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Bleus : le bout du tunnel
En s'imposant en Bosnie (0-1), l'équipe de France a bouclé une semaine aussi chiante que satisfaisante en matière de résultats. Après quasiment trois ans à disputer des matchs sans grand intérêt, les Bleus voient le bout du tunnel et peuvent apercevoir, si tout va bien, l'Euro qui se profile. L'heure de vérité, la seule qui compte, arrive à grands pas. Enfin.
La semaine n’aura finalement pas été si mauvaise pour l’équipe de France. Les retrouvailles avec les champions du monde avaient commencé par un match nul inquiétant à la maison contre l’Ukraine (1-1), la réunion de famille s’est finalement terminée par un succès à la française en Bosnie (0-1). Entre les deux, il y a eu un autre déplacement victorieux, à l’autre bout du monde, au Kazakhstan (0-2), avec une rencontre qui a ressemblé aux autres. 270 minutes et des brouettes pour beaucoup d’ennui, peu de spectacle, mais avec au bout le sentiment que les Bleus ont fait le job. Didier Deschamps a répété ce qui le caractérise depuis toujours, ce mercredi soir à Sarajevo : « L’essentiel est ce résultat. » Quatre mots pour un credo. « Cette victoire en Bosnie est particulièrement importante, a insisté DD en conférence de presse après la partie. En trois matchs, on fait sept points. Les autres résultats de notre groupe sont également favorables. On ferme cette parenthèse des éliminatoires. Le mois de septembre sera de nouveau bien chargé. » Cette fois, la France voit le bout d’un tunnel qui dure depuis presque trois ans. Un tunnel de matchs sans trop d’intérêt — n’en donnons pas trop à la Ligue des nations —, et sans grands frissons. Ces Bleus-là sont faits pour les grandes compétitions, les grands moments, et il est impossible de tirer des conclusions ou de sonner l’alarme inutilement. L’heure de vérité, la seule qui compte, arrive à grands pas. L’Euro, c’est dans moins de trois mois.
Les Bleus, superstars et super réservoir
Qu’avons-nous appris, finalement, de ce triptyque du mois de mars ? Une chose simple, d’abord, qui est que les Bleus peuvent déjà se dire qu’ils iront défendre leur titre au Qatar fin 2022, tant ils sont favoris de cette poule D très abordable. Autre chose : l’image des champions du monde reste excellente en dehors des frontières de l’Hexagone. Cette équipe composée de stars en tout genre (Mbappé, Griezmann, Pogba, Varane, etc.) est aussi crainte qu’elle n’est admirée. Au Kazakhstan, Deschamps s’est même retrouvé à se prêter au jeu des selfies avec les journalistes locaux, ravis d’avoir l’opportunité de croiser l’une des figures historiques du football français. Il y a eu des mots, aussi, de la part de chaque sélectionneur adverse. Comme ceux d’Elvir Rahimić, le technicien bosnien, au coup de sifflet final mercredi soir : « On peut dire que c’était quand même un bon match. On perd, mais nous savons contre qui. On s’incline face à la meilleure équipe du monde. » Un statut pas vraiment volé qui se traduit également dans des comportements et des approches tactiques : la France fait peur, donc se frotte de plus en plus à des blocs bas et des sélections effrayées par la force de frappe offensive de cette équipe. En novembre, le Portugal avait presque semblé faire un complexe d’infériorité face au monstre tricolore. Les retrouvailles avec la Selecção le 23 juin, pour le dernier match de la phase de poules à l’Euro, seront probablement encore un meilleur indicateur pour savoir ce qu’a vraiment la France dans le bide.
Didier Deschamps, lui, aura au moins pu profiter de l’enchaînement des matchs combiné aux longs déplacements pour faire une large revue d’effectif. Parmi les vingt-six joueurs convoqués par le taulier, Ferland Mendy et les trois gardiens remplaçants sont les seuls à ne pas avoir eu droit à un peu de temps de jeu. Les gagnants s’appellent peut-être Thomas Lemar, Adrien Rabiot, Kingsley Coman et Ousmane Dembélé, curieusement resté sur le banc tout du long en Bosnie. Les cadres, eux, ont rappelé, à l’instar de Griezmann et Lloris, pourquoi ils étaient indispensables à cette équipe de France. À l’exception d’un ou deux postes où le casse-tête peut exister, Deschamps ne devrait pas avoir trop de mal à dormir dans les semaines précédant sa liste du mois de mai. Surtout si, comme réclamé par plusieurs acteurs, l’UEFA autorise des groupes exceptionnellement élargis. « Ce serait une bonne chose avec les conditions sanitaires actuelles, a confirmé DD. Là, on a fait cinq tests durant ce rassemblement. Personne n’a été positif. C’est une bonne chose. Mais s’il y a vraiment une possibilité d’être plus nombreux à l’Euro, ce sera une bonne évolution. » La preuve, même s’il n’aime pas le dire trop fort, que cette échéance est déjà dans sa tête.
Vivons Euro, vivons cachés
Dans la tête de Didier Deschamps, il y a sûrement aussi un peu de bouillonnement. Si son équipe de France resplendit à l’international, elle peine à séduire tout le monde au niveau national. En question, le jeu proposé par les ouailles de la Dèche et cette faculté à livrer des prestations chiantes aussi facilement. Des critiques qui arrivent jusqu’aux oreilles du sélectionneur, qui a parfois montré quelques signes d’agacement en conférence de presse. « Le plus important, c’est qu’on a obtenu le résultat qu’on voulait. Après dans le contenu, évidemment qu’on peut mieux faire, a-t-il martelé mercredi soir dans les coursives du stade de Sarajevo. C’est compliqué pour tout le monde. Regardez le Kazakhstan, qui est pour vous une équipe de baltringues, ils arrivent à faire match nul en Ukraine. C’est qu’ils ne sont pas si baltringues que ça quand même, hein ! Et l’équipe bosnienne ce soir, ce n’est pas la même que j’ai vue contre la Finlande non plus. On a le droit à ça à chaque fois. » Peut-on lui donner tort ? L’Allemagne, futur adversaire des Bleus à l’Euro, s’est fait manger par la Macédoine du Nord, la Belgique a patiné contre la Tchéquie, la Géorgie a enquiquiné l’Espagne, etc. Puis, qui se souvient réellement, à quelques exceptions près, avoir pris son pied comme jamais lors d’un match de l’équipe de France entre deux compétitions ? Ce constat des matchs chiants entre deux grands rendez-vous en Ligue des champions et deux week-ends de Ligue 1 existe depuis suffisamment longtemps pour que Didier Deschamps n’en soit pas le seul instigateur.
Maintenant, oui, les Bleus savent embêter leurs amoureux comme leurs adversaires. Deux ans et demi après le sacre en Russie, rien ou presque ne devrait changer à l’Euro. Le sélectionneur s’appuiera sur une base importante de champions du monde, espérant éviter les pépins et aussi retrouver un Kylian Mbappé insouciant et explosif, ce qu’il n’aura pas du tout été sur ces trois matchs, pour repartir en mission commando avec un groupe fiable. Après la foire aux systèmes de l’automne, DD a également profité de ce dernier rassemblement pour renouer avec son schéma préféré, soit le 4-2-3-1 ou le fameux 4-4-2 asymétrique, où le point d’interrogation concernera le poste d’ailier gauche de Matuidi, qui pourrait logiquement revenir à Rabiot (Lemar, Dembélé ou Coman peuvent aussi postuler). Même le poste d’attaquant de pointe, où Mbappé n’est pas à son aise, à l’image de sa copie rendue en Bosnie, devrait revenir à l’indéboulonnable Olivier Giroud. Un air de déjà-vu qui n’empêchera pas les Bleus de travailler sur leurs défauts. Cette semaine, ils ont notamment affiché des manques flagrants dans l’animation offensive, caractérisés par des mouvements insuffisants et un déchet technique indigne d’une équipe de ce statut. Après la victoire en Bosnie, Rabiot n’a pas hésité à dire qu’ils pouvaient « faire plus avec le potentiel qu'(ils ont) », pendant que Lloris admettait que la France avait « mal joué, mais gagné avec l’état d’esprit ». Antoine Griezmann, leader émérite, a tenu un discours similaire et prononcé une phrase simple qui résume tout : « Il y aura des moments, comme aujourd’hui, où ça ne sera pas un beau jeu, mais le plus important, c’est de prendre trois points. » Ou de finir avec un trophée dans les mains.
Par Clément Gavard