- Revue de la semaine
Lire : « Foot et Guerre »
Sport et guerres, Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2/2012 (BDIC), Julien Sorez
Georges Orwell avait fait le bonheur des journalistes en quête de citation « pop et intello » sur le ballon rond, en expliquant que le sport s’apparentait à « la guerre, les fusils en moins » . De son coté, l’écrivain Pierre Bourgeade avait sorti en 2001, détournant comme d’autres avant lui la célèbre citation de Clauswitz, « le foot, c’est la guerre poursuivie par d’autres moyens » . Pour amusants que puissent sembler ces aphorismes, ils négligent une réalité historique indéniable, surtout dès qu’on entre dans le dur de l’archive : il s’avère tout à fait possible de se livrer à ses deux activités simultanément (cf. le volume Le sport et la guerre de la revue Inflexions du ministère de la Défense nationale ).
D’ailleurs, il se révèle presque possible d’affirmer que les jeux sportifs modernes ont eu besoin de « notre mère la guerre » (pour paraphraser Ernst Jünger) pour se transformer en « faits sociaux totaux » . De fait les conflits, mondiaux ou non, constituèrent des périodes particulièrement propices à la diffusion et à l’essor du sport et notamment du football. Les raisons sont multiples, et ce numéro de la revue publiée par la BDIC de Nanterre les exposent dans des contextes et des moments fort différents (de la guerre des Boers en Afrique du Sud au drame rwandais).
Retenons cependant au moins trois facteurs explicatifs qui apparaissent déterminants au fil de la lecture des articles. D’abord l’époque contemporaine se caractérise par des mobilisations de masse, impliquant l’ensemble des sociétés, ce qui ouvre la voie à des formes de démocratisation inédites et d’implantation accélérées dans les cultures nationales (cf. l’article de Julien Sorez sur le foot durant la première guerre mondiale). Ensuite, fortement lié au processus de « fabrication » des sentiments nationaux (cf. Nationalismes sportifs, Quasimodo, printemps 1997), le sport se transforme forcément en une arme politique de premier plan, notamment durant le processus de décolonisation, ce qu’illustre parfaitement la guerre d’Algérie (cf. le papier de Didier Rey & Philip Dine) ou le conflit israëlo-palestinien (Tamir Sorerk). Enfin les conflits au XXe siècle furent surtout des confrontations idéologiques, et le phénomène sportif en sera l’un des étendards les plus symboliques , acquérant de la sorte un nouveau statut dans l’espace politique (durant la guerre d’Espagnes cf. la contribution de Xavier Pujadas I Marti) ou dans le champ diplomatique, comme le rôle du basket au cœur de la confrontation est-ouest (décrypté sous la plume de Fabien Archambault).
Mais pour terminer, laissons le dernier mot à Michel Audiard : « Il existe une prédilection masochiste des Français pour deux exercices dans lesquels ils se révèlent malchanceux : la guerre et le football » . La Ligne Maginot et Séville 82, même combat ?
Nicolas Kssis-Martov