Euro 2016, dérogation générale
Le député UMP Bernard Depierre, un des spécialistes du sport dans son groupe parlementaire et connu pour son combat en faveur du maintien du DIC, a déposé à l’assemblée nationale, le 4 février dernier, une proposition de loi (à la différence d’un projet de loi, qui émane lui du gouvernement et est ensuite voté -ou non- par le Parlement) relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA. Loin de se révéler anecdotiques ou ponctuels, les quatre articles qui la composent, assez obscurs pour le quidam, s’inscrivent dans la lignée des grandes manœuvres qui s’opèrent depuis deux ans (Rapport Douillet, Rapport “Constantini” sur « Grandes Salles Arenas 2015 », etc.) pour améliorer la “compétitivité française” en matière d’accueil des événements sportifs internationaux.
En gros, le texte législatif délimite un espace de dérogation généralisée pour le financement de la construction ou de la rénovation des stades sélectionnés pour 2016, qui pourront, contrairement aux dispositions habituelles du droit des collectivités territoriales, être largement subventionnées par ces dernières, y compris dans le cadre des baux emphytéotiques (qui accorde un statut de quasi-propriété au locataire –souvent les clubs en l’occurrence– sur une très longue durée –jusqu’à 99 ans en France).
Cela dit, au moment où le Conseil Constitutionnel vient de retoquer les passe-droits accordés au Stade de France (en annulant le 11 février une loi de décembre 1996, rendant inattaquable en justice la concession du Stade de France, accordée pour 30 ans en avril 1995, au Consortium Bouygues-Dumez-SGE), les petits arrangements et généreux cadeaux camouflés dans le texte risquent de subir de nombreux amendements. Surtout, il est annoncé que les coûts publics seront en partie (l’État s’engageant en outre à augmenter la dotation de fonctionnement des collectivités) amortis par une taxe additionnelle sur les tabacs (article 575 et 575 A du code des impôts). Les Conseils régionaux, généraux et municipalités, déjà étranglés par les contraintes des budgets sociaux en période de crise économique, et le mouvement sportif qui regarde 150 millions d’euros disparaître du CNDS, seul fonds public censé aider le sport pour tous, n’ont plus qu’à espérer que nos concitoyens vont continuer, voire intensifier, leur consommation de clopes et de cigares. Le sport, c’est la santé, ne l’oublions pas !
Nicolas Kssis-Martov