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Carnet de voyage : sept jours en Inde avec Vikash Dhorasoo (partie 1/2)

Textes et photos par Vincent Bernière
Carnet de voyage : sept jours en Inde avec Vikash Dhorasoo (partie 1/2)

Le 27 mars dernier, Vikash Dhorasoo s'est envolé pour l'Inde avec deux objectifs principaux : retourner sur la terre de ses ancêtres et témoigner du développement du football dans le pays. À ses côtés, le journaliste Vincent Bernière raconte ce voyage au jour le jour.

Jour 1

« Si je comprends bien, le problème du développement du football en Inde se résume à un problème de passeport ! », m’étais-je écrié du 6e étage de la Raheja Tower, dans le quartier de MG Road, à Bengalore, siège social de JSW – l’un des leaders mondiaux de l’acier. Et, par extension, du FC Bengalore qu’il finance intégralement, sans aucun espoir de retour sur investissement – paraît-il. « C’est une histoire de passion et pas de gros sous », confirme Srinavas Murthy (sur la photo-ci-dessous), le directeur des opérations du Bengaluru FC et lui-même ancien footballeur professionnel du club. Vikash et moi avons été invités à l’initiative des Alliances françaises de Bengalore et d’Hyderabad, afin d’assurer une tournée de promotion de la bande dessinée que j’ai publiée sur la vie de Vikash, J’perds pas la boule (aux éditions Revival), avec Emilie Gleason au dessin, et de rencontrer certains acteurs du football en Inde. De nombreux Indiens adorent le foot, et suivent en particulier la Premier Ligue anglaise. Mais leur équipe nationale a le niveau d’une division régionale en France. « Le foot en Inde, c’est le sens de l’histoire », m’assure pourtant Vikash, seul joueur d’origine indienne à avoir atteint la finale de la Coupe du monde de football, en 2006 donc. Quand on a passé la douane en venant de Doha, au Qatar, il a fallu batailler pour faire comprendre aux officiers de l’immigration que Vikash n’était pas un travailleur immigré indien, mais bien un Européen. Mieux, il a sorti le document qui prouve que son ancêtre a bien émigré de l’Inde vers l’île Maurice, en 1890. Vikash détient un passeport français. S’il avait voulu, jadis, venir jouer dans le sous-continent indien, il aurait eu besoin d’un visa de travail. Jusque-là, rien d’anormal. Mais si, demain, on découvre que le nouveau Messi est indien, il ne pourra pas venir jouer en Europe avec un passeport binational. En Inde, ce type de document n’existe pas. Et la nationalité indienne est inaliénable. On verra bientôt que la question du passeport n’est pas le seul obstacle au développement du football en Inde. À demain.

Jour 2

« Bien sûr que je n’ai pas d’enfant ! Je ne suis pas mariée. Pourquoi croyez-vous que je sois si heureuse ? » Ces mots de Sharda traduisent bien l’incongruité de sa position dans l’histoire du sport en Inde, et en particulier du football. Femme et, en plus, célibataire. Sharda Ugra est l’une des plus importantes journalistes sportives du sous-continent. Elle a le numéro de la plupart des stars indiennes du cricket, réputées inaccessibles et dont la moindre apparition privée, pour un mariage par exemple, se négocie autour du million de dollars. Lors d’un événement marketing, Frank Lejeune, pionnier du développement des magasins Décathlon en Inde, avait souhaité inviter à Hyderabad une championne de badminton, un sport très populaire là-bas. Las, elle lui avait gentiment indiqué qu’il fallait débourser 250 000 dollars. Nous nous y rendons, Vikash et moi. L’accueil est impressionnant. Fanfare et haie d’honneur. Une ribambelle de petites filles du club de foot de TSWREIS, une ONG d’aide aux populations tribales, nous tendent des bouquets de fleurs multicolores. Décathlon a mis les petits plats dans les grands. L’enseigne est l’une des grandes réussites d’implantation d’une société occidentale en Inde, avec Ikea. Leur credo : rendre les équipements abordables. Un ballon, fabriqué en Inde, coûte environ 399 roupies, soit 5 euros. Et une paire de crampons 11 euros. « Seuls 5 % des Indiens pratiquent un sport en Inde. C’est très peu, m’explique Sharon Joseph, directeur du football chez Décathlon dans le sous-continent. Il suffit que ce chiffre augmente de 1 %, et vous avez tout de suite 14 millions de clients potentiels. » Au magasin d’Hyberabad, Vikash est assailli par une horde de fans. Certains gamins ont fait plus de 12 heures de bus pour venir. Vikash signe des ballons à tour de bras et fait quelques jongles avec les enfants. « Le premier joueur de football d’origine indienne à avoir joué une Coupe du monde », dit la baseline inscrite sur les kakémonos de l’enseigne. En bas, sur le parking, un miniterrain a été mis à la disposition des enfants. Certains sont des gamins des rues. Vikash distribue les billets de 100 roupies et les accolades. En Inde, c’est toujours bon à prendre. À demain.

Jour 3

Le docteur Supriya Lolayecar est coordinatrice générale de l’école internationale Sreenidhi. En l’occurrence, c’est elle qui, tout de LVMH vêtue, nous fait visiter la Duccan Académie : « Les fils du docteur Mahhe sont des fans de foot, alors il a créé ce club il y a trois ans. » Mahhe est notamment à l’origine d’une des écoles privées les plus prestigieuses du Sud de l’Inde, avec une forte prévalence du sport dans le cursus. Selon Supriya Lolayecar, « l’école Sreenidhi place le sport au même niveau que l’éducation scolaire. Nous formons de bons élèves, mais aussi des champions. » La salle des trophées est en effet impressionnante. Plus loin, Vikash et moi évoluons sur un terrain en herbe naturelle semblable à un green de golf. Il s’agit du terrain d’entraînement du Deccan FC, un club de foot qui vient de terminer le championnat de ligue 2 à la 2e place, non qualificative pour monter en Premier League. Selon le coach d’origine portugaise Carlos Vaz Pinto, la principale raison de la faiblesse du foot indien est la durée du championnat : « Nous ne jouons que 22 matchs sur l’année quand les championnats en Europe durent deux fois plus longtemps, sans parler des coupes. Impossible de bien former des joueurs avec si peu de matchs. » Le championnat dure de novembre à mai. Après, c’est la mousson. L’entraîneur Vaz Pinto est adepte du tiki taka. « Ici, ils ne connaissent pas », me glisse-t-il dans un sourire. Mais il a un autre petit secret. Le terrain officiel, tout neuf, est synthétique. Quand les équipes du Nord venaient y jouer en plein milieu de journée, la température du terrain montait à 45 degrés. « J’ai demandé à ne pas en changer », conclut l’entraîneur. Le capitaine de l’équipe, David Castaneda Munoz (sur la photo-ci-dessous), un Colombien de 28 ans, gagne 5000 dollars par mois. Un autre, Congolais, gagne 2000 euros par mois. Il y a quatre joueurs étrangers dans l’équipe. Le Colombien est le meilleur buteur du championnat avec 15 buts en 20 matchs joués. En trois ans, la progression du Deccan FC est spectaculaire. Docteur Mahhe a bien travaillé. Ça lui coûte 1,5 million de dollars par an. Ses fils viennent parfois voir les matchs. À demain.

 

Rendez-vous prochainement sur sofoot.com pour la suite du voyage de Vikash Dhorasoo en Inde.

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