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Gianni Infantino : « Aujourd’hui, je me sens qatari, arabe, africain, homosexuel, handicapé, travailleur migrant »
À 30 heures de la première rencontre de ce Mondial 2022, Gianni Infantino a attrapé le micro pour dire tout le mal qu'il pensait des critiques faites à l'organisation qatarie et souligner l'hypocrisie des Européens. Et voilà comment apaiser le monde avant un événement qui se veut fédérateur.
Profession de mauvaise foi.
Lassé des critiques incessantes autour de l’organisation du Mondial au Qatar, Gianni Infantino a levé le bouclier ce samedi lors d’une conférence de presse à bâtons rompus. « Laissons de côté ces polémiques et parlons aujourd’hui de foot, a d’abord lancé le président de la FIFA avant de se lancer dans une longue tirade. Aujourd’hui, je me sens qatari, aujourd’hui je me sens arabe, aujourd’hui je me sens africain, aujourd’hui je me sens homosexuel, aujourd’hui je me sens handicapé, aujourd’hui je me sens comme un travailleur migrant.(Il ajoutera se sentir femme un peu plus tard, NDLR.)Et pourquoi tout ces ressentiments ? Parce que tout me fait revenir à mon histoire personnelle. Je suis un fils de travailleurs immigrés. Mes parents travaillaient d’arrache-pied dans des conditions difficiles, non pas au Qatar, mais en Suisse. Je m’en souviens très bien, des droits dont disposaient ou ne disposaient pas les travailleurs. Je me souviens très bien comment ils étaient traités quand ils cherchaient du travail, pour franchir les frontières. À Doha, je suis allé voir le logement de ces travailleurs. Ça m’a fait penser à mon enfance et j’ai dit que c’était inacceptable, qu’il fallait changer ça. Et c’est ce qu’a fait le Qatar, il a progressé. » Pour matérialiser les progrès réalisés ou en cours, le président de la FIFA a annoncé trois mesures : l’ouverture au Qatar d’un bureau permanent dédié aux travailleurs migrants, la compensation financière pour tout travailleur victime d’un accident ou privé de salaire et la mise en place d’un héritage de la FIFA pour les ouvriers.
Le résident de Doha a ensuite dénoncé « l’hypocrisie » des pays occidentaux, notamment européens. « Ce n’est pas facile de lire tous les jours les critiques sur des décisions prises il y a douze ans. Doha est prêt, le Qatar est prêt. Ce sera la meilleure Coupe du monde de l’histoire. On va se focaliser sur le football parce que c’est ce que les gens veulent, avance Infantino. Ce qui m’a attristé, ce sont toutes les leçons de morale données par le monde occidental. Et en tant qu’Européens, avec ce que nous avons fait pendant les 3000 dernières années, c’est à nous de nous excuser pour les 3000 prochaines années. » Un exemple ? La peur pour de nombreuses sociétés de l’accueil réservé aux LGBTQI+. « J’ai parlé de cette thématique avec la plus haute direction de ce pays. Ils m’ont confirmé que tous et toutes sont les bienvenus. Si une personne ici dit le contraire, elle ne partage pas l’opinion de ce pays ou de la FIFA. Certes, des lois existent comme dans de nombreux pays. Elles existaient en Suisse en 1954 quand la Coupe du monde y était organisée. Mais, comme pour les travailleurs, il s’agit des procédures. Vous préférez rester chez vous et critiquer ces Arabes chez qui être gay n’est pas permis ? Il s’agit d’un chemin à entreprendre. Je donne souvent l’exemple du vote donné aux femmes. Dans certains cantons en Suisse, certaines femmes ont eu ce droit dans les années 1990. Il s’agissait de mentalités, il y a quelques années en Europe. Tout ce que je vous demande, c’est de défendre les bonnes causes à travers le dialogue. Nous organisons une Coupe du monde, pas une guerre. » Pour lui, ces remarques tiennent aussi un fond de racisme, comme ce fut le cas avec le sujet des prétendus faux supporters. « Ces Indiens ne devraient pas supporter l’équipe d’Angleterre ? C’est du racisme dans son sens le plus pur, relève Infantino. Chacun devrait avoir le droit de soutenir l’équipe qu’il veut. »
Enfin, pour rebondir sur le dernier « scandale » en date, à savoir l’interdiction de la vente d’alcool autour des stades, le dirigeant suisse a préféré manier l’ironie : « Si c’était le plus gros problème pour cette Coupe du monde, j’aurais signé tout de suite et j’aurais pu aller à la plage jusqu’au 18 décembre. Toutes les décisions sont communes entre le Qatar et la FIFA, discutées et débattues. Je ne sais pas combien il y a de fan zones où il y aura de l’alcool, mais 100 000 personnes pourront acheter simultanément de l’alcool à Doha. Donc si pendant 3 heures par jour, vous ne pouvez pas boire d’alcool, vous pourrez survivre. Surtout que dans plein de pays, comme l’Espagne ou la France, il n’est pas non plus possible de boire de l’alcool dans les stades. » On le sait : beaucoup de personnes ont déjà trinqué pour que ce Mondial voie le jour.
Par Mathieu Rollinger, à Doha