- Courrier des lecteurs
- Mondial 2022
« J’ai décidé de ne pas regarder le Mondial au Qatar et c’est un crève-cœur »
Arnaud est un lecteur de So Foot et nous a écrit pour témoigner du cas de conscience auquel il sera confronté jusqu'au 18 décembre prochain, date de la finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar.
« J’ai décidé de ne pas regarder le Mondial au Qatar et c’est un crève-cœur. Je sais que ça va me coûter et que mon geste, et celui de beaucoup d’autres fans de foot j’espère, n’aura strictement aucune répercussion : pour paraphraser un de nos anciens présidents de la République, « ça lui en touchera une sans faire bouger l’autre » à Gianni… Mais en tant qu’amoureux du foot, je ne peux pas regarder ça, parce que ça serait le cautionner, se rendre complice. Ce serait dire aux instances et au business du foot : « Allez, c’est pas si grave que ça finalement, continuez vos obscénités du moment que j’ai mon match de foot à mater après ma journée de travail. »
Tout est tellement indécent, écœurant, dans cette Coupe du monde, depuis le début : des conditions douteuses, pour ne pas dire plus, d’attribution de la compétition au Qatar, à la construction de stades climatisés en plein désert par des travailleurs réduits à l’esclavage et tombés par milliers sur les chantiers. Bref, tout ce que tout le monde sait déjà et tout ce sur quoi les fédés nationales, les footballeurs pros et les gouvernements eux-mêmes ferment les yeux, parce qu’il faut bien que le « show » continue. Ce n’est pas ça le foot que j’aime. Ce n’est pas ça le foot tout court. Et puis j’ai mon fiston de 10 ans, à qui j’ai inoculé le virus du foot, et ça serait renoncer aux valeurs que je mets dans son éducation de regarder cette compétition et de le laisser la regarder avec moi. Encore une fois, mon boycott sera purement symbolique, mais les symboles ça compte aussi quand on est père vis-à-vis de ses enfants.
Je ne blâmerai pas ceux qui regarderont le Mondial, parmi lesquels la plupart de mes amis footeux. Je suis moi-même empêtré dans mes propres contradictions : je suis notamment abonné à beIN, qui appartient à qui on sait. J’avoue aussi que certains soirs, ça va me démanger d’allumer la télé ou de retrouver des potes au pub pour partager du houblon et des émotions. Bon, au rythme où ça va, c’est peut-être pas les soirs de matchs de la France A’ (voire A » si l’infirmerie continue de se remplir…), que je regretterai le plus ma décision. Mais manquer les derniers pénos de Cristiano et les derniers golazos de Messi sur les pelouses d’une Coupe du monde, ne pas sentir la pression monter avant les matchs couperets, ne pas s’amouracher d’un joueur inconnu sur une ouverture lumineuse ou une transversale millimétrée, ne pas m’emballer pour l’équipe frisson du tournoi, ça, ça va être dur !
Parce que c’est ça le foot que j’aime. »
Arnaud, un lecteur de So Foot
Illustration : Midjourney