- Les supporters les plus SO FOOT
Outsiders Krew, pour la beauté de l’art
Stade Malherbe de Caen. Quand le club porte le nom d’un poète, il est presque inévitable que d’une certaine façon ses supporters possèdent une âme d’artiste. Les Outsiders Krew en sont l’illustration. Ce collectif fondé autour de Seb Toussaint, un des capos du MNK (Malherbe Normandy Kop) et de Spag, par ailleurs photographe officiel de ce groupe d’inconditionnels du stade Michel d’Ornano, affiche une autre singularité, assez proche finalement de leur ADN « ultra » : ils sillonnent le monde pour poser leur valise ou bombe aérosoles dans les bidonvilles.
La rencontre entre le graff et le foot n’a rien d’incongrue. Au contraire, surtout dans les tribunes, les supporters rivalisèrent rapidement, partout dans le monde, de créativité pour faire flamboyer l’ambiance des gradins. « Le graff a fait son apparition dans les stades très rapidement, d’abord à Amsterdam – le stade de l’Ajax était graffé dans sa partie tifo -, ensuite en Allemagne et aujourd’hui, un peu partout dans le monde, il existe des banderoles graffées. Mon pote Nest One de Boca a peint dans la Bombonera.. »raconte Jay One, un des premiers new-yorkais à importer cette discipline du Hip-Hop en France. « Ce sont deux mouvements presque tribaux, avec un ancrage au niveau du territoire. Dans le graff’ comme dans les tribunes de foot, on trouve plus de mecs passionnés que de mecs raisonnés. Ce sont aussi des mouvances méconnues et souvent mal vues du grand public » prolonge les Outsiders Krew.
Surtout, loin des clichés décrivant les garnements en écharpes comme des grosses brutes incultes ne lisant, au mieux que L’Équipe, le stade sera pour nos deux garçons une fantastique université populaire, où ils pourront développer leur sensibilité et leur talent. « J’ai toujours aimé dessiner, confesse Seb,mais c’est au Malherbe Normandy Kop que j’ai réellement commencé à faire ça sérieusement. Dès mon arrivée, les anciens m’ont fait confiance pour tracer des phrases, des tifos, pour créer des écharpes, des T-shirts, et pour repeindre le local etc. Je ne suis jamais passé par une école d’art, je n’ai jamais pris un seul cours de dessin… Mon école, c’est le MNK. » Trés vite donc, les petits gars décident de prolonger le mélange des genres. Un vrai supporter suit son équipe partout. Les Outsiders Krew ne resteront pas donc en opération sur les seuls murs normands.
Il se lancent dans un ambitieux projet mêlant dessin et photographie, pour aller s’installer dans les quartiers populaires à travers le monde. « On a eu cette idée de raconter la vie de bidonvilles en faisant parler les habitants. L’idée est simple : on demande aux gens de nous donner un mot que l’on peint ensuite sur leur maison. Le travail de photographie et de vidéo de Spag consiste à relater tout cela au monde extérieur. (…) Les habitants de ces quartiers ont, en général, très peu de contacts avec l’extérieur. Ils vivent de façon renfermée, rejetés par la société. Mais après quelques fresques et un peu de bruit dans la presse locale, les gens viennent voir le bidonville et sont souvent surpris par l’accueil des locaux ! »De Katmandhou à la Colombie, leurs pas les mènent ainsi dans des coins ou aucun journaliste ni policier souvent n’osent mettre les pieds (à moins d’avoir un bon GPS au minimum). Bill Shankly, mythique entraîneur des Reds de Liverpool, l’avait bien résumé en son temps: « Le football n’est pas une question de vie ou de mort, c’est quelque chose de bien plus important que cela. » Tout comme l’art….
Par Nicolas Kssis-Martov