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Boutaïb : « Hervé Renard a bâti un groupe à son image »

Propos recueillis par Aymeric Le Gall
7 minutes
Boutaïb : « Hervé Renard a bâti un groupe à son image »

Après avoir fait ses débuts en Ligue 1 la saison passée avec le Gazélec, Khalid Boutaïb vit aujourd'hui la première CAN de sa vie avec le Maroc. Qualifié pour les quarts de finale contre l'Égypte, le néo-Strasbourgeois a pris le temps de décrocher son téléphone pour évoquer cette expérience unique.

Comment tu vis la première CAN de ta vie ? C’est un truc unique à vivre dans une carrière. Oui c’est clair, c’est une expérience unique. En plus, je sais que je ne vais pas en vivre quarante dans ma vie, donc j’essaye de profiter au maximum. Pour l’instant ça va, on a atteint le premier objectif qui était de sortir du groupe et vu que ça fait longtemps que ce n’était pas arrivé au Maroc, ça nous procure encore plus de bonheur. On est vraiment en train de vivre une très belle aventure, avec un très, très bon groupe.

Il y a quelques années, quand tu ne jouais pas encore en pro, tu aurais pu imaginer un jour te retrouver là ? Mais non, jamais, laisse tomber ! Déjà la Ligue 1, je n’y aurais pas cru, alors la sélection, je ne te raconte pas. Il y a trois ans de ça, ce n’était même pas dans un coin de ma tête. C’est dingue.

Ça donne quoi en matière d’ambiance dans le groupe ? C’est un truc de fou, il y a une super ambiance. Je ne sais pas comment c’était dans le passé, mais là franchement, il n’y a rien à dire, il n’y a aucune tension entre les joueurs, tout le monde s’entend bien, les joueurs, le staff. Je suis même surpris que ça se passe aussi bien, car ça fait quand même près d’un mois qu’on est tous ensemble et il n’y a jamais eu la moindre embrouille.

La préparation aux Émirats a été très difficile, non ? Oui, le coach nous en a fait baver (rires) ! Et comme ici personne ne triche, c’est vrai qu’on a mis beaucoup d’intensité et qu’on a bossé dur. Mais même si on était fatigués après ça, on voit que les efforts payent, on monte en puissance de match en match, c’est bien.

Vous êtes tombés dans un groupe difficile et vous vous en êtes très bien sortis. Est-ce que t’as senti qu’il y avait un truc particulier qui se dégageait de ce groupe durant la prépa ? Ce n’est pas seulement lors de la prépa qu’on a remarqué qu’on avait un vrai truc à jouer. Depuis que le sélectionneur est là, on sent qu’il y a un certain état d’esprit qui est né dans ce groupe, tu vois les mecs qui se donnent les uns pour les autres, il n’y a pas d’ego mal placé. Et en plus on a dû faire sans les stars, entre guillemets, sans Amrabat, Tananne, Boufal, Behlanda… Nos adversaires étaient contents qu’ils ne soient pas là, et bah regarde… Après, c’est sûr qu’on aurait aimé qu’ils soient tous avec nous, mais c’est comme ça. Ceux qui sont là se donnent au maximum et ça paye. Après, on sait qu’on n’a encore rien fait. On n’est pas là à se dire qu’on est des héros parce qu’on a réussi à sortir du groupe. Tout reste encore à faire.

Passer de l’hiver strasbourgeois aux grosses températures des Émirats et du Gabon, ça fait un sacré choc thermique !Ouais, mais ça va, quand je suis parti de France, il ne faisait pas encore trop froid. Depuis, il y a eu une vague de froid de fou, et moi, je suis ici, il fait trente degrés. Ça va me faire bizarre en rentrant, ça va piquer (rires) ! Mais bon, on va dire que j’ai réussi à esquiver un mois de froid, c’est toujours ça de pris.

Vous vous êtes bien acclimatés au Gabon ? Il a fallu un peu de temps, ça joue au niveau de la respiration, de la récupération, de la sensation de lourdeur dans les jambes. Mais bon, c’est pareil pour toutes les équipes, hein. On s’adapte en toutes circonstances et à tous les niveaux. Il y a pas mal de joueurs qui jouent dans des très grands clubs, qui vont dans des hôtels de fou, qui s’entraînent dans des conditions incroyables au quotidien et qui jouent dans des stades blindés, et là c’est vrai que ça leur change. Mais tout le monde a mis ça de côté, on est tous au service de notre sélection, on sait qu’on représente des millions de supporters marocains, donc on se doit de faire abstraction de tout ça. Et puis il y a plein de joueurs qui aimeraient être à notre place, on ne va pas faire nos chipoteurs, on se doit de se montrer dignes de porter ce maillot.

Ça fait quoi d’être sous les ordres d’Hervé Renard ?On sait que ce n’est pas un entraîneur comme les autres, qu’il dégage un truc particulier.

Tu le sens vraiment, ça ? Ouais, exactement. Tu le vois rien que dans sa manière de s’exprimer depuis le banc de touche, il vit le truc à fond et il arrive à transmettre son envie, sa hargne aux joueurs. En fait, il a bâti une équipe à son image, c’est un gagneur et il a pris des mecs qui avaient ce même état d’esprit, des mecs qui tirent tous dans le même sens. Comme tu dis, ce n’est pas un coach comme les autres. En Afrique, il a réussi à se faire un nom, à montrer à travers ses résultats qu’il avait quelque chose en plus.

Dans le staff, vous avez aussi Mustapha Hadji, qui a une vraie expérience de la CAN. C’est un plus, j’imagine ?Mus’ c’est le grand frère de la sélection. C’est une référence du foot marocain. Il est très dispo, il nous fait partager son expérience, il nous donne beaucoup de petits conseils et ça n’a pas de prix. Et il ne faut pas oublier Patrice Baumel non plus, qui fait un super boulot avec nous.

Tu n’as pas beaucoup joué, mais tu es quand même entré en jeu contre la Côte d’Ivoire. Ça t’a fait quoi ?Même si ce n’était que trois minutes, ça fait quand même plaisir, car la CAN fait partie des grands événements internationaux. Après, même si au fond de moi, je pourrais être déçu, c’est normal car on a tous envie de jouer, comme je te l’ai dit c’est le groupe avant tout. J’ai toujours fonctionné ainsi.

Vous avez moyen d’écrire une belle page de l’histoire de la sélection. Vous arrivez à gérer la pression ?Oui, on essaye de transformer ça en pression positive, en excitation. Après, on est nombreux à être nouveaux dans cette sélection et on n’a pas connu les déceptions passées. Enfin si, mais en tant que simple supporter, et du coup, on a moins ça au fond de la tête. Mais des mecs comme Benatia, Boussoufa, El Arabi, qui eux ont connu ça, tu vois aujourd’hui qu’ils vivent quelque chose de fort, ils étaient fiers après le match contre le Côte d’Ivoire. Certains avaient presque les larmes aux yeux, c’était un moment émouvant.

Et l’ambiance sur place, tu en penses quoi ? C’est sympa, les gens font la fête, mais c’est vrai que je pensais qu’il y aurait peut-être un peu plus d’ambiance dans les stades. Après, on n’est pas là pour ça, notre boulot à nous c’est de gagner les matchs, point. Je dis ça, mais il y a quand même beaucoup de joie, les enfants sont heureux de nous voir. L’autre jour, on est allés visiter une école pour leur donner du matériel scolaire, on a passé un moment avec les enfants, on a pris des photos, ils nous ont fait une chanson, c’était un moment unique.

En France, on a l’impression que la CAN est un peu dénigrée. Tu trouves ça injuste ?Oui, bien sûr. Pourquoi la CAN devrait être dénigrée ? Parce qu’il n’y a pas Messi ou Griezmann ? Parce que ce n’est pas l’Euro ou la Copa América ? Ici aussi, il y a des stars, t’as quand même des joueurs comme Aubameyang, Benatia, Sadio Mané, Mahrez. Et au-delà des joueurs, ici aussi t’as de grandes nations de foot. Après, peut-être que les stades sont moins remplis, que les pelouses sont moins bonnes, mais franchement je ne trouve pas qu’à la Copa América par exemple il y ait un jeu beaucoup plus séduisant. Là-bas aussi ça casse, c’est un jeu dégueu parfois… Peut-être que c’est la période qui fait ça, les championnats sont en cours en Europe et les gens préfèrent voir le Barça plutôt qu’un Zimbabwe-Guinée, par exemple.

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Propos recueillis par Aymeric Le Gall

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