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Des groupes ultras se défendent
Les semaines qui viennent de s’écouler ont été particulièrement difficiles pour le « mouvement » ultra français suite à plusieurs incidents fortement médiatisés. C’est avec la conviction de s’être transformés en « ennemi public numéro 1 » aux yeux des pouvoirs publics et des médias (tous mis au passage dans le même sac de la désinformation alors que le traitement journalistique n’a pas été le même partout), que 35 groupes ou collectifs ultras, représentant des supporters de la L1 à la CFA (et de toutes les sensibilités), ont signé un communiqué rendu public ce jour afin de s’accorder un « droit de réponse » .
Ce texte dresse « le bilan de la politique répressive, qui s’est révélée inefficace voire même contre-productive » . Il rappelle d’abord que « cette saison a été celle de tous les records » en matière répressive, avec de nombreuses interdictions de déplacement, des fermetures de tribune voire de stade et des délocalisations de matches. En ce qui concerne les émeutes du Trocadéro, le communiqué condamne implicitement le Plan Leproux et surtout la dissolution des associations de supporters, en mettant en garde contre les conséquences négatives d’une telle mesure : « Pourquoi vouloir éliminer ces groupes de supporters dont les responsables sont pourtant connus et reconnus par leurs clubs respectifs ? Avec des groupes de supporters, organisés et structurés, jamais cette fête ne se serait déroulée ainsi. » Cet argument peut se discuter puisque les débordements du Trocadéro furent surtout provoqués par des individus peu ou pas reliés aux supporters contestataires, profitant de l’aubaine festive. Néanmoins, il est incontestable que l’effet pervers des dissolutions est de faire disparaître des interlocuteurs et de réduire les capacités d’auto-contrôle du groupe par lui-même.
La violente confrontation entre Bad Gones et South Winners sur une aire d’autoroute, qualifiée de « fortuite » par le communiqué (qui n’a été signé ni par les Bad Gones, ni par aucun groupe marseillais, mais par le virage sud lyonnais impliqué dans plusieurs incidents graves ces derniers mois), est simplement évoquée comme ayant « conforté les journalistes et les responsables politiques dans leur vision réductrice et étroite des ultras » . Il était manifestement difficile pour les ultras de condamner publiquement des incidents qui les placent face à leurs propres contradictions par rapport à la violence.
Néanmoins, le communiqué a le mérite de reconnaître implicitement que la répression peut être justifiée et donc qu’il arrive aux ultras de déraper. Les auteurs affirment ainsi avoir « toujours assumé nos responsabilités lors d’incidents impliquant nos groupes. Qu’un supporter soit sanctionné lorsqu’il enfreint la loi est normal et nous ne le contestons pas. Mais notre souhait est que la sanction soit à la mesure de la gravité de ses actes plutôt que de subir des lois d’exceptions ou des jugements inéquitables. Nous sommes des citoyens et demandons à être traités comme tels » .
Est ainsi souligné un problème important de l’actuelle politique répressive, de plus en plus appuyée sur des législations d’exception et traitant parfois sans discernement des faits pourtant sans commune mesure. Cet argument, vouloir être considérés comme les autres citoyens, est au cœur des revendications des ultras et reprend un des mots d’ordre du mouvement à l’échelle européenne (il suffit de penser au slogan ancien des ultras transalpins affirment qu’ils ne sont plus des « libres citoyens » mais des ultras traités à cet égard de manière exceptionnellement rude).
Le communiqué pousse ensuite un véritable cri du cœur : « Nous avons la prétention d’affirmer que nous sommes un acteur à part entière du football français. » Cette revendication met le doigt sur la situation de blocage actuelle puisque, si certains clubs partagent ce point de vue et discutent régulièrement avec leurs ultras, ni les autorités sportives ni les pouvoirs publics ne reconnaissent les ultras comme des acteurs du football. Ainsi, un récent ouvrage sorti sous le parrainage de la LFP à l’occasion des 80 ans du championnat de France de football n’accorde aucune place aux ultras. Quant aux pouvoirs publics, ils n’ont donné aucune suite à la manifestation des ultras organisée en octobre à Montpellier, comme le déplore le communiqué : « Un texte de revendications fut alors transmis au ministère de l’Intérieur sans jamais recevoir de réponse » .
Si les revendications ne sont pas reprises dans le communiqué publié aujourd’hui, son objectif semble être d’ « engager un dialogue constructif » entre les groupes de supporters, les clubs et les pouvoirs publics. Il reste à espérer que cet appel, qui rejoint la demande récemment formulée par le PCF sera entendu. Il reste à espérer aussi que ce communiqué (que plusieurs groupes importants n’ont pas signé) n’est qu’un premier pas dans la création d’une fédération nationale des ultras et dans une entreprise de responsabilisation. Si le traitement médiatique des ultras est en effet parfois caricatural (comme dans un récent numéro d’Enquête exclusive mélangeant de manière confuse des faits très différents et considérant les ultras, de manière générale, comme des « supporters violents et xénophobes » ), les ultras devraient également s’interroger dans leur communiqué sur leurs propres responsabilités et définir plus nettement leurs attentes et leurs priorités.
NKM et QB