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Boavista ou le bilan mitigé du fanion portugais de Gérard Lopez

Par Amaury Goncalves
10 minutes
Boavista ou le bilan mitigé du fanion portugais de Gérard Lopez

À Bordeaux, l’été a failli tourner à la catastrophe pour les supporters girondins avec un club proche du dépôt de bilan. Beaucoup ont, à tort ou à raison, fustigé Gérard Lopez à ce sujet. À Porto, où l’homme d’affaires est devenu il y a deux ans actionnaire majoritaire de Boavista, le son de cloche est tout autre, nombre de supporters axadrezados le voyant comme une figure salvatrice.

Gérard Lopez et le football portugais, c’est une histoire d’amour presque aussi captivante que son histoire avec le football français. Et pas moins crantée de hauts, mais surtout de bas. En 2016, tandis que l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois entre en négociations pour reprendre le LOSC, ses yeux sont déjà rivés sur l’ouest de la péninsule ibérique. Il entreprend le rachat de Gil Vicente, alors pensionnaire de deuxième division, mais aucune suite n’est donnée à son offre. Quelques années plus tard, après s’être ancré à Lille, Lopez se rapproche de la B-SAD. En 2019, de nombreux liens sont tissés entre les Dogues et le club lisboète qui reçoit notamment Hervé Koffi en prêt. Or, très vite, des tensions apparaissent entre les deux directions, et le dévolu de Lopez se rabat sur Boavista au début de l’été 2020. Cet intérêt se formalise en octobre de la même année où le rachat de 50,78% des parts de la société anonyme sportive du club est officialisé. Dans la foulée, le club de Porto se signale par des prêts de haut rang en provenance du LOSC (Leo Jardim et Angel Gomes, entre autres) et des recrutements ambitieux (Javi García, Adil Rami, Alberth Elis, Reggie Cannon…). Dès lors, certains supporters du BFC fantasment le retour à la gloire des années 2000 (Boavista est sacré champion du Portugal en 2001, NDLR). Un rêve de courte durée.

Un bilan sportif miraculé, enfin stabilisé ?

À peine le rachat de la majorité des parts acté, Gérard Lopez et Vítor Murta, président de Boavista, annoncent la couleur avec un mercato XXL à l’été 2020. Dix-neuf joueurs rejoignent le club. Surtout, les Axadrezados, littéralement les « à carreaux », dépensent plus de 4 millions d’euros pour un mercato alors que les dépenses du club pour un mercato n’avaient plus dépassé le million d’euros depuis l’été 2006. Pour piloter ce nouveau projet, le club désigne Vasco Seabra. Le technicien de 34 ans n’a cependant pas le temps de préparer la saison avec son groupe, puisque le BFC n’enregistre la majeure partie de ses recrues qu’à la fin du mois d’août. Malgré l’enchaînement des défaites et matchs nuls, l’équipe fait vite émerger quelques lueurs d’espoir dans le cœur des supporters. En point d’orgue, une victoire 3-0 à la maison contre Benfica pour le compte de la 6e journée. Trois journées plus tard, après des résultats décevants contre des concurrents au maintien, Vasco Seabra est évincé du club. Une décision trop précoce pour un entraîneur avec à peine trois mois pour créer un collectif parti de zéro. Cas symptomatique du football portugais, cette décision hâtive est suivie d’une autre tout aussi prévisible : la nomination d’un entraîneur très expérimenté et plutôt dogmatique. Ce technicien vétéran, c’est Jesualdo Ferreira.

Malgré ses 40 années d’expérience avec des passages dans tous les plus grands clubs portugais, Ferreira et son Boavista montrent un visage bien pâle. Chaque journée est une bataille pour le maintien. Pendant ce temps, Gérard Lopez et Vítor Murta font une déclaration conjointe à l’agence Lusa dans laquelle ils demandent une « union » du club, tout en promettant de forts investissements pour l’été 2021. Finalement, Boavista se sauve in extremis de la relégation lors de la toute dernière journée. De quoi faire fondre Adil Rami en larmes et exploser de joie les supporters de Boavista dans les rues de Porto. À peine le temps de souffler pour les Axadrezados que quelques jours plus tard, Jesualdo Ferreira est remplacé par un nouvel entraîneur : João Pedro Sousa, fort de son passage à Famalicão. Là encore, la mayonnaise ne prend pas malgré le talent de joueurs comme Yanis Hamache, Gustavo Sauer ou Petar Musa, et surtout un investissement estival de près de 8,5 millions d’euros. Une fortune pour un tel club. Après 9 matchs sans victoire entre août et novembre, JPS est lui aussi évincé, et les Panteras recrutent un quatrième entraîneur en à peine un an et demi. Il s’appelle Petit, est fort d’un bon passage à la B-SAD et de principes de jeu solides. Il permet enfin au club de se stabiliser et termine la saison 2021-2022 à la 12e place, à 10 points de la zone rouge. À l’aube de cette nouvelle saison, les garanties sportives apportées par le technicien né à Strasbourg et son collectif sont bien meilleures qu’il y a deux ans. Toutefois, les aspects économiques voire judiciaires restent tout aussi troubles.

Je ne peux pas cacher le fait que nous continuions à avoir de grandes difficultés économiques, mais sans Gérard Lopez comme investisseur, il serait très difficile pour Boavista de ne pas fermer ses portes.

À Porto ou ailleurs, un club de Lopez dans la tempête financière

À Bordeaux comme à Porto, on vend du vin et des rêves. Surtout dans le football. Mais ces derniers ne sont pas toujours faciles à concrétiser, d’autant plus lorsque le club est touché par de profondes difficultés financières, allant parfois jusqu’au tribunal. Ces problèmes financiers étaient présents bien avant l’arrivée de Gérard Lopez, avec les Girondins comme avec les Boavisteiros. Le BFC croule sous de très nombreuses dettes que le club est difficilement en mesure de payer depuis le début des années 2000 et qui grandissent année après année. À cela s’ajoutent notamment les coûts de manutention de l’Estádio do Bessa, inauguré en décembre 2003 pour l’Euro 2004. Dans un long entretien accordé à l’agence Lusa en juillet dernier, le président Vítor Murta déplorait à ce sujet le fait que Boavista « ne bénéficie pas d’un stade municipal comme d’autres clubs ». Dix-huit ans après l’Euro 2004, Boavista paie toujours le prix fort de son organisation au Portugal, qui a touché de nombreux clubs nationaux.

Au sein de ce marasme économique, l’investissement de Gérard Lopez dans le club en 2020 a été vu comme salvateur. Lors de sa réélection en janvier 2022, Vítor Murta était d’ailleurs le premier à souligner le rôle de Gérard Lopez dans le club : « Quand il est arrivé ici, il y avait une dette de 55 millions d’euros due à Somague (société en charge de la construction du Bessa en 2003, NDLR) et une requête d’insolvabilité du club. La dette a depuis été renégociée à 19 millions d’euros. Je ne peux pas cacher le fait que nous continuions à avoir de grandes difficultés économiques, mais sans Gérard Lopez comme investisseur, il serait très difficile pour Boavista de ne pas fermer ses portes. » Plus tard, le président boavisteiro avouera même que sans Gérard Lopez et ses garanties financières, il serait difficile pour le BFC d’assurer son inscription en Liga Bwin. En octobre 2021, l’actionnaire majoritaire de Boavista disait déjà avoir investi près de 15 millions d’euros. Bien que ces garanties permettent au club de toujours figurer parmi l’élite portugaise et de réaliser de jolis mercatos, Boavista est fréquemment secoué par des remous judiciaires.

Dans l’œil de la tempête et dans celui de la FIFA

Boavista était donc déjà loin d’avoir une situation économique saine à l’entrée de Gérard Lopez dans l’actionnariat de sa SAD. Si celle-ci s’est améliorée, selon les dires du président Murta, elle n’en a pas moins été touchée par quelques scandales marquant grandement l’aspect sportif. Parmi eux, il y a d’abord des indemnités de transfert jamais payées à certains clubs. À l’été 2021, il faut par exemple attendre le 9 août pour que le club puisse inscrire de nouveaux joueurs en Liga Bwin. Pour cause, un défaut de paiement au Houston Dynamo pour le transfert d’Alberth Elis. En janvier 2022 aussi, le club est visé par une interdiction de recrutement par la FIFA à cause d’un défaut de paiement au Vasco de Gama pour l’achat de Nathan Santos. À l’été 2022, autre interdiction de recrutement prononcée par la FIFA. Cette fois, c’est l’accord de résiliation à l’amiable entre Adil Rami et Boavista, en juillet 2021, qui est visé. Celui-ci prévoyait une compensation financière de 200 000 euros. Une somme que le joueur n’a jamais reçu avant de saisir la FIFA. Gérard Lopez s’était défendu de ce cas il y a quelques semaines lors d’un long entretien sur RMC : « Ce n’est pas un conflit avec moi, je ne fais pas partie de la direction. Il y a une grande différence entre être propriétaire et le fait de prendre les décisions. Pourquoi Boavista ne l’a pas payé ? Il faut leur demander. » Cette situation affecte directement l’aspect sportif, puisque depuis deux saisons, il a fallu attendre la fin du mois d’août pour inscrire les nouvelles recrues en championnat. De quoi avoir un groupe restreint lors des premières journées.

Il y a une grande différence entre être propriétaire et le fait de prendre les décisions.

À ces indemnités de transfert et compensations financières non payées s’ajoutent des retards de salaires récurrents. Une situation dont a été victime le gardien iranien Alireza Beiranvand, prêté à Boavista par Antwerp la saison dernière, et dont il s’était plaint en octobre. « Ils ne m’ont toujours pas payé et me doivent encore de l’argent, c’est pour ça que j’ai quitté le club, témoigne-t-il. Ils n’ont pas payé mon agent non plus. Je les ai poursuivis en justice et c’est finalement la FIFA qui va me donner ce que me doit Boavista. » Là encore, impossible d’incriminer directement Gérard Lopez d’une telle situation. Contrairement à Vítor Murta. « Je ne sais pas qui était responsable de cette situation, ajoute Alireza Beiranvand, mais je sais que d’autres joueurs, comme Petar Musa (aujourd’hui à Benfica, NDLR), étaient dans la même que moi. Ce que je sais aussi, c’est que Vítor Murta m’a menti à plusieurs reprises. » Comme il l’affirme, le gardien iranien est loin d’être un cas isolé. En mai 2022, la Liga Portugal annonce que cinq clubs de D1 et D2 ont manqué le contrôle salarial du mois. Parmi eux, un seul club de Liga Bwin : Boavista. Et ce, même si le club a tout de suite démenti, affirmant qu’il ne s’agissait que de formalités administratives prenant quelques jours de plus qu’à la normale. Cette situation résonne toutefois assez particulièrement lorsqu’on la met en parallèle avec le cas de Mouscron, autre club anciennement détenu par Gérard Lopez, où certains salaires n’ont jamais été versés par le club.

Pour les supporters, Gérard Lopez se tient à carreaux

Malgré les quelques signaux d’alarme autour de la gestion du club, les supporters axadrezados se montrent rationnels sur une direction qui ne peut résoudre en deux ans des problèmes ayant germé au club il y a vingt ans. Sóciode Boavista, Bruno Guedes faisait partie des 300 Boavisteiros à voter l’accord pour la vente des parts du club à Gérard Lopez en 2020 : « À ce moment-là, il était crucial pour le futur du club que ce rachat ait lieu. Sans cela et avec le passif du club, Boavista n’aurait pas eu de grandes chances de se maintenir en professionnel. » Au-delà du rachat en lui-même, c’est aussi le rachat des Girondins de Bordeaux que beaucoup de supporters du BFC ont d’abord craint, de peur que leur club ne devienne qu’un satellite. Pour Bruno Guedes, les transferts d’une écurie à l’autre de joueurs comme Alberth Elis ou Ricardo Mangas relèvent d’un « processus normal. S’ils n’avaient pas été transférés à Bordeaux, ils l’auraient été ailleurs, ajoute-t-il. Dans les deux cas, ça offre de nouvelles liquidités au club. » Des liquidités essentielles pour remettre le club sur la voie de la prospérité après des années de galère. Quant aux galères connues depuis 2020, dont fait partie la relégation évitée de justesse, Bruno Guedes met Gérard Lopez hors de cause : « Je pense que l’intervention de Gérard Lopez à Boavista est essentiellement financière. Lors de la première saison où beaucoup d’erreurs ont été commises, la faute ne revenait qu’à Admar Lopes et sa mauvaise gestion. » Admar Lopes avait finalement quitté la direction de Boavista en juillet 2021 pour devenir le directeur sportif des Girondins. Après avoir esquivé la relégation de peu au Portugal en 2021, le bras droit de Gérard Lopez est au moins allé au fond des choses avec le club français en 2022.

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