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Des ultras interpellent la ministre
Le remaniement ministériel a accouché d’un ministère des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Même si cette dernière attribution semble noyée dans un portefeuille élargi et confus, une quinzaine de groupes de supporters ultras français (Ligue 1 et Ligue 2 confondues) tentent de relancer le dialogue avec le ministère, largement coupé depuis 2010 et le congrès national des associations de supporters organisé au Stade de France par la secrétaire d’État aux Sports de l’époque, Rama Yade.
Dans un courrier qu’ils transmettent aujourd’hui à Najat Vallaud-Belkacem ainsi qu’à son secrétaire d’État aux Sports, Thierry Braillard, ces groupes de supporters (de Montpellier à Lens, en passant par Nantes, Paris, Auxerre, Toulouse ou encore Nancy) interpellent leurs autorités publiques sur l’accueil et la gestion des supporters dans les stades français.
« Cette initiative, explique Romain, l’un des responsables de la Brigade Loire de Nantes signataire du courrier, est née du triste constat de la situation de conflit entre les instances sportives et étatiques et le mouvement supporter organisé, ou non d’ailleurs, mais les groupes organisés sont en première ligne. Constat partagé par bon nombre d’acteurs du football, notamment M. Desumer, vice-président de la FFF, lors des récentes Assises du supportérisme au Sénat. Cette situation de conflit amène à des cas de figure ridicules où, par exemple, la présomption de trouble à l’ordre public est utilisée à outrance pour enfermer 80 supporters nantais dans un stade pendant 7h à Valenciennes » . Ou pour interdire l’entrée du stade Charléty à des supporters parisiens venus supporter l’équipe féminine du PSG face à Hénin-Beaumont.
Le courrier, que So Foot s’est procuré, reproche ainsi aux autorités sportives et publiques de traiter la question des supporters uniquement sous l’angle de la répression et en passant exclusivement par le ministère de l’Intérieur. « Prendre un arrêté d’interdiction de déplacement, ce n’est pas gérer le mouvement supporters, c’est l’esquiver » , déplore Romain.
Autre point d’achoppement mentionné dans la missive : « Les instances du football refusent tout dialogue avec les représentants d’associations de supporters. » À ce titre, le courrier soulève l’absence d’un « agent de liaison supporters » dans chaque club professionnel. Une recommandation pourtant inscrite noir sur blanc dans le règlement de l’UEFA. Parmi les 54 nations affiliées à l’UEFA, seules trois n’ont pas encore mis en place cette préconisation, comme l’a rappelé William Gaillard, conseiller de Michel Platini à l’UEFA, lors des Assises du supportérisme au Sénat : la Moldavie, l’Azerbaïdjian et… la France. « L’Allemagne fait de la prévention par le dialogue, la France fait de la prévention par l’interdiction. Et dans cette façon de penser, il n’y a pas de place pour un référent supporter » , observe Romain.
La lettre pointe également l’absence d’initiatives significatives de la part du ministère des Sports depuis le Livre vert du supportérisme rédigé en 2010 suite au congrès des supporters et resté lettre morte. Ce pas en avant des groupes de supporters intervient alors que le rapport du groupe de travail « football durable » , remis à Valérie Fourneyron, la précédente ministre des Sports, par le député PS Jean Glavany, préconise justement la mise en place d’un dialogue avec les associations de supporters. Et alors que les Assises du supportérisme, qui se sont tenues au Sénat le 17 avril dernier pour défendre l’actionnariat populaire et l’implication des fans dans la gouvernance du football, ont accouché de la création d’un Conseil national des supporters français (CNSF).
Ce courrier demande aussi à ce qu’une délégation de supporters représentant différentes équipes de Ligue 1 et de Ligue 2 soit reçue par le ministère des Sports. « Nous souhaitons améliorer la situation actuelle par l’ouverture d’un dialogue, indique Romain. L’argument de la LFP a toujours été de dire que nous ne sommes pas représentatifs, mais c’est un moyen pour elle d’esquiver le sujet. Elle était d’ailleurs encore absente aux Assises du supportérisme. »
Face au mutisme de la LFP, les supporters visent donc directement la médiation politique. Une initiative qui pourrait d’ailleurs mettre en lumière l’éventuelle marge de manœuvre du ministère des Sports face à la place Beauvau dans la gestion de l’épineux dossier des supporters de football.
Les groupes signataires du courrier : Brigade Loire (Nantes) ; ex-Liberté pour les Abonnés (Paris) ; Red Kaos 94 (Grenoble) ; Butte Paillade 1991 (Montpellier) ; Armata ultras 2002 (Montpellier) ; Merlus ultras 1995 (Lorient) ; Ultras Auxerre (Auxerre) ; Magic Troyes (Troyes) ; Red Tigers 94 (Lens) ; North Devils (Lens) ; Ex- ultras Troyes (Troyes) ; Microbes Paris 2006 (Paris) ; Unicamox 79 (Niort) ; Indians Tolosa 1993 (Toulouse) ; Saturday FC Nancy (Nancy) ; Kop Banlieue (Créteil) ; Barbarians (Le Havre).
AC