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Bon bah voilà, bienvenue nouvelle Ligue des champions
Cela devrait être annoncé lundi. À l’issue d’une réunion entre l’UEFA et les membres de l’ECA, la nouvelle mouture de la Ligue des champions a été acceptée et devrait voir le jour dès 2024. Après plusieurs mois de tensions et de négociations, c’est la fin du feuilleton. On est passé près d’une Superligue et on va finalement avoir une méga-compétition. Mais à quoi ressemblera-t-elle précisément ?
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, tout le monde s’attendait à voir apparaître du changement, un nouveau monde basé sur plus d’inclusion, plus de partage et plus de solidarité. Tous les clubs européens ont frôlé la faillite, ont cumulé des pertes colossales chiffrées à plusieurs milliards d’euros, et le discours était alors tourné vers un changement de paradigme, vers une révolution « éclairée » . De notre côté, nous supporters, nous nous imaginions voir débarquer des réformes structurelles, des rééquilibrages sportifs et des ralentissements dans les dépenses fastueuses des clubs. Plus personne ne pouvait imaginer, à l’heure des plans de relance des gouvernements européens et des luttes contre le chômage de masse, voir des joueurs vendus à coups de centaines de millions d’euros. Il fallait que ça cesse.
Mais bon, ce n’était pas vraiment dans l’intention des dirigeants du ballon rond. Ces derniers, qu’il s’agisse des instances ou des clubs, ont plutôt cherché des solutions pour maintenir et pérenniser leurs modèles économiques, les protéger et les renforcer. Rapidement, alors que la rumeur persistait depuis de longues années, le projet de Superligue européenne, compétition fermée et privée, est ressorti, avec l’entrain et l’engagement du Real Madrid, de la Juventus ou de Manchester United. Il fallait trouver une solution pour, de nouveau, gagner de l’argent, et beaucoup d’argent. En face, l’UEFA, inquiète d’une perspective de sédition, a alors ressorti de ses tablettes ses projets de réforme de la C1, notamment un particulier « modèle Suisse » , travaillé en coulisses depuis quelque temps, mais jamais sérieusement envisagé jusqu’ici. Il faut dire que l’instance européenne ne pouvait pas prendre le risque de se séparer de sa compétition ô combien lucrative, lui rapportant plus de 2 milliards d’euros par an. Il fallait la protéger et la sécuriser.
Si les grands clubs perdaient de l’argent et voulaient assurer leurs arrières, plutôt que de les laisser partir en solo dans une Superligue, l’UEFA a donc décidé de leur offrir sur un plateau d’argent la réforme de la Ligue des champions. Plus intense, plus compétitive, plus intéressante et surtout plus lucrative. Et après des mois de négociation, sur les droits commerciaux, les droits financiers, sur la question du partage des richesses et des modalités de participation, on devrait arriver à la conclusion : ce projet va voir le jour à partir de la saison 2024-2025. Le nouveau monde post-Covid sera donc le monde de la croissance et du profit.
Nouvelle Ligue des champions : mode d’emploi
Et à quoi ressemblera cette nouvelle mouture ? On partira sur 36 équipes, et non 32 comme actuellement. La France, actuellement cinquième à l’indice UEFA, pourra ainsi compter sur la participation de trois clubs plus éventuellement un quatrième, issu des tours préliminaires. Comme voulu par le syndicat des ligues, l’European Leagues, tous les participants seront issus des championnats, via le mérite sportif ; sauf pour 2 invités. En effet, il y aura aussi la possibilité de se qualifier en Ligue des champions grâce à l’indice UEFA si, par hasard, un club bien classé aurait échoué en championnat, comme Lyon septième la saison dernière ou Liverpool actuellement sixième de Premier League.
Ensuite, il n’y aura plus, comme aujourd’hui, 8 groupes de 4 en phase de poules, avec 3 matchs allers et 3 matchs retours, mais une poule unique de 36, où chaque club jouera, à chaque fois contre des équipes différentes, 5 matchs à domicile et 5 matchs à l’extérieur. Un système de tête de série permettra d’assurer des rencontres équilibrées et d’assurer des grandes affiches dès le début de la saison. Par exemple, le New-York Times s’est amusé à reproduire un tirage au sort, avec un Bayern Munich adversaire, dès le mois d’octobre, de la Juventus, du Paris Saint-Germain et du Borussia Dortmund.
Le classement se construit sur cette poule et les huit premiers sont qualifiés directement en huitièmes de finale. Quant aux équipes classées de la 9e place à la 24e, elles joueront des play-offs d’accession en janvier, sur match aller-retour : le 9e jouera contre le 24e, le 10e jouera contre le 23e, le 11e jouera contre le 22e, et ainsi de suite… Les gagnants rejoindront les huitièmes et les perdants seront relégués en Ligue Europa. La suite est la même qu’actuellement, avec les huitièmes, des quarts et des demies en aller-retour, puis une finale sur terrain neutre.
Plus de matchs donc plus d’argent
Selon un officiel de l’UEFA interrogé, ce système assurera une égalité des chances entre chaque participant.« Même en perdant ses 4 premiers matchs, il y aura toujours une chance de se qualifier pour la phase finale. Rien n’est perdu et tout le monde aura ses chances d’aller au bout, de créer la surprise.[…]La glorieuse incertitude du football est renforcée ici. » On pourra néanmoins rétorquer que cette « glorieuse incertitude » ne se fera pas dans l’intérêt des joueurs, jamais entendus ni interrogés jusqu’ici. Une équipe victorieuse, alors qu’elle joue aujourd’hui 13 matchs, pourra, au maximum, en jouer 19, en passant par les play-offs. Mais bon, qui dit plus de matchs et plus de participants, dit plus de visibilité, plus de diffusion, donc plus de droits TV et plus de partenariats commerciaux, plus d’argent en gros. Bienvenue dans le nouveau monde…
Par Pierre Rondeau