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- Décès de Robert Herbin
L’hommage de Robert Sarramagna à Robert Herbin : « C’était un artiste d’une grande richesse d’esprit »
Qu’est-ce que le joueur Robert Herbin représentait à vos yeux ? C’était un grand professionnel dans le travail. Nous avions la chance d’être intégré dans l’effectif, même si Albert Batteux ne nous donnait pas une grande confiance étant donné notre jeune âge. Au contact des anciens comme Robby, nous avons eu la chance d’avoir des relations importantes et du vécu très tôt dans nos carrières. Il y avait déjà un côté pédagogue vis-à-vis de la nouvelle génération. En cela, il avait ce côté visionnaire. Dès qu’il a acquis la responsabilité d’entraîner l’AS Saint-Étienne, il est devenu notre guide sur une très longue durée, celui à qui nous devons beaucoup, avec aussi l’influence de Pierre Garonnaire (recruteur de l’ASSE entre 1950 et 1989, N.D.L.R) et Roger Rocher (dirigeant de l’ASSE entre 1961 et 1982, N.D.L.R). Ce triangle-là formait un mélange de complicité et de professionnalisme de très haut niveau.
En tant qu’adjoint, avez-vous perçu un autre Robert Herbin ? Avec Pierre Repellini, nous avions pour habitude d’aller une fois chez l’un, une fois chez l’autre, et une fois chez Robert.
À partir de là, j’ai découvert ses deux grandes passions : la musique classique et les chiens. Il aimait deux races en particulier, le Bouvier bernois et le Leonberg. À l’époque, beaucoup le considéraient comme un solitaire, un ermite… C’est faux. Robert était un artiste d’une grande richesse d’esprit. Vous pouviez l’embarquer dans n’importe quelle discussion, il avait de quoi répondre avec pertinence. J’ai le souvenir de passer les trois quarts de la nuit à échanger. C’étaient des grands moments de vie. Même s’il était parfois distant, il savait partager les choses quand il le fallait.
Auriez-vous un souvenir en tête pour expliquer le personnage Herbin ?Robert avait la réputation d’être un fumeur amateur de cigare. En tant qu’adjoint, j’ai connu la période où il avait le cigare pendant 90 minutes. Il l’allumait à chaque début de match, il l’éteignait le temps de parler avec ses joueurs à la mi-temps, puis il le récupérait en début de deuxième période pour aller jusqu’à la fin du match. C’était une forme de plaisir dans chaque partie. Il y attachait une grande importance.
Pouvez-vous résumer l’AS Saint-Étienne de Robert Herbin ? Le terme exact, ce serait la sublimation. Il nous apprenait ce qu’était le dépassement de soi. J’ai un souvenir qui me vient à l’instant : quand nous avons joué face au Dynamo Kiev (quarts de finale de la C1 1975-1976, N.D.L.R), nous sommes passés par la prolongation. Sur le terrain, je me trouvais aux côtés de Dominique Rocheteau. Dominique n’arrêtait pas de se plaindre des crampes, il voulait sortir. Robby s’est approché pour lui dire : « Regarde-moi Domi… Regarde-moi ! Les crampes, c’est une douleur physique. Tu dois trouver en toi la possibilité de dominer cette douleur parce qu’en aucun cas je ne te sortirai, j’ai trop besoin de toi. J’ai tellement confiance en toi que tu vas nous qualifier ! » C’est exactement ce qu’il s’est passé.
Propos recueillis par AD