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Benoît Letapissier : « Pour que Soyaux garde le cap, nous avons besoin de l’argent promis par la FFF »
Avec l'acquisition de la Ligue 1 par Mediapro, le collège de la Ligue 1 a décidé de verser 6 millions d’euros aux clubs de D1 Arkéma pour soutenir le football féminin. Les équipes rattachées à un club professionnel ont touché 508 000 euros, alors que les clubs amateurs (Issy, Fleury et Soyaux) se sont contentés de 175 000 euros. Les présidents de ces trois clubs, dont Benoît Letapissier (Soyaux), sont montés au créneau pour dénoncer cette inégalité dont ils sont victimes. Alors que la FFF leur a promis une aide conséquente, ces derniers n'ont reçu qu'une partie du premier versement prévu, et n'ont plus de nouvelles malgré les nombreux appels du pied de Benoît Letapissier, qui se voit menacé d'une relégation administrative par la DNCG.
Comment s’organisent la répartition des droits TV pour la D1 Arkema ?Canal +, le détenteur des droits, doit normalement verser directement aux clubs ce qui leur revient. Mais ils ont décidé de le verser à la FFF qui se charge de répartir la somme entre les clubs. Habituellement, la Fédération nous verse une aide Arkema de 90 000 euros en plus d’un budget « licence club » , qui est calculé pour chaque club en fonction du nombre de licenciées, de la possibilité d’avoir une équipe réserve et U19 Nationaux.
Les 12 clubs de D1 ont-ils touché la même somme ?Au départ, seules les équipes rattachées à un club professionnel pouvaient toucher quelque chose. Les trois autres clubs (Issy, Fleury et Soyaux, NDLR) ont été mis de côté. On est retourné voir la FFF en leur disant que ce n’était pas normal qu’il y ait une telle disparité. Pour compenser cette inégalité, nous avons reçu cette lettre de Noël Le Graët qui nous a confirmé que nous allions toucher une compensation.
Comment se répartissent les indemnités ?Nous ne sommes pas rattachés à un club professionnel comme Lyon, Paris ou Bordeaux qui, eux, touchent une somme plus importante. Cette saison, Noël Le Graët nous a promis une enveloppe bonus autour de 540 000 euros. Il ne restait plus qu’à savoir le calendrier des versements, que nous n’avons jamais reçu. Nous avons envoyé une lettre recommandée à Noël Le Graët et des mails pour avoir plus d’informations. Finalement, c’est toujours le silence radio.
Concrètement, quelle somme vous a été versée par la Fédération ?Sur les 540 000 euros promis, nous avons reçu seulement 230 000 euros. La Fédération nous a confirmé que le prochain paiement s’effectuera en avril, mais on ne connaît pas le montant, ni même si les engagements seront respectés.
La FFF a donc proposé son aide uniquement pour les équipes qui ne sont pas rattachées à un club professionnel ?Leur objectif est d’avoir le moins de disparités possibles. Pour être honnête, on ne sait pas du tout ce qu’il se passe. Nous sommes complètement perdus. Quand les équipes sont rattachées à des clubs professionnels, on ne connaît pas la somme investie dans la section féminine. C’est pour cela que nous nous sentons à l’écart, car les grands clubs ont des moyens conséquents. La situation est d’autant plus critique pour Soyaux, car nous n’avons pas de garçons.
Le club est surveillé de très près par la DNCG. Si la FFF ne vous verse pas la somme promise, le club est-il menacé d’une relégation administrative ?Ce ne sont pas les termes à employer. La DNCG nous a dit que si nous ne respectons pas les données financières communiquées, nous pouvons être menacés d’une descente administrative en D2.
Comment en êtes-vous arrivé là ?Lorsque nous avons transmis nos comptes à la DNCG, nous avons inclus les 540 000 euros promis par Noël Le Graët. Mais comme nous n’avons pas perçu la somme intégrale, ils nous surveillent de très très près.
Quelle est actuellement la situation financière de Soyaux ?Elle n’est pas critique, mais si on avait su ce qui allait se passer, on aurait tablé sur un budget un peu moins conséquent. Pour le moment, il n’y a pas de souci pour verser les salaires. En tant que président, c’est à moi à me débrouiller pour sortir du bourbier.
La DNCG doit pourtant avoir des contacts fréquents avec la FFF…On nous rabâche que Noël Le Graët va tenir ses engagements envers le foot féminin jusqu’au dernier centime. Le problème, c’est qu’on ne sait pas de quel engagement il parle. Que doit-on faire ensuite ?
Avec cette enveloppe promise par la FFF, aviez-vous des projets ?On avait un projet de centre de formation et on espérait recruter des joueuses avec un peu plus d’expérience pour jouer le haut de tableau. Le championnat commence à accueillir de très bonnes joueuses et se développe rapidement. Nous avions pour objectif de recruter des internationales pour gonfler notre effectif et stabiliser le club pour ramener les partenaires.
Pour un club comme Soyaux, est-ce difficile d’attirer des sponsors par rapport aux grosses écuries du championnat ?Les gros clubs ont déjà leur carnet d’adresse. Soyaux est le club féminin par excellence, nous sommes le plus ancien pensionnaire de D1. Pour garder le cap, nous avons besoin de cet argent.
En tant que président d’un petit club, vous sentez-vous berné par la FFF ?Il y a un manque de respect total. On envoie des lettres et des mails pour demander des réponses, car nous sommes complètement perdus. Tout ce qu’on entend, c’est la DNCG qui nous rappelle qu’elle nous a à l’œil et que nous devons respecter nos engagements. Mais c’est leur patron qui ne respecte rien !
En tant que club indépendant, est-ce difficile pour vous de voir toujours les mêmes clubs recevoir des fleurs ?Tout le monde nous dit : « Il faut que Soyaux reste en D1, on est tous derrière vous et on veut vous aider. » La réponse est simple : il faut nous considérer comme les autres clubs. Quand je disais qu’il nous manquait 290 000 euros, que représente cette somme pour la FFF ? Noël Le Graët a même affirmé qu’il n’avait même pas besoin de faire de crédit, qu’il avait suffisamment de réserve pour satisfaire tout le monde.
Toute cette histoire donne-t-elle une mauvaise image de la D1 Arkema ?Cela montre que peu de personnes s’intéressent au foot féminin. On se plie en quatre pour les hommes, mais pour les filles, ce n’est pas grave ! Que nous soyons là ou pas, on a l’impression que cela ne change pas grand-chose.
Quelle est la prochaine bataille dans cette guerre sans fin ?Nous allons envoyer une lettre aux trois candidats à la présidence de la FFF pour savoir exactement leurs intentions envers le foot féminin. Nous verrons bien ce qu’il adviendra.
Propos recueillis par Analie Simon