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Girondins, cuvée 1995-96

Bordeaux : la coupe était presque pleine

Le parcours de Bordeaux jusqu'en finale de la coupe UEFA 1996

Sommaire

Du 1er juillet 1995 au 15 mai 1996, les Girondins de Bordeaux ont proposé à leurs supporters, et à la France en général, un des plus beaux feuilletons jamais produits par le football français. Dix mois et demi au cours desquels, de l'entame en Intertoto face aux Suédois de l'IFK Norrköping, jusqu'à la finale retour de la coupe UEFA contre le Bayern, une vingtaine de gars emmenés par Cap'taine Liza ont fini par faire vibrer toute une ville comme jamais, dans le sud-ouest de la France, le football ne l'avait fait.
11 hommes pour une finale:
Debout: Zinedine Zidane, Laurent Croci, Jean Luc Dogon, Richard Wischtge, Gaetan Huard.
Devant: Jakob Friis-Hansen, Philippe Lucas, Anthony Bancarel, Bixente Lizarazu, Didier Tholot, Christiophe Dugarry

Une folie de dix mois et demi


Dix mois et demi qui ont vu Philippe Lucas inscrire le seul but de sa carrière bordelaise en trompant Andreas Köpke, Zinédine se faire expulser pour un coup de coude face à Karlsruhe, Bordeaux galérer pour se débarrasser des Macédoniens du Vardar Skopje, Gaëtan Huard se faire aveugler par un projecteur contre Volgograd, et Zidane réussir un amour de lob à Séville. Entre autres.

Dix mois et demi d'un feuilleton qui a vu son climax intervenir le 19 mars 1996, à l'occasion d'un Bordeaux-Milan que même le plus fou des scénaristes n'aurait osé écrire. Et pourtant, les jours précédant la rencontre, tout Bordeaux était pris de folie douce, persuadé que ses joueurs qui galéraient en championnat allaient remonter deux buts aux grand Milan de Fabio Capello. L'improbable sonnait comme une évidence. Personne ne savait comment, mais ils allaient le faire, c'était certain. Et bien sûr, ils l'ont fait. Michel Platini, qui voit tout en avance depuis son poste de consultant, demande à Richard Witschge de « changer » . Le centre de Bixente Lizarazu, la reprise du tibia de Didier Tholot. La déviation du dos de l'arbitre, Ahmet Çakar, la volée parfaite de Christophe Dugarry. La passe taclée de « Zizou » pour « Duga » qui met le troisième. La parade folle de « Guéguette » sur ce coup de tête à bout portant de George Weah. Vingt ans après les faits, chaque Bordelais jurera que ce soir-là, il était présent au Parc Lescure, tant le vrombissement de l'enceinte mythique s'est fait entendre dans toute la ville.

Ces dix mois et demi de feuilleton doivent également leur succès à un casting parfait. Une base de bons acteurs de Ligue 1, d'abord, comme Philippe Lucas, Daniel Dutuel, Jean-Luc Dogon, Laurent Croci, Didier Tholot ou Gaëtan Huard, mélangée à la fougue d'une bande de débutants constituée de Geoffrey Toyes, Franck Histiolles, François Grenet, Yannick Fischer, Jean-Yves de Blasiis, Cédric Anselin et feu Joachim Fernandez. En tête d'affiche, le trio Lizarazu-Zidane-Dugarry magnifie le tout, avec Richard Witschge en guest star. Et dans le rôle des réalisateurs, Slavo Muslin pour les premiers épisodes, puis Gernot Rohr et ses mises au vert à base d’huîtres et de jeux sur la plage du Cap Ferret après l'entracte hivernal.

Mais malheureusement, ces dix mois et demi ne connaîtront pas de « happy end » . Après un avant-dernier épisode victorieux face au Slavia Prague de Šmicer, Bejbl et Poborský, Bordeaux voit ce salaud - il en faut toujours un - d'Emil Kostadinov ouvrir la jambe de Lizarazu, et Lothar Matthäus soulever le trophée au Parc Lescure. Au bout du rouleau, privés au match aller de Dugarry et Zidane, suspendus, les Bordelais s'inclinent sans que personne ne leur en veuille. C'est d'ailleurs avec eux que « JPP » le Bavarois choisira d'aller fêter la victoire jusqu'au bout de la nuit girondine.

Par Mathias Edwards
Coupe Intertoto

L'IFK Norrköping en apéro


Bordeaux-IFK Norrköping. L'affiche ne fait pas rêver, surtout lorsqu'elle a lieu en plein été, à une période où le football est supposé être en sommeil. Pourtant, l'histoire se souviendra de cette rencontre, disputée dans une indifférence quasi générale, comme de celle qui a lancé les Girondins dans cette course folle qui les mènera jusqu'en finale de Coupe d'Europe.

Ce 1er juillet 1995, ils sont 5 826 à avoir interrompu leurs vacances pour assister à la rentrée inhabituellement précoce des joueurs bordelais. En plein cœur de l'été, alors que les plages de la côte toute proche sont plus remplies que les artères de la capitale girondine et que le marché des transferts bat son plein, les hommes de Slavo Muslin sont déjà à pied d’œuvre dans ce Parc Lescure qui sonne creux. Pas pour un traditionnel galop d'essai face à une formation régionale, comme il est de coutume à cette période, mais bien pour entamer leur campagne européenne, face aux Suédois de l'IFK Norrköping, à l'occasion de l'inauguration d'une compétition au nom rigolo, fraîchement créée par l'UEFA : la Coupe Intertoto. Ou « coupe à Toto » , comme l'ont renommée les joueurs, qui ne savent pas vraiment dans quoi ils s'embarquent.

Petites Allemandes et show Tholot

Dans les tribunes de Lescure, le public clairsemé s'abrite dans les gradins les plus hauts, la faute à la pluie battante qui s'abat en cette fin de journée. Le type d'orage qui rend la chaleur un peu moins accablante, calme les coups de soleil et permet de proposer ses bras comme unique protection à ce petit cœur allemand (ou néerlandais, on ne sait plus trop), trouvé au détour d'une vague un peu plus tôt dans la journée. C'est dans cet esprit que Thomas a fait le déplacement depuis le bassin d'Arcachon. Pour l'occasion, cet inconditionnel des Girondins, habitué du Virage Sud, s'est offert un peu de luxe, en dépensant 30 francs pour une place en tribune de face. « L'ambiance était celle d'un match amical, se souvient le supporter. Et comme dans les matchs amicaux, le principal intérêt était de voir les recrues. » Et ce jour-là, la recrue s'appelle Didier Tholot et fait des débuts fracassants, ouvrant le score dès la 3e minute, en reprenant le ballon relâché par le gardien suédois suite à une frappe de Daniel Dutuel. Car quitte à se mouiller pour assister à cette rencontre européenne, mieux valait ne pas trop traîner en route : au bout d'un quart d'heure de jeu, le score est déjà de 3-1 pour les locaux, Zidane ayant ouvert son pied droit, et Tholot claqué un doublé, tandis que les Suédois réduisaient la marque.

Bières de contrebande et score de tennis

Ces quatre buts, Anthony les a peut-être ratés. En tout cas, il n'en garde aucun souvenir. Comme tous les autres ultras, qu'ils soient Ultramarines ou Devils, il a pris position en haut du virage sud, malgré sa place à 5 francs qui ne lui donne en temps normal pas droit à un toit. Pour lui, ces rencontres de Coupe Intertoto sont « surtout une occasion de retrouver les potes après plusieurs semaines sans match, plus que de chanter » . Pendant le match, ils se souvient même d'allers-retours réguliers entre la tribune et le bar situé en face du stade, pour alimenter le virage en bières moins chères qu'au stade. Sur le terrain, Laurent Fournier cède sa place à la mi-temps à Philippe Lucas, avant de signer au Paris Saint-Germain quelques heures plus tard, tandis que Tholot est toujours aussi affûté. Christophe Dugarry accélère et centre pour l'ancien Martégal, qui réussit le triplé. Quelques minutes plus tard, Zidane convertit l'offrande d'Anthony Bancarel pour y aller de son doublé. Ces Girondins au maillot Asics encore vierge de tout sponsor, le président Afflelou n'ayant pas encore osé mettre son nom dessus, signent ce qu'on n'appelait pas encore une « manita » , à l'occasion de leur premier match officiel de la saison. Mieux, après la réduction de l'écart sur coup franc de Patrick Karlsson, William Prunier inscrit un sixième but en reprenant de la tête le corner tiré par Richard Witschge. Bordeaux s'impose 6-2, et comprend que cette « coupe à Toto » peut finalement mener à quelque chose, sait-on jamais ? Thomas et Anthony, eux, ne se projettent pas plus loin que vers le barbecue qui les attend. Pourtant, ils seront bien au même endroit, dix mois et demi plus tard, pour la réception du Bayern en finale de la Coupe de l'UEFA.

Par Mathias Edwards





Que sont-ils devenus ? 1/8


Des 23 joueurs à avoir participé à l'épopée européenne des Girondins en 1995-1996, seuls cinq feront partie de l'effectif bordelais la saison suivante. En 2015-2016, il est temps de se demander ce qu’ils sont devenus, 20 ans après.


Laurent Croci, 18 matchs
Carrière post-96 : Fin de carrière compliquée pour la Croce, au Dundee FC (1996-1997), puis à l’Étoile Carouge, en Suisse (1997-1998).
Depuis sa retraite : Pour faire comme tout le monde, Croci se lance dans une carrière d'entraîneur. ES Blanquefort, US Créteil, FC Saint-Médard-en-Jalles, Stade poitevin, ES Saint-Gratien, Croix-de-Savoie, et jusqu'en 2013, le FC Mulhouse. Started from the bottom, stayed at the bottom. Laurent Croci comprend que son avenir s'écrit hors des pelouses, et gère aujourd'hui un « hôtel de charme » dans le centre de Bordeaux.


Daniel Dutuel, 17 matchs
Carrière post-1996 : Auréolé de son but en finale face au Bayern, Didier file en Espagne. Au Celta Vigo (1996-1998), puis à Valladolid (1998-1999), avant de voir ses ambitions à la baisse en Suisse (Bellinzone en 1999-2000), puis en National, au RC Paris.
Depuis sa retraite : En compagnie de Pegguy Arphexad, Frank Verlaat ou encore Ousmane Sow, Daniel Dutuel travaille pour le cabinet d'assurances Henner Sports. Il s'occupe principalement de footballeurs basés en France et en Espagne.


Anthony Bancarel, 17 matchs
Carrière post-1996 : Disputer la finale face à Munich au poste d'arrière droit aura eu raison de la carrière bordelaise d'Anthony Bancarel, qui file en prêt à Caen. Après la relégation du club normand, l'attaquant file voir l'histoire se répéter à Guingamp. Comprenant que la L1 ne veut plus de lui, il déménage à Sion, avant de poursuivre sa carrière en Ligue 2, à Créteil, puis Ajaccio. Enfin, il rentre chez lui, à Toulouse, aider son club formateur tombé en National à retrouver un peu de dignité.
Depuis sa retraite : Anthony Bancarel refuse de quitter les spot-lights, et enfile le costume de présentateur pour la chaîne de télé du TFC, tout en entraînant les attaquants du centre de formation.





Que sont-ils devenus ? 2/8


Zinédine Zidane, 15 matchs
Carrière post-1996 : Oh, trois fois rien.
Depuis sa retraite : Sollicité par les Girondins de Bordeaux, « Zizou » privilégie scandaleusement le Real Madrid.


Didier Tholot, 13 matchs
Carrière post-1996 : Girondin jusqu'en 1997, l'homme à la mulette tente ensuite l'aventure suisse. Le FC Sion (1997-1999), Bâle (1999-2000), les Young Boys (2000-2001) et le FC Vevey Sports (2001-2002).
Depuis sa retraite : Actuellement entraîneur du FC Sion pour la troisième fois, Didier vit une carrière de coach trop tranquille à son goût. Regrettant de « ne pas être reconnu à sa juste valeur en France » , il navigue entre Ligue 2 française et élite suisse. Aux dernières nouvelles, il aurait posé sa candidature pour succéder à Ulrich Ramé à la tête des Girondins.


William Prunier, 13 matchs
Carrière post-1995 : Sentant une saison galère, la Prune a la bonne idée de quitter Bordeaux en novembre 1995. Après un essai jugé « non concluant » à Manchester United, avec lequel il dispute deux rencontres, il passe six mois à Copenhague. Le début d'un périple fou. Montpellier (1996-1997), Naples (1997-1998), Courtrai (1998-1999), Toulouse (1999-2004) et Al-Sailiya (Qatar) pour finir.
Depuis sa retraite : L'homme de Montreuil démarre sa carrière d'entraîneur en 2007, en tant qu'adjoint de Stéphane Paille à l'AS Cannes, avant de prendre en main la JS Cugnaux (DH, 2010), l'US Colomiers (CFA, 2011), Marseille-Consolat (National, 2014) et aujourd'hui, la réserve montpelliéraine.


Coucou pépé.
Huitièmes de finale
Girondins de Bordeaux - Séville 2-0 / 1-2

Voir Séville et passer


En huitièmes, les Girondins sont opposés aux Espagnols. Premier vrai gros morceau de l’épopée. On a demandé à Jaime Quesada, l’ancien arrière droit, de nous raconter ce qu'il s’est passé.

« Je me rappelle surtout du match aller, à Bordeaux. On avait joué sous une pluie diluvienne, le genre de temps auquel nous n’étions pas habitués en Andalousie. Le terrain était lourd, gorgé d’eau. On a été incapables de pratiquer notre jeu, on était complètement éteint. Et puis en face, on a trouvé face à nous une équipe extrêmement forte, on n’était pas du tout préparé à ça, à affronter l’une des meilleures équipes d’Europe sur cette saison. Il y avait beaucoup de jeunes, ils jouaient avec une certaine insolence, mais étaient vraiment solides comme des vieux brisquards. Zidane m’avait fait une grosse impression, surtout que j’étais défenseur, donc je l’ai souvent eu dans ma zone. Malgré le temps pourri, il avait une qualité technique vraiment au-dessus du lot. Mais s’il y en a un qui m’a vraiment fait mal, c’est Lizarazu. J’étais latéral droit, lui à gauche, et il montait sans cesse. Pendant toute la rencontre, il m’a mis à la rue, il allait beaucoup trop vite. Ils avaient un bon gardien aussi, qui rassurait bien ses plus jeunes coéquipiers. Au retour, on était mieux, on jouait enfin notre jeu, on imposait notre pression. Malheureusement, dès l’entame de match, Zidane nous punit. Quel but… »


« Je me rappelle que l’ambiance était vraiment chaude dans les tribunes malgré le temps horrible qu’il y avait. Et là, après un six-mètres mal dégagé, il envoie une reprise qui lobe notre gardien… L’enfoiré. (rires) Après, c’était beaucoup plus compliqué, il fallait courir derrière le score. Malgré tout, je n’aurais pas imaginé qu’ils aillent battre le Milan AC, surtout sur une éliminatoire en aller-retour. Personne non plus n’aurait imaginé que Zidane devienne l’un des tout meilleurs joueurs de l’histoire. C’était bien un chef-d’œuvre qu’il avait inscrit, un vrai, tout le monde dans l’équipe savait qu’il allait devenir un grand joueur, mais de là à ce qu’il devienne une légende, personne ne l’avait imaginé. Mon premier fils est fan de Zidane, pour lui c’est le meilleur joueur de l’histoire. Au moins, je peux lui raconter que j’ai assisté à quelques mètres à l’un de ses chefs-d’œuvre. »

Propos recueillis par Robin Delorme


Que sont-ils devenus ? 3/8


Gaëtan Huard, 20 matchs de l'épopée disputés
Carrière post-1996 : Au lendemain de la finale contre le Bayern, le gardien s'envole goûter une dernière pige bien méritée sous le soleil d'Alicante.
Depuis sa retraite : Consultant pour Canal+, puis beIN Sports, ainsi que pour les médias des Girondins, « Guéguette » s'est surtout lancé en 2007, avec celle qui est aujourd'hui son ex-femme, dans l'industrie de l'ongle. Et de ses soins, un bon gardien sachant prendre soin de son outil de travail. Aujourd'hui, Empreinte, sa société d'onglerie, possède des kiosques un peu partout en France.


Jean-Luc Dogon, 20 matchs
Carrière post-1996 : Après sept saisons passées en Gironde, l'international français (1 sélection) plie bagage pour Strasbourg (1996-1998), Rennes (1998-2000) et Créteil (2000-2001).
Depuis sa retraite : Son diplôme d'entraîneur en poche, Jean-Luc prend successivement en charge les U15, U17 et, depuis le début de la saison, les U19 des Girondins.





Que sont-ils devenus ? 4/8


Richard Witschge, 19 matchs
Carrière post-1996 : Après trois saisons passées aux Girondins, dont un intermède à Blackburn en 1995, histoire d'être sacré champion d'Angleterre, l'ancien Barcelonais retourne à l'Ajax jusqu'en 2003, avant de se finir au Japon, à l'Oita Trinita.
Depuis sa retraite : Richard enseigne aujourd'hui l'art de l'ouverture millimétrée du pied gauche au sein de l'Ajax, où il exerce en tant qu' « entraîneur technique individuel » . Mais surtout, il a une fille. Bonjour, Joelle.


Bixente Lizarazu, capitaine, 19 matchs
Carrière post-1996 : Un pèlerinage à Bilbao (1996-1997), puis neuf saisons sous la tunique du Bayern, entrecoupées par une escapade marseillaise de six mois que personne n'a envie d'évoquer. Et une Coupe du monde et un Championnat d'Europe en passant.
Depuis sa retraite : Consultant sur Canal+, puis TF1, chanteur aux Restos du cœur, animateur sur RTL, éditorialiste pour L'Équipe, militant pour la protection des littoraux, champion d'Europe 2009 des vétérans ceinture bleue, niveau 1 poids léger, de jiu-jitsu brésilien et titulaire d'un master en communication, relations publiques et sport avec mention bien. Bixente sait s'occuper.


Philippe Lucas, 19 matchs
Carrière post-1996 : La retraite, directement. Parce que c'était fatigant, tout ça.
Depuis sa retraite : Éducateur aux Girondins depuis 2000, Lucas a connu un peu toutes les catégories d'âge. Y compris les pros en 2011, suite à la démission de Jean Tigana. Avec les U19, il remporte la Gambardella en 2013. Il est aujourd'hui en charge des U17 régionaux.

Enzo ZIdane ?

« Malheureusement, dès l’entame de match, Zidane nous punit. Quel but… »


Jaime Quesada - Ancien arrière droit du Bétis Séville
Quarts de finale
Girondins de Bordeaux - AC Milan 0-2 / 3-0

Grand Milan devient petit


Le 19 mars 1996, en quarts de finale retour, les Girondins remontent deux buts au grand AC Milan, qu'ils éliminent en s'imposant 3-0 dans un Parc Lescure en feu. Si côté bordelais, tout a été dit sur cette historique remontée, la version milanaise est beaucoup moins connue. Trois d’entre eux reviennent sur une soirée symbolisant l’amorce de l'effondrement d’une génération légendaire.

Mario Ielpo rit jaune, en racontant l'anecdote. « Il y a quelques semaines, un ami en vacances à Bordeaux m’a envoyé la photo d’une couverture de L’Équipe affichée dans un bar. C’était moi en train de prendre un des trois buts. » D'autant que la Coupe de l'UEFA est à l'époque l'une des seules opportunités de s’illustrer, pour le remplaçant de Sebastiano Rossi. En effet, cette saison-là, Fabio Capello décide d’utiliser un gardien pour le championnat et un pour les coupes. « Mais je me souviens très peu des buts. Ce qui est une bonne nouvelle, puisqu’un portier se rappelle surtout de ses bourdes » , tempère le portier reconverti aujourd'hui en avocat, qui ouvre le bal en s'efforçant de contredire une idée reçue côté bordelais : les Milanais auraient snobé ce match retour, après l'avantage acquis à l'aller. Pire, ils auraient pris les Bordelais de haut. « Je ne sais pas, je ne crois pas. Il n'y avait ni trop de tension ni pas assez. Autant la Coupe d’Italie, on s’en foutait ouvertement, autant l’UEFA, non. » Lors des deux semaines qui passent entre la victoire 2-0 à l’aller et le retour, le Milan ne dispute qu’un seul match. Un derby perdu 1-0 face à l'Inter. La 26e journée de Serie A, qui devait se disputer trois jours avant le déplacement en Gironde, est reportée suite à une grève générale des footballeurs italiens. Les Rossoneri restent donc sur dix jours d’inactivité avant de se rendre à Bordeaux. Adjoint historique de Capello, Italo Galbiati se souvient : « On avait laissé les joueurs tranquilles, en leur offrant un peu de repos supplémentaire. Cela a pu provoquer un certain relâchement. » À Lescure, l’ogre rossonero se présente avec quelques pansements. Simone, Boban et Savićević ont déclaré forfait, tandis qu’Eranio est aligné, mais clairement diminué. « Regardez la formation, c’est bien la meilleure que l’on pouvait aligner » , insiste l’octogénaire. Baresi, Maldini, Donadoni, Costacurta, Weah… C’est donc l’approche qui est remise en cause : « Mentalement, on était vidés. Il y avait cette première place en championnat qui nous occupait l’esprit » , se remémore Demetrio Albertini, l’inoubliable métronome de cette génération. L’antre bordelaise est pleine à craquer et les supporters marine et blanc se font entendre. « Ah, ça je n’ai pas oublié, il y avait un soutien incroyable et leur équipe s’en est nourri, ça a surexcité les leurs... mais ça n’a pas effrayé mes gars, qui étaient habitués à évoluer dans ce genre de contexte » , souligne Galbiati, appuyé par Ielpo. « Le Milan jouait dans un San Siro qui affichait toujours complet, même contre les petites équipes. »

Attention, Desailly va lâcher un tweet


L'âne de Panucci, le tracteur Lizarazu

Ahmet Çakar, l'arbitre turc de la rencontre, siffle le coup d’envoi. Bordeaux part fort, mais Milan a « l'occasion de tuer le match dès le début, rembobine Albertini. Weah a une très bonne occasion, mais il la met dans le petit filet. » Très vite, ses coéquipiers et lui sont débordés. « Ils couraient le double de nous. Je me rappelle du petit blond, là, le Néerlandais Witschge, qui n’était pas réputé pour ses efforts, mais il n’a rien lâché jusqu’à la dernière seconde » , remarque Ielpo, qui observait tout ça de ses bois. Arrive alors la 15e minute. Galbiati revoit les images et peste : « Lizarazu nous a fait un mal incroyable, il a dû faire trente allers-retours sur son côté, je savais que c’était le joueur qui allait nous poser le plus de problème. Il y a cette transversale qui désoriente l’équipe, et là cet âne de Panucci, au lieu de temporiser pour éviter de faire partir son vis-à-vis, il le laisse s’échapper. Je lui avais dit pourtant ! » Dix minutes plus tard, Eranio sort, remplacé par Albertini, ce qui a pour conséquence de décaler Vieira sur le flanc droit. Probablement le tournant de la rencontre, selon Ielpo. « Patrick était un gamin et pas du tout un joueur de couloir. Il était lent dans les duels et les petits espaces, Lizarazu allait comme un tracteur, sa prestation m’a marqué. En revanche, si tu me demandes comment était Zidane, je ne saurais pas quoi te répondre. » À 1-0 à la pause, que se passe-t-il dans les vestiaires ? « On était en train de prendre le bouillon, on était partis pour en prendre cinq. Fabio sort Baggio, qui n’était pas dans une grande forme et fait entrer Di Canio, mais on aurait dû bétonner et mettre un milieu en plus » , retrace l’adjoint. C’est que « Il Divin Codino » vit une expérience compliquée. « Il sortait quasiment tout le temps, souvent après avoir marqué… même s’il ne marquait pas souvent à l’époque. L’entrée de Paolo avait un sens parce qu’il cavalait plus et pouvait mieux exploiter les contre-attaques » , dixit Ielpo. Toutefois, le scénario ne change pas. Bordeaux redouble d’effort et les Milanais sont acculés. Costacurta se pète le nez, Weah le poignet et Duga plante un doublé qui lui vaudra un transfert quelques mois plus tard. Ce qui fait aujourd'hui ironiser Albertini. « On l’a bien accueilli, mais on aurait préféré Zidane. » De son côté, Galbiati tente de justifier un tel fiasco : « On cherchait un attaquant, on l'a pris lui, et pas Zidane, parce qu’on avait déjà Boban et Savićević à ce poste. C’est aussi pour ça qu’on est passés à côté. »

Le début de la fin du grand Milan

« Oltre al danno la beffa » , récite un dicton italien. Le préjudice en plus des dégâts. Le Milan quitte la seule compétition qu’il a jamais remportée par la petite porte. « Capello est resté impassible, ce Milan n’extériorisait ni sa joie ni sa déception. Ce n’était pas dans notre style de chercher des coupables. Et puis, on devait penser à conserver notre place de leader en championnat » , confie Ielpo. Le dimanche suivant, Parme vient rendre visite à San Siro. « Il y avait un peu de contestation, certains tifosi pensaient qu’on avait bazardé cette rencontre, on s’est vite rattrapés en l’emportant 3-0 avec le Scudetto en fin de saison. » Le quatrième pour Capello, qui emporte Galbiati dans ses valises au Real Madrid. Un départ qui marque la fin d’un cycle, selon le vieil homme. « Ce match est probablement le premier signe d’un affaissement du grand Milan. Les joueurs allaient sur le terrain convaincus d’être encore forts, mais ils ne se rendaient pas compte que le temps passait. Attention, Bordeaux n’a rien volé, on a affronté une très grande équipe. Le problème, c'est qu’on s’en est rendu compte trop tard. »

Par Valentin Pauluzzi




Que sont-ils devenus ? 5/8


Christophe Dugarry, 13 matchs
Carrière post-1996 : Vexé par le doublé qu'il leur a claqué, Milan enrôle « Duga » dans la foulée. Christophe ne s'en sort pas trop mal, parvenant à inscrire six buts lors des quelques bouts de matchs qui lui sont offerts, mais file à Barcelone en fin de saison. En Catalogne, Van Gaal l'utilise au milieu de terrain. La farce ne dure que six mois, et un transfert à l'OM, où il passe 18 mois. En 1999, il fait son retour à Bordeaux, avant de se finir à Birmingham (2002-2004), puis au Qatar (2004-2005). Au passage, il devient champion du monde et d'Europe.
Depuis sa retraite : Consultant pour M6, France Télévisions, et Canal+ depuis 2006, l'homme s'illustre par des jugements définitifs, qui le mettent régulièrement dans l'embarras. Comme lorsqu'il affirme en avril dernier, que « Manchester City va en prendre une belle contre Paris » .


François Grenet, 11 matchs
Carrière post-1996 : Le latéral droit poursuit sa carrière aux Girondins, avec lesquels il est champion de France 1999, jusqu'en décembre 2001. Le fils d'Henri, ancien maire de Bayonne, joue ensuite six mois à Derby County, avant de découvrir la Bretagne (Rennes, 2002-2004), puis la Côte d'Azur (Nice, 2004-2006).
Depuis sa retraite : Depuis octobre 2008, François est replacé dans l'Axa, au poste d'agent général. Il est assureur, quoi.


Geoffray Toyes, 10 matchs
Carrière post-1996 : Après un séjour dans l'Est (Metz, 1997-2003 et Nancy en 2003-2004), Geoffray se la donne en Belgique : RAA Louviéroise (2004-2005), Royal Excelsior Mouscron (2005-2008) et enfin le FC Brussels (2008-2010).
Depuis sa retraite : Victime d'une embolie pulmonaire, le défenseur stoppe sa carrière à 36 ans et passe ses diplômes d'entraîneur pour devenir... négociateur indépendant dans l'immobilier, à Saint-Jean-d'Illac.






Que sont-ils devenus ? 6/8


Jean-Yves de Blasiis, 8 matchs
Carrière post-1996 : Au terme de sa seule saison professionnelle avec les Girondins, il déménage à Caen (1996-1997), puis porte les couleurs du Red Star (1997-1999), Norwich (1999-2001), Istres (2001-2002) et enfin Libourne (2002-2004).
Depuis sa retraite : De 2002 à 2008, l'ancien défenseur revient dans son club formateur, au poste de chef de projet marketing. Aujourd'hui, il exerce en tant que conseiller fiscaliste du particulier, après un passage chez Générali, en tant que conseiller commercial. Une certaine idée du bonheur.


Yannick Fischer, 7 matchs
Carrière post-1996 : Lorsque celui que quelques illuminés surnommaient « le nouvel Alain Roche » quitte son club formateur, c'est pour se lancer dans un parcours digne d'une Miss France en tournée : Cannes (1996-1998), Marseille (1998), Lorient (1998-1999), re-Marseille (1999-2000), Strasbourg (2000-2003), Le Mans (2003-2007) et Niort (2007-2009).
Depuis sa retraite : Yannick Fisher est le capitaine de l'équipe de France de beach soccer.


Jakob Friis-Hansen, 6 matchs
Carrière post-1996 : Arrivé aux Girondins en novembre 1995, pour remplacer Prunier, le Danois file à Hambourg en fin de saison, où il ne dispute que quinze rencontres en deux saisons, avant de raccrocher en 1998.
Depuis sa retraite : Avant d'occuper un poste bien sympa de recruteur pour Liverpool, Jakob a entraîné Hellerup IK et Fremad Amager. Oui, c'est au Danemark.


Franck Histilloles, 6 matchs
Carrière post-1996 : Franck ne se remettra jamais vraiment de cette fracture tibia-péroné avec arrachement des ligaments, qu'il s'est donnée lors de l'échauffement à San Siro, avant Milan-Bordeaux. Il quitte Bordeaux en 1997 pour le FC Metz, où il tient deux saisons avant de se réfugier à Créteil (1999-2002), puis en Grèce, au Panachaiki, pour sa dernière aventure en D1. Il enchaîne ensuite avec l'Aviron bayonnais en National, puis Martigues en CFA, avant de finir sa carrière dans des clubs amateurs (Béziers, Montpellier Corpo, As Canet).
Depuis sa retraite : Sa page Facebook indique que l'homme semble prendre du bon temps. Et c'est bien là le principal.


La finale, c'est par là

«  On l’a bien accueilli, mais on aurait préféré Zidane. »


Demetrio Albertini
Demi-finales
Girondins de Bordeaux - Slavia Prague 1-0 / 1-0

Quand le Slavia craqua


Tout juste remis de leur exploit contre Milan, c'est avec le sourire que les Girondins découvrent leur adversaire pour les demi-finales. En leur offrant le Slavia Prague, le sort épargne le Barça ou le Bayern aux Bordelais. Mais avec le recul, les Tchèques emmenés par Bejbl, Poborský et Šmicer étaient plus qu'un outsider. En témoignent leur parcours pour atteindre ce stade de la compétition, et la présence d'une bonne partie de leur équipe en finale de l'Euro 96, quelques semaines plus tard.

Les cœurs pragois ont battu vite, très vite, ce 19 mars 1996. Deux semaines après sa victoire 2-0 face à la Roma, grâce à une caresse lobée de Karel Poborský et un plat du pied de Robert Vágner, le Slavia est en grande difficulté au Stadio Olimpico. Vexée, la Louve se rebiffe et dévore les Tchèques 3-0. Mais à la 112e minute, Jiri Vávra réceptionne un long dégagement de son gardien, et déclenche une belle frappe croisée à l'entrée de la surface pour inscrire le fameux but à l'extérieur qui envoie Bejbl et les siens dans le dernier carré de la C3. Prague n’en croit pas ses yeux. Et l’Europe du foot se les frotte, elle qui pensait le pays et son ballon rond ankylosés par le divorce avec la Slovaquie, quatre ans auparavant. Deux décennies après la pichenette d'Antonin Panenka à l'Euro 76, la Bohème brille à nouveau sur la scène européenne. Et ce n'est qu'un prélude à ce qui l'attend deux mois plus tard, en Angleterre. À Rome, ceux qu'on surnomme « les Cousus » , en référence à leur maillot blanc et rouge, issu de deux morceaux de tissu assemblés par la sœur d'un joueur, lors de la création du club en 1892, ont tiré leur pelote jusqu’au bout. Après avoir écarté successivement le Sturm Graz, Fribourg, Lugano, le RC Lens et donc la Roma, les hommes de Josef Pešice perdront le fil face aux Girondins de Bordeaux.

Le serre-tête de Duga l'emporte sur le mulet de Bejbl

L'opposition qui s'annonce entre Bohémiens et Girondins est un concentré de résurrections. Le Slavia sort d’un demi-siècle de galères, lors duquel il a essuyé deux descentes, et dont le dernier titre national remonte à 1947. De leur côté, les Bordelais ont totalement lâché le championnat pour se concentrer sur la scène européenne, qui ne les avait plus vus briller depuis l'ère Bez. Lescure est en lévitation depuis le miracle face au Milan de Berlusconi et se prend à rêver de soulever le trophée. C'est donc fermement décidés à bousculer des Girondins a priori invincibles, comptant sur Croci et Philippe « Marathon Man » Lucas derrière le quintet Liza-Witschge-Zizou-Bancarel-Duga, que « les Cousus » se présentent dans leur vétuste Stadion Evžena Rošického au match aller. Avec un comité d'accueil qui détonne : le mètre 98 de Jan Stejskal dans les buts, la crinière de Pavel Novotny en sentinelle, le mulet blond de Bejbl à la relance, les bouclettes de Karel Poborský sur l'aile et la raie de Vladimir Šmicer en attaque. « Vladi » , qui découvrait d’ailleurs le double Z, ce soir-là : « Zidane est l’un des plus grands joueurs que j’ai affrontés au cours de ma carrière. Il était incroyable et savait qu’il avait quelque chose d’exceptionnel. Je l’ai rencontré pour la première fois lors de cette fameuse demi-finale, où nous avons malheureusement échoué. On s’est croisés à plusieurs reprises avec nos sélections respectives, ou quand j’étais à Liverpool et lui à Madrid. C’était une sacrée expérience de le regarder évoluer sur le terrain. » Et sur le terrain, le quinzième de D1 fait la nique aux Tchèques chez eux. « Zizou » profite d’une bourde de Bejbl sur la gauche, crochète son vis-à-vis dans la surface et transmet un caviar du droit en glissant à « Duga » , qui crucifie Stejskal au point de penalty. Dès la neuvième minute, ça sent bon pour les Girondins. Zidane s’éclate et rate de peu le doublé en reprenant de volée un corner. Puis arme un coup de pied arrêté aux 22 mètres qui frôle le montant. Bordeaux ne salera pas l’addition. Prague conserve ses chances de qualification avant le retour en Gironde.

Sortis en révélant Totti et Zidane

À Lescure, Jiri Vávra, le bourreau de la Roma, prend la place de Robert Vágner en attaque. Poborský et Šmicer tiennent le gouvernail. Karel est allé dribbler Warmuz en solo pour condamner les Sang et or, tandis que « Vladi » a planté contre Lugano. Les Tchèques sont cliniques : 11 buts en dix matchs jusqu’à Bordeaux, deux qualifs après prolongation. Une seule incursion réussie ajouterait trente minutes de rab. « Les Cousus » misent sur l’épuisement de leur adversaire. Conscients du stratagème, les Girondins assiègent le camp adverse d’emblée, histoire de plier l’affaire. Dugarry et Jean-Luc Dogon trustent les airs, mais leurs coups de tête loupent le coche. Qu'à cela ne tienne, le 0-0 de la pause arrange les gars de Gernot Rohr. Au retour des vestiaires, Dogon contre une attaque et sert idéalement Didier Tholot qui flaire le filon, galope à droite, fixe Luboš Kozel, bute sur Stejskal, reprend la balle et ouvre le score. Poborský a l’égalisation au bout du coup franc, mais Gaëtan Huard sort l’exocet de sa lucarne. Prague quitte la C3 la tête haute, sans se douter que son parcours aura révélé deux immenses stars du football des années 2000. « Quand on a éliminé Rome, rien ne laissait penser que Totti allait accomplir un parcours aussi énorme, rembobine aujourd'hui Jiri Vávra. Même chose concernant Zidane. Les deux avaient du talent, mais ils étaient relativement jeunes. On n’imaginait pas prendre une telle leçon de la part des Girondins, notamment à cause des prouesses de Zinédine. Dommage qu’on ait mal négocié cette marche. »

Un Euro 96 dans la continuité

Deux mois plus tard, à l'occasion de l’Euro 96, la « Národní tým » , l'équipe nationale tchèque, enfile les perles. Avec dans ses rangs Bejbl, qui inscrit le but du 2-1 contre Italie de Sacchi et boute la « Squadra » hors d'Angleterre dès le premier tour. Et Poborský, qui dégoûte les Portugais en quarts, avec une pichenette devenue mythique. Après avoir sorti les Bleus aux tirs au but en demi-finales, seule la mimine fragile de Kuba, sur une frappe traîtresse d'Oliver Bierhoff, empêche le sacre de cette génération, qui n'a rien du flegme bohémien. Ni la « Národní » ni le Slavia ne retrouveront cette grinta. Depuis, les Tchèques sont habitués à être mats.

Par Joël Le Pavous




Que sont-ils devenus ? 7/8


Mirza Varešanović, 4 matchs
Carrière post-1995 : Arrivé à l'été 1995, le Bosnien n'aura pas tenu six mois en Gironde. Il profite du mercato hivernal pour s'enfuir en Autriche, au SK Vorwärts Steyr, avant de passer deux saisons à l'Olympiakos (1996-1998). Il enchaîne ensuite avec Bursaspor (1998-2000), le Rapid Vienne (2000-2001), le FK Sarajevo (2002), re-Bursaspor (2002-2003), et re-FK Sarajevo (2003-2004). Un parcours chaotique qui ne l'empêche pas de rafler 24 sélections en équipe nationale.
Depuis sa retraite : Directeur sportif du FK Sarajevo pendant deux ans dès l'arrêt de sa carrière, il prend ensuite les rênes de l'équipe première, avant de se faire virer au bout d'un an. Il rebondit au Velez (pas celui de Sarsfield, celui de Mostar) en 2011-2012, puis au FK Olimpic en 20142015. Depuis, on n'a plus vu Mirza.


Joachim Fernandez, 3 matchs
Carrière post-1996 : Une saison quasi pleine au SM Caen en 1996-1997, puis une série d'échecs à l'Udinese, Monza, Milan, Toulouse et Dundee, avant une dernière pige en Indonésie.
Depuis sa retraite : Tombé en dépression, ruiné, Joachim est retrouvé sans vie en janvier dernier, dans un hangar de Domont (95). L'enquête sur ce destin tragique est à lire dans le numéro 135 de So Foot.


Laurent Fournier, 0,5 match
Carrière post-1995 : L'homme à l'épi indomptable retourne au Paris Saint-Germain après avoir disputé la première période du premier match de l'épopée bordelaise, face à Norrköping. Avec le PSG, il remporte la Coupe d'Europe des vainqueurs de coupe, avant de terminer sa carrière à Bastia, en 1998.
Depuis sa retraite : Lolo Fournier enchaîne les clubs en tant qu'entraîneur. Bastia, Pacy, la réserve du PSG, le PSG,Nîmes, Créteil, Strasbourg, le Red Star. Il cherche un club depuis 2013.





Que sont-ils devenus ? 8/8


Cédric Anselin, 2 matchs, ceux de la finale
Carrière post-1996 : Après une carrière girondine tout en opportunisme (en 1995-1996, il ne joue que la finale de la Coupe de l'UEFA, suite à la blessure de Lizarazu, et en 1998-1999, une seule apparition en L1 lui permet d'être sacré champion de France), Anselin part à l'assaut des bas-fonds du foot britannique, avec un crochet en Amérique du Sud : Norwich City, Ross County, Oriente Petrolero (en Bolivie, où il chope la malaria), Cambridge United, Ebbsfleet (pendant une semaine), re-Norwich, King's Lynn, Wroxham Town, re-re-Norwich, Dereham Town, et enfin Lowestoff Town.
Depuis sa retraite : Après s'être fait voler ses économies (320 000 euros), Cédric Anselin vit son après-carrière dans une caravane, avec femme et enfants, et tombe dans la dépression. « Je n'arrivais pas à m'en sortir, déclarait-il en 2012 au Norwich Evening News. « J'étais tombé tellement bas que j'en avais honte, je ne pouvais même pas sortir faire un tour à pied. Mon cerveau ne fonctionnait plus. Je voulais être seul. » L'homme se sent si mal, qu'il échappe de peu au pire. « J'avais la corde autour du cou, j'étais prêt à en finir, mais ma femme est arrivée au bon moment pour m'empêcher. » Aujourd'hui, Cédric Anselin semble aller mieux, et exerce en tant qu'éducateur au Wroxham FC.


Régis Castant, 2 matchs
Carrière post-1996 : Peu respecté par son club formateur, le petit meneur de jeu fera le bonheur d'autres formations de la région. Trélissac et le Stade bordelais, d'abord, puis surtout Libourne-Saint-Seurin pendant dix ans, de 1999 à 2009.
Depuis sa retraite : Après avoir entraîné Libourne durant quelques mois en 2011-2012, il s'occupe aujourd'hui des U15 du Targon-Soulignac FC.


Une belle équipe de rigolos
Finale
Girondins de Bordeaux - Bayern Munich 0-2 / 1-3

Munich deux fois



Pas besoin d’épiloguer sur cette finale. Contrairement à Milan, plus personne n’y croyait après le match aller. Du coup, la parole est à Thomas Helmer, l’ancien défenseur du Bayern.

Vous avez disputé beaucoup de finales durant votre carrière. C'est bizarre d'en jouer une en deux matchs, non ?
C'est vrai que c'est un peu étrange : tu gagnes un match, mais tu dois en jouer quand même un second avant de savoir si tu vas soulever la coupe ou non. Bon, après, tu as toujours une chance de se rattraper si tu perds la première manche. Dans notre cas, on avait un léger désavantage, étant donné qu'on recevait en premier.

Comment avez-vous préparé cette double confrontation ?
Hormis Lizarazu, Dugarry et Zidane, nous ne connaissions pas très bien tous les joueurs, mais les Bordelais sont arrivés en finale, c'est qu'ils avaient très certainement une très bonne équipe. Nous avions fait des analyses vidéo en vue de la finale, comme par exemple le 3-0 contre le Milan AC. Nous étions très bien informés. Bordeaux était très fort à l'époque, avec les trois joueurs que je viens de nommer. On avait beaucoup entendu parler d'eux, et c'était déjà compliqué pour nous d'avoir à se focaliser sur ces trois joueurs. Il nous fallait les contenir, les attaquer tout de suite quand ils avaient la balle, parce qu'ils avaient de très bonnes qualités physiques, techniques, qui leur permettaient de faire immédiatement la différence. Un Zidane par exemple, c'était dur de mettre son pied quand il la protégeait avec son corps. Et quand il se retournait et courait face au but, c'était difficile de le suivre ensuite...

Ça ne doit pas être facile de préparer une finale comme celle-ci quand l'entraîneur (Otto Rehhagel) se fait virer quelques jours avant...
Il y avait déjà eu des critiques tout au long de la saison, ainsi que lors de la demi-finale face au FC Barcelone (2-2, 1-2). Personne ne croyait en nous, nous étions une jeune équipe. De plus, nous ne jouions pas très bien, et en championnat, nous avions laissé filer le titre. Et comme très souvent, la faute avait été rejetée sur les épaules de l'entraîneur, et non des joueurs, et Otto Rehhagel avait dû partir... À vrai dire, c'était aussi de notre faute, aux joueurs : c'est nous qui avions mis la pression aux dirigeants pour avoir un autre entraîneur. C'était une erreur de notre part, c'est quelque chose qu'on n’aurait jamais dû faire. Nous étions fautifs, c'est nous qui avions perdu 1-0 à domicile contre le Hansa Rostock et laissé filer le titre. C'est nous qui avions mal joué, de manière indisciplinée, pas Otto Rehhagel.

Lors du match aller, vous ouvrez la marque de la tête au bout d'une grosse demi-heure de jeu. Ce doit être plutôt libérateur...
C'est surtout un avantage. Nous savions que nous étions forts sur coups de pied arrêtés, et qu'il nous fallait tout donner lors de ce match aller. Le résultat était d'ailleurs parfait : 2-0, pas de but encaissé. Ça te met sur de bons rails, même si on se méfiait du match retour. Le match contre le Milan AC nous avait montrés que Bordeaux était capable de remonter deux buts.

« En mettant un but, ils devaient en mettre quatre. Finalement, on en a inscrit trois. » Thomas Helmer

L'objectif était donc d'assurer le match retour.
Dans un sens, oui, mais ce n'est pas pour autant que nous voulions fermer le jeu : en Jürgen Klinsmann, nous avions un très bon buteur (Klinsmann finira d'ailleurs meilleur buteur de la compétition avec 15 buts, ndlr), et Bordeaux n'avait pas intérêt à se découvrir. De toute façon, nous voulions rajouter un but, pour rendre la tâche plus compliquée encore aux Bordelais. En mettant un but, ils devaient en mettre quatre. Finalement, on en a inscrit trois.

Cette équipe du Bayern était aussi influencée par la rivalité entre Lothar Matthäus et Jürgen Klinsmann. Et malgré les prises de bec entre les deux joueurs, l'équipe du Bayern est passée outre et est allée chercher cette Coupe de l'UEFA.
C'est vrai que les deux ne s'entendaient pas. Malgré tout, ils ont été champions du monde ensemble en 1990 et, lors de cette campagne européenne, ils ont tout donné pour que l'équipe remporte la C3. Malgré leurs dissensions (et la présence d'autres gros caractères, comme Ciriaco Sforza, par exemple), ce sont deux joueurs qui avaient énormément de qualités, deux personnes qui avaient la gagne en eux et ne désiraient rien d'autre que la victoire finale.

Vous gagnez la manche retour 3-1, et vous soulevez le trophée à Bordeaux. Là aussi, ce doit être étrange...
C'est vrai, mais je dois dire qu'on a eu un peu de réussite avec la sortie de Lizarazu pour cause de blessure. C'était une belle victoire, nous l'avons également fêtée en interne, mais pour beaucoup d'entre nous, la saison n'était pas encore terminée. Dès le lendemain, nous avons dû nous concentrer sur la grosse échéance suivante : l'Euro 1996 en Angleterre.

Propos recueillis par Ali Fahrat


Passion sweatshirt
Entretien croisé

Philippe Lucas au carré

Philippe Lucas et Philippe Lucas.


D’un côté, Philippe Lucas, ancien milieu de terrain, aujourd’hui entraîneur des U17 Girondins. De l’autre, Philippe Lucas, ancien entraîneur de Laure Manaudou, aujourd’hui sosie de Michel Polnareff. Au milieu, un entretien croisé pas si barré.

Est-ce qu'il arrive qu'on vous confonde ?
Philippe Lucas, le footballeur : Non, jamais. On est tous les deux de 1963, mais on n'a pas vraiment la même bouille, ni la même gouaille. En revanche, je me suis pas mal fait chambrer à cause de lui, quand il était souvent à la une des journaux.
Philippe Lucas, le nageur : Moi non plus, cela ne m'est jamais arrivé.

Vous vous souvenez de la première fois que vous avez entendu parler de votre homonyme ?
Philippe Lucas, le nageur : Oui. Si je dis pas de conneries, ça doit remonter à 1987 ou 1988, à l'époque où il était joueur. Je me rappelle un petit numéro 6, trapu et brun.
Philippe Lucas, le footballeur : Moi, ça date de l'époque où il entraînait Laure Manaudou, lorsqu'il est devenu célèbre.

Qu'est-ce que vous savez l'un de l'autre ?
Philippe Lucas, le nageur : Philippe, ça doit être un mec qui a joué 350 matchs de D1 (372 exactement, et 1 but inscrit, ndlr). Un bon joueur de première division, très travailleur. Je me souviens de lui à Bordeaux, bien sûr, et aussi à Sochaux, avec la génération Stéphane Paille, Franck Sauzée, Franck Silvestre, etc.
Philippe Lucas, le footballeur : Je ne connais que l'image que renvoient de lui les médias. C'est quelqu'un qui sait créer le buzz, qui communique bien. Il a joué de son personnage, mais c'est de bonne guerre. Mais au-delà de sa gouaille, c'est quelqu'un qui a de réelles compétences, ce qui est le principal quand on est entraîneur de haut niveau. Il avait même été sollicité pour un poste de préparateur physique au Paris Saint-Germain, il me semble.
Philippe Lucas, le nageur : Effectivement, j'ai failli travailler deux fois au PSG, en tant que préparateur physique. Une fois quand Michel Moulin était directeur sportif, et l'autre fois quand le président Cahuzac a pensé à moi, alors que j'étais en difficulté.

« Je me rappelle un petit numéro 6, trapu et brun. » Philippe Lucas, le nageur, à propos de Philippe Lucas, le footballeur

Justement, quel est votre rapport au sport de l'autre ?
Philippe Lucas, le footballeur : Vous avez qu'à me jeter à l'eau, vous verrez ! Je ne suis pas du tout un homme d'eau, si je n'ai pas pied, je coule. Je n'ai jamais pu apprendre à nager, j'ai un vrai problème avec ça.
Philippe Lucas, le nageur : Je ne suis pas un spécialiste du football, loin de là, mais j'ai toujours aimé ça. La première fois que je suis allé au Parc des Princes, c'était en 1978, quand Dominique Baratelli avait signé au PSG. Et puis je suis de Melun, et à Melun, on avait une bonne équipe de D3, qui était montée deux fois en D2. À l'époque, toutes les équipes réserves venaient jouer à Melun, avec parmi elles Auxerre. Donc j'ai vu débuter Éric Cantona, Basile Boli ou Daniel Dutuel, qui jouera avec Philippe Lucas à Bordeaux ensuite. Et Makelele et Thuram ont joué à Melun, en Cadets nationaux !

Donc vous êtes supporter du Paris Saint-Germain, Philippe ?
Philippe Lucas, le nageur : J'ai suivi le PSG à fond, il y a une saison où j'ai vu 26 matchs sur 38, je les suivais même à l'extérieur. Quand ils se sauvent à Sochaux, lors de la dernière journée, j'y suis. Mais ce n'est plus le cas. Il faut de l'argent pour réussir, comme dans tous les sports, mais ce Paris-là, ce n'est plus mon Paris Saint-Germain. Avant, je connaissais tout le monde au Camp des Loges. J'allais là-bas, je saluais même les cuisiniers. Quand j'habitais à Saint-Germain-en-Laye, je croisais souvent Sylvain Armand, un bon mec, très gentil. Aujourd'hui, ça a changé d'identité, il n'y a plus rien. Mais bon, c'est normal, c'est comme ça qu'on atteint le très haut niveau...

Qu'est-ce que vous admirez chez les footballeurs ?
Philippe Lucas, le nageur : J'admire rien, moi. Mais on les critique souvent, alors que c'est un milieu très compliqué. C'est très difficile de percer, de jouer en première division. Les jeunes sont mis à contribution très vite, et ce n'est pas évident d'évoluer dans un milieu adulte à 17-18 ans, avec des lascars qui ont trente piges. Avec en plus l'argent, et tout ce que ça comporte, qui entre en jeu. Les gens ne se rendent pas compte de tout ça.
Philippe Lucas, le footballeur : Ce qui m'a toujours surpris, moi qui ai des difficultés à flotter, c'est qu'on voit souvent des personnages en surcharge pondérale nager comme des poissons. J'admire toutes les personnes qui savent nager, plus particulièrement mes fils, qui ont du mérite avec le père qu'ils ont. Ne pas savoir nager, c'est un vrai regret. Si je passe à côté d'un point d'eau et que quelqu'un est en train de se noyer, je ne peux même pas l'aider.

C'est le rêve de beaucoup de monde d'aller bosser en slip au bord d'une piscine, vous en êtes conscient ?
Philippe Lucas, le nageur : Ouais, mais je mets jamais de maillot de bain, moi. Quand il fait beau, je travaille en short, débardeur et lunettes de soleil. Je ne sais pas si c'est le rêve, mais c'est sûr que c'est une tenue sympathique.
Philippe Lucas, le footballeur : Travailler en maillot de bain, c'est vrai que ça doit être bien. Mais ça ferait rire mes joueurs. Le combo maillot de bain / crampons ferait quand même un peu touriste.

« Ne pas savoir nager, c'est un vrai regret. Si je passe à côté d'un point d'eau et que quelqu'un est en train de se noyer, je ne peux même pas l'aider. » Philippe Lucas, le footballeur

Quand on vous annonce en 1995 que vous allez jouer la Coupe Intertoto, vous savez de quoi il s'agit ?
Philippe Lucas, le footballeur : On savait à quoi s'attendre, oui. Et cela ne nous enchantait pas particulièrement, parce qu'on avait fini 6es la saison précédente. Et quand vous faites 6es, vous ne méritez pas tellement de participer à la Coupe d'Europe. C'était plus ou moins une séance de rattrapage, et on s'était dit que cela remplacerait les matchs de préparation.

Et vous vous prenez très vite au jeu...
Philippe Lucas, le footballeur : Oui, parce qu'on a très vite été bien positionnés, donc on sentait qu'on allait passer le premier tour et se rapprocher qu'une qualification pour la vraie Coupe d'Europe.

Vous arriviez à vous motiver pour jouer contre Norrköping ou Odense dans un Parc Lescure quasiment vide ?
Philippe Lucas, le footballeur : Oui, parce qu'il n'y a jamais grand monde dans les stades lors des matchs de préparation, et qu'on les jouait comme ça. Et puis on se disait que tant qu'à faire, autant jouer ces matchs avec le plus de rigueur et de sérieux possible. Et l'appétit vient en mangeant.

Et vous, Philippe, cela vous plaisait, la Coupe Intertoto ?
Philippe Lucas, le nageur : Dans n'importe quel sport, à partir du moment où vous êtes confrontés à d'autres cultures, vous ne pouvez qu'évoluer. Et puis, ça peut souder une équipe. Donc s'il fallait passer par l'Intertoto pour jouer la Coupe de l'UEFA, tant mieux. En France, on ne s'intéresse pas trop à la Ligue Europa. Mais quand vous voyez les équipes qui sont en quarts de finale, vous vous dites que c'est pas facile de la gagner.

Vous aimeriez qu'elle soit remise en place ?
Philippe Lucas, le footballeur : Non, parce que le sixième de Ligue 1 n'a rien à faire en Coupe d'Europe. C'est déjà compliqué pour le deuxième et le troisième...

« En France, on ne s'intéresse pas trop à la Ligue Europa. » Philippe Lucas, le nageur

Vous vous attendiez à réaliser un tel parcours, en jouant l'Intertoto ?
Philippe Lucas, le footballeur : Bien sûr que non. En coupe, c'est impossible de se projeter très loin, ça peut très vite se terminer. On a passé les tours comme ils venaient, jusqu'à avoir la chance de tirer le grand Milan. Et après les avoir battus, on s'est dit que ce serait con de ne pas aller au bout. On avait une mécanique qui fonctionnait bien, avec un bon groupe et des mecs qui se sont révélés au grand public, comme Liza, Duga et Zizou. Ce n'était pas juste un bon collectif, il y avait des joueurs de grand talent.

Quels souvenirs gardez-vous de cette épopée ?
Philippe Lucas, le nageur : Je me souviens du match où ils se qualifient contre Milan après avoir perdu 2-0 à l'aller, et puis de la finale. Je les avais bien sûr suivis, parce que quand une équipe française fait ce genre de parcours, c'est fantastique. Que ce soit Bordeaux, Marseille ou Saint-Étienne.
Philippe Lucas, le footballeur : En dehors du match contre Milan, je me souviens du parcours dans son ensemble, parce que ce fut une aventure de longue haleine. Ce qui nous a manqué, ce sont les ressources mentales et psychologiques pour disputer la finale avec de réelles chances de l'emporter. On était au bout du rouleau, on n'a pas joué avec tous nos atouts contre le Bayern. On pouvait faire mieux, et au moins leur poser plus de problèmes.

Avant le match retour contre Milan, malgré la défaite 2-0 à l'aller, tous les joueurs semblent croire à une qualification bordelaise. Où est-ce que vous êtes allés chercher cette motivation ?
Philippe Lucas, le footballeur : On s'est surtout dit qu'on n'avait pas grand-chose à perdre. Face au grand Milan, avec deux buts de retard, on voulait simplement faire le meilleur match possible, sans parler de qualification. Et je crois que cela avait été notre force. Les jours précédant le match, on a senti un élan dans la ville. Et dans le stade, le soir du match, c'était incroyable. Je n'avais jamais connu ça à Bordeaux, et je ne l'ai jamais revu depuis. On a été emportés par cette euphorie, surtout sans avoir d'obligation de résultat. Donc tous les ingrédients étaient réunis pour qu'on crée la surprise. Et puis bon, Didier Tholot ouvre le score en reprenant le ballon du tibia, on marque le deuxième grâce à l'arbitre qui dévie le ballon, et sur le troisième, Zizou rate sa passe, le ballon lui revient et il transmet à Duga en taclant. Ce sont des trucs, si vous les refaites cent fois, ça ne se reproduit jamais comme ça. Et puis là-dessus, on peut ajouter la suffisance des Milanais. Ils n'ont pas respecté le football, ils ont été punis, tout simplement. Je suis quelqu'un qui croit au destin, donc je me dis que c'était notre jour, et puis c'est tout.

Vous étiez le véritable taulier de cette équipe. Vous avez l'impression d'avoir été reconnu à votre juste valeur ?
Philippe Lucas, le footballeur : Je ne me pose pas ce genre de questions. Je sais la carrière que j'ai faite. Elle n'a pas été géniale, mais régulière, avec quatorze ans au haut niveau. Et je savais ce que j'étais, et pourquoi on m'engageait. J'avais l'intelligence d'évoluer dans mon registre, en sachant ce que je ne savais pas faire.

« Dans le stade, le soir du match, c'était incroyable. Je n'avais jamais connu ça à Bordeaux, et je ne l'ai jamais revu depuis. » Philippe Lucas, le footballeur

Aujourd'hui, un club français est-il capable de réaliser un tel parcours ?
Philippe Lucas, le footballeur : En partant de si bas, je ne pense pas. Sincèrement, dans notre championnat, en dehors de Paris qui domine tout... Si Paris gagne les deux coupes nationales, le sixième de Ligue 1 sera qualifié pour la Ligue Europa. Et je n'imagine pas le sixième de L1 aller en finale de Coupe d'Europe. Il ne sera pas armé pour ça, on est loin du compte. Sans parler comme un vieux con, je pense que notre championnat est moins bon qu'à notre époque.
Philippe Lucas, le nageur : C'est compliqué. Il faut des moyens, pour bâtir un effectif de valeur, capable de jouer le championnat et la Coupe d'Europe. Mais tout est possible. Pourquoi est-ce que Monaco ne ferait pas quelque chose en Ligue Europa ? Ou Lyon ? C'est aussi une question d'état d'esprit. Peut-être que les joueurs français n'ont pas l'état d'esprit pour jouer ces matchs internationaux. Avant, les mecs se battaient pour gagner la Coupe des coupes. Au final, ça fait une Coupe d'Europe pour le PSG.

Durant votre carrière d'entraîneur de natation, vous avez souvenir d'un de vos nageurs ayant réalisé une performance aussi inattendue que celle des Girondins en 1995-1996 ?
Philippe Lucas, le nageur : Non, parce que chez nous, c'est le chronomètre. On sait si le mec va nager vite ou pas. Il n'y a ni arbitres ni poteaux. En foot, tu peux te faire dominer pendant 90 minutes et gagner le match. En natation, ça n'existe pas. Chez nous, les mecs qui gagnent, on savait qu'ils étaient bons.

Tous propos de Philippe Lucas et de Philippe Lucas recueillis pas Mathias Edwards

Le parc Lescure en pleine ferveur européenne

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Rédaction

Mathias Edwards, Joël Le Pavous, Robin Delorme, Ali Farhat et Valentin Pauluzzi


Édition

Simon Capelli-Welter


Design et coordination technique

Aina Randrianarijaona


Secrétariat de rédaction

Julie Canterranne


Crédits photo

Réactions (17)

Poster un message
par Hilltop Hoods il y a 5 ans
En tant que supporter des Girondins, je ne peux que vous remercier pour ce formidable travail. Je me demande parfois pourquoi je viens aussi souvent sur SoFoot mais là je le sais clairement en fait.
par Thouvenel Ballon d'Or il y a 5 ans
Merci SoFoot, excellente rétro
par zinczinc78 il y a 5 ans
Je crois que c'est la première fois que je vois Philippe Lucas sans ses claquettes FILA..

Une seule question me hante après la lecture de cet article. Comment en moins de 20 ans peut-on être passé de Liza à Poundje ? de Duga à Kiese-Thelin ? De Zizou à Malcolm ?
par Gromit7 il y a 5 ans
@zinczinc78 C'est la malédiction du 19 mars 1996, le Milan AC est dans la même mouise.
par Two-Face il y a 5 ans
Typiquement ce qui manque au foot français en ce moment: de belles épopées.
par Alain Proviste il y a 5 ans
Putain ce Bordeaux-Milan 96, vingt ans après ça reste l'un de mes plus beaux souvenirs de foot ! Je m'en souviens comme si c'était hier ! Avec un Duga on fire et ce bon vieux Didier Tholot...
par Cafu crème il y a 5 ans
Superbe article.

Je vouerai toute ma vie une adoration sans borne à Tholot et Witscque.

Gamin que j étais, mon frère m avait emmène quelques temps avant au Haillan pour decouvrir Zidane qu il considérait comme le nouveau Platini.. J avais rigolé comme une baudruche et osais même dire que Dugarry était lui, le seul, de la race des champions...



par Cafu crème il y a 5 ans
Et j en profite pour dire que le nouveau maillot third des Girondins est tout simplement degueulasse.
par Saprissa il y a 5 ans
On en parle pas assez mais Witschge quel joueur c'etait quand meme, surtout a son debut de carriere d'ailleurs... Une sorte de Verratti qui resortait tres bien les ballons et faisait toujours de tres bonnes ouvertures...

Ce match retour contre Milan c'etait quelquchose meme pour moi supporter de l'OM, incroyable cette ambiance...
Par contre en finale ils ne voient pas le jour...
par Brooklyn Olympic il y a 5 ans
Génial...super article!!
par souzadeoliveira il y a 5 ans
Tain c'est énorme ces articles, respect à sofoot, c'est largement à la hauteur du parcours exceptionnel qu'avait fait les girondins dans cette coupe de l'Uefa;
Seul regret cette finale dans laquelle ils sont véritablement passés au travers en même temps ce n'était pas rien en face ...

Du coup j'me suis refait en intégralité le Bordeaux-Milan, ce délice absolu, tout aussi savoureux que cette D1 des nineties, putain de nostalgie quand on voit ce qu'est devenu notre football de clubs :(((((((((((((((
par pointardinho il y a 5 ans
1er match à Lescure: pluie diluvienne, un stade à moitié plein (concurrence ce soir là de Bègles jouant un match de rugby), mon père faisant l'effort de m'amener
par pointardinho il y a 5 ans
1er match à Lescure, Séville, pluie et encore de la pluie, un stade à moitié plein (concurrence d'un match de Bègles ce soir là), mon père qui fait l'effort de m'amener au stade lui qui aime le ballon ovale.

Magie

Ce soir là, je suis devenu un inconditionnel, un supporter avec tous les défauts et qualités que cela peut comporter. (20 ans après, se morfondre devant des chèvres portant la même tunique que mes héros d'ado et rester un dimanche apres midi à me lamenter sous le regard impassible de ma femme )

Bancarel, Tholot, Dogon, Liza, Duga et Zizou bien qu'à l'époque mon chouchou était Witschge ( ses transversales, un amour )..vous êtes dans mon panthéon.

Etre tombé aussi amoureux du Virage Sud....quelques années plus tard, devenir un de ces sauvages "dixit mon père" à hurler, chanter....

j'arrête là, car ce fut le début et que pour sa première fois, on l'enjolive, on la fantasme...mais une première fois avec zizou , il y a de quoi tout de même ;)
par Wiich il y a 5 ans
Une époque ou sur les trois compétitions européennes ou elle était engagée, la France avait deux finalistes dont un vainqueur et un demi finaliste... Il s'en passe des choses en 20 ans.
par souzadeoliveira il y a 5 ans
Pointardinho tu as mon respect éternel pour avoir eu la chance d'assister à ce match de légende, quelle chance tu as, cela devait être une ambiance de dingue, surréaliste, hors du temps.
Bordel ca doit obligatoirement être gravé dans ta mémoire et certainement les plus fortes émotions qu'un supporter puisse rêver de vivre, veinard !!!!

Moi j'ai eu la chance de vivre PSG-Barça 1995 et PSG-Parme 1996, mes plus beaux souvenirs, tout le monde les uns sur les autres, plus de voix, des larmes de joie...
par danseavecmamie il y a 5 ans
Quelle ambiance de dingues dans les bars de la victoire pour les quatres rencontres contre Milan et le Slavia, je m'en souviendrais toute ma vie, surtout le retour contre le slavia!!!
Et les deux buts refusés, ça hurlait tellement de joie qu'on croyait qu'il y avait 3-0!!!!

De l'insolence et beaucoup de réussite sur le terrain!

Je me rappelle d'Afflelou qui déclarait vouloir tout faire pour garder duga zizou et liza à la fin du match retour contre le bayern.
par Bring back our Planus il y a 5 ans
Merci SoFoot !!

Et puisqu'on est dans les souvenirs d'enfance, j'avais 10 ans en 1996, 10 ans et chaque année un nouveau maillot du... RC Lens ! Parce que mon père est un lensois installé à Bordeaux.

L'épopée européenne, le but de Zidane à Séville (ainsi que sa première sélection spectaculaire en EDF), la victoire contre Milan... c'est tout ça qui m'a fait définitivement devenir un supporter des Girondins.
Les supporters Girondins à l'Olympiastadion de Munich