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Sagan à l’arraché
L’échappée du jour a failli réussir, il a manqué 400m au dernier fuyard Jesper Stuyven pour décrocher la victoire et le maillot jaune. Le sprint de costauds a finalement souri à Peter Sagan le magnifique, qui devance un Alaphilippe passé tout proche du très gros coup pour ses débuts dans le Tour.
Un gros 150 bornes pour rien ou presque. Si, quand même, c’est vrai que c’est joli la Normandie, même sous la bruine de ce mignon début d’étape, la deuxième de ce Tour 2016. Sur les 183 km de cette étape entre Saint-Lô et Cherbourg, il y a donc eu un bon 150 bornes à roupiller et rêvasser. À digérer le barbeuc du midi en assistant aux champêtres traversées de village, avec France TV qui meuble en prenant des nouvelles de Jean-Paul Ollivier. On est rassuré, il a l’air d’aller bien, même qu’il a plein de bouquins actuellement en cours de rédaction.
Une échappée à 4, puis 3, puis 1
Donc, 150 bornes de dodo et le peloton qui, lui aussi, pionce. Les quatre fuyards de l’échappée du jour, Breen de Fortuneo, Benedetti et Voss de Bora, Stuyven de Trek, en profitent. Ils ne compteront pas 7 minutes d’avance au maximum de l’écart avec le reste des coureurs, mais comme aucune équipe ne prend la responsabilité de les courser vraiment, l’avance finit par réduire lentement : sous les 5 minutes à 40 km de l’arrivée, sous les 4 à 30 km, sous les 3 à 20… Tandis que le peloton commence à sérieusement flipper et à accélérer, enfin, les fuyards, eux, commencent à sérieusement croire en leur chance. Pas Benedetti, le premier lâché sur un méchant faux plat à plus de 20 bornes de Cherbourg. Pas Breen ni Voss non plus, surpris par un puissant démarrage de Stuyven lors de l’avant-dernière difficulté de l’étape, la côte d’Octeville à 8,5 bornes de l’arrivée. Breen essaie un temps de suivre mais n’y arrive pas. Le scénario devient plus limpide encore qu’il ne l’était jusqu’alors : Stuyven seul devant une meute apeurée par le risque de s’être énervée peut-être un peu tard. À force de jouer avec le feu, de s’amuser avec les échappées, de jouer avec un semblant de suspense, on se dit que ça devait finir par arriver.
Il a manqué 400 mètres
Arrive le final de l’étape, qui promettait tant. La côte de la Glacerie, trois bornes d’ascension vers la ligne d’arrivée, 6 % de moyenne, quelques centaines de mètres à 14 %. Au pied, Stuyven est large au-dessus de la minute d’avance sur l’avant d’un peloton qui se réduit à fond par l’arrière, signe qu’il accélère maintenant franchement. C’est gagné pour le fuyard logiquement, d’ailleurs Jalabert l’assure, « sauf défaillance incroyable » . Mais défaillance incroyable, figurez-vous qu’il y a ! Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour contrarier Jaja et ses avis péremptoires… Stuyven est mort, cuit, kaput, il commence à se retourner. C’est tellement mauvais signe… La flamme rouge est en approche, la caméra offre en perspective un Stuyven les roues fixées au macadam et les favoris de l’étape qui surgissent enfin pour se disputer la victoire, dans le money time ! À 500 mètres de la ligne, Stuyven est doublé sans un regard de compassion. Le vélo est cruel, mais il y a urgence pour le petit groupe de tête désormais. Après une succession de virages serrés, c’est la dernière ligne droite qui se profile
Contador et Porte, les battus du jour
Qui déboule en tête ? Alaphilippe ! Le Français d’Etixx-Quick Step, la figure montante des classiques, qui se voit en Normandie comme en Flandres. En été comme au printemps. Les dernières secondes, les dernières dizaines de mètres. Il ne semble y en avoir qu’un pour rester au contact d’Alaphilippe : Sagan bien sûr, évidemment, qui s’accroche, qui écrase les pédales de son vélo, qui sent le Français coincer un peu. Il le double sur sa droite, il passe, il gagne, il est en jaune ! Sagan premier, Alaphilippe deuxième, Valverde troisième en gros suceur de roues. Contador, qui a encore été mêlé à une chute en début d’étape, accuse 48 secondes de retard. Un prétendant à l’épreuve déjà en moins ? Ça y ressemble. C’est moche que ce soit sur Contador que le mauvais sort s’acharne encore… Le bilan de la journée est pire encore pour Porte, outsider et leader de la BMC, qui a crevé à 4 bornes de la ligne et qui termine à 1’45 de Sagan le nouveau maillot jaune. Il était hyper bien, en fait, ce final de l’étape, du spectacle, du suspense à fond, un champion du monde qui gagne, un valeureux fuyard, un Français qui répond aux attentes… Tant pis pour les 150 bornes de sieste au début.
Par Régis Delanoë