des faits qui se sont produits à Nice » , illustre-t-il, en référence aux incidents du Nice – Saint-Étienne de novembre dernier. Pour lui, la représentativité des ultras ne fait pas de doute, car « ils font vivre nos tribunes, c’est indéniable » . Cependant, dans leur démarche d’ouverture, « les pouvoirs publics devront dialoguer avec tous les supporters, ultras et non-ultras » , précise Jean-Guy, avant d’ajouter que « si on nous le propose, on se joindra au mouvement » .
Des supporters qui s’organisent. Des pouvoirs publics qui s’ouvrent. Le nécessaire débat sur le rôle des supporters s’amorcerait-il enfin ?
WK