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Bleus : Génération blasée
Pour la quatrième fois en 24 ans, les Bleus disputeront une finale de Coupe du monde. Une performance immense, mais qui a perdu son côté exceptionnel.
L’équipe de France avait dû attendre 94 ans, 2 mois, 11 jours entre son premier match le 1er mai 1904 face à la Belgique (3-3) et le 12 juillet 1998, face au Brésil (0-3), pour disputer sa première finale de Coupe du monde. Vingt-quatre ans après le dépucelage de Saint-Denis, les Bleus vont disputer la quatrième finale de leur histoire et tenter de soulever le plus beau des trophées une troisième fois. En une génération, le football français a pris un virage important dans son rapport au succès, et son poids dans l’histoire du football mondial ne fait que s’alourdir. En fait, pour toutes les personnes nées après 1990, les Tricolores sont une valeur sûre du foot, malgré quelques déboires notables. Eux ont vécu la Coupe du monde 2002, l’Euro 2008, et surtout Knysna, lors du Mondial 2010, dernier creux d’une vague colossale. Que dire de ceux nés aux alentours de l’Euro 2004, pour qui le plus gros traumatisme est probablement la finale perdue face au Portugal en 2016 ?
Mieux que tout le monde
Depuis un peu plus de 20 ans, les Bleus ont disputé six finales sur treize possibles dans les deux plus grandes compétitions. Soit près de la moitié. Aucune nation européenne ne rivalise avec ce bilan. Pas même l’Italie (quatre finales, dont trois Euros), l’Allemagne (trois finales) ou l’Espagne (trois finales). Un bilan pharamineux. Presque trop pour continuer à le savourer à sa juste valeur. Le contexte de ce Mondial au Qatar et les températures de décembre n’ont peut-être pas poussé la population à se précipiter dans les rues. Toutefois, les images des Champs-Élysées ce mercredi, bondés sur les trottoirs, mais avec la circulation ouverte sur la chaussée, montrent une certaine baisse de ferveur. Il y a quatre ans et demi, certes en plein été, la victoire face à la Belgique avait poussé des milliers de personnes sur les Champs, où les voitures étaient interdites.
Une équipe habituée
Si on peut laisser le bénéfice du doute dû à la douceur de cette fin d’automne, cette habitude d’aller loin dans les grandes compétitions est indéniable. En étant aussi performant, aussi longtemps, on en viendrait à banaliser l’exceptionnel. N’oublions pas toute la difficulté d’atteindre ne serait-ce qu’une finale de Coupe du monde. Les Brésiliens ne le savent que trop bien : après trois finales consécutives (1994, 1998, 2002), les Auriverdes devront encore attendre au moins 24 ans avant d’avoir le privilège de se hisser à nouveau à ce niveau. Et pourtant, on parle de la Seleção.
Cette habitude, qui fait qu’on savoure naturellement un peu moins, est aussi à l’image du groupe de Didier Deschamps. « Je pleurais après la Belgique, là je suis plus concentré et j’ai les pieds sur terre pour préparer le match de dimanche », confiait Antoine Griezmann après la victoire face au Maroc (2-0). « On a conscience qu’on réalise quelque chose de grand, mais on est toujours focalisés sur le prochain objectif. On prendra le temps de regarder tout ça plus tard », expliquait Raphaël Varane en conférence de presse avant la demie. Bref, un peuple qui commence à être habitué à ces grandes échéances, représenté par une équipe qui aborde une finale de Coupe du monde comme si c’était normal. Et si c’était ça, être un pays de foot ?
Par Léo Tourbe