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Barry Hulshoff, défenseur mythique de l’Ajax, est décédé
L’immense stoppeur de l’Ajax des années 1970 a rejoint au ciel ses anciens potes ajacides Cruyff, Keizer et Gerrie Mühren. Il avait 73 ans. Hommage à l’un des plus grands centraux de l’histoire du foot...
D’une moue grimaçante, Barry se remémorait ses souvenirs de l’âge d’or du grand Ajax des seventies: « Les autres écoutaient de la pop, genre les Beatles. Moi, j’écoutais du hard ! » Golgoth aux épaules de paquebot, chevelure hirsute, épaisse barbe noire de flibustier, mâchoire de squale, il avait tout du cinquième Led Zeppelin, comme George Best était le cinquième Beatles. Dans le genre John Bonham (dit « Bonzo » ), bien sûr, l’enclumeur derrière ses fûts qui posait les beats surpuissants derrière la diva Robert Plant et le virtuose Jimmy Page. Barry Hulshoff, lui, tenait la baraque derrière les artistes Cruyff, Keizer et Mühren… Numéro 13 sur le dos pour signer votre malheur, maillot sorti du short, chaussettes baissées sans protège-tibias, il s’était créé un profil de killeren personnifiant le côté docker castagneur du grand Ajax. Avec Arie Haan, Ruud Krol ou Neeskens, il symbolisait la face brute de l’équipe de légende trop souvent caricaturée comme club « romantique » . Tout faux ! Si Rinus Michels, coach de l’Ajax 1965-1971, raffolait des techniciens talentueux, il avait d’abord bâti son Football Total sur une base défensive sans faille. Déçu par son capitaine Frits Soetekouw qu’il vira du jour au lendemain, Michels planta à la place un roc de 21 ans vers 1966 au milieu de sa défense à quatre, le stoppeur Barry Hulshoff, antithèse du défenseur à l’ancienne qui balance devant et casse derrière. Il blinda sa charnière en lui adjoignant le grand libéro yougoslave Velibor Vasović, et c’était parti pour la gloire ! Hulshoff assura la continuité à son poste jusqu’aux années 1970, faisant ensuite la paire avec le génial libéro allemand Horst Blankenburg.
Taille XXL et QI football élevé
Si Rinus Michels avait misé sur Barry, c’est qu’il respirait l’Ajax, ayant été formé dans les équipes de jeunes sous la direction de l’éducateur Jany van der Veen. L’adolescent avait été très tôt subjugué par Johan Cruyff et il s’était soumis dès le départ à son leadership évident : « Johan était le plus petit et déjà le meilleur de l’équipe. Il était déjà très directif. Dans le style : « Toi, tu aurais dû te positionner là-bas ! » Ou alors :« Moi, je viens par ici, donc toi, tu dois te déplacer là ! » Johan s’occupait déjà énormément de l’organisation du jeu et des joueurs. Et nous, ses coéquipiers, on acceptait ça. On lui disait : « Bien sûr, Johan. » » Forte personnalité, Barry encaissait mieux que d’autres les engueulades homériques et l’humour cruel de Michels. Mais s’il dura aussi longtemps à l’Ajax (1966-1977), à la façon de Sergio Ramos au Real, c’est qu’il possédait un vrai QI football. Malgré un physique trop balaise et une technique loin de l’esthétisme de ses coéquipiers, il nourrissait la réflexion collective au sein du groupe : « Nous discutions tout le temps de l’espace. Tout ça pour organiser l’espace et trouver des solutions. C’était comme une architecture sur le terrain. » Droitier à la frappe surpuissante (il tirait des coups francs directs), il excellait aussi du gauche, capable de longues relances d’ambidextre moderne. Après le départ de Vasovic, c’est souvent lui qui actionnait le « off-side trap » (piège du hors-jeu) en lançant le signal de remontée de bloc redoutable qui grillait les attaquants adverses. Dernier rempart et premier relanceur, il se muait alternativement avec Blankenburg en milieu box to box. Pion essentiel du pressing ajacide, il chassait un peu partout et, à la récupération, montait en première ligne pour apporter du poids et du surnombre. Acteur du Football Total, il pouvait aussi se muer en ailier gauche ou parfois en attaquant axial. À l’époque du marquage individuel, son côté électron libre typiquement ajacide bouleversait les blocs adverses déjà fort occupés à neutraliser Cruyff, Keizer, Rep et consorts… Très bon dans le duel et le jeu aérien, défendant debout ou par le tacle, vicelard et roublard, il marquait peu, mais utile, tels son coup franc direct contre le Celtic en 1971 ou son but contre le Real Madrid en demies de C1 1973 (2-1).
Père spirituel de Matthijs de Ligt…
Avec l’Ajax, il se tailla un palmarès XXL (7 fois champion des Pays-Bas, trois C1 1971, 1972 et 1973, l’Intercontinentale 1972 et la Supercoupe d’Europe 1972 et 1973), mais avec les Oranje, il connut l’infortune de se blesser juste avant la Coupe du monde 1974 et dut déclarer forfait. Voilà pourquoi il n’a pas connu la postérité mythique de tous ses coéquipiers ajacides qui ont brillé au Mondial allemand. Un an plus tôt, il avait été au cœur de la crise estivale qui avait destitué Cruyff du titre de capitaine lors du fameux vote à bulletin secret. Troisième candidat au capitanat avec Keyser et Cruyff, il recueillit zéro voix…, mais vota pour Keyser, finalement élu ! « Sur le terrain, il n’y avait aucun problème avec Johan, déclara-t-il. Mais en dehors du terrain, pour négocier avec les dirigeants, Keizer était plus qualifié, il pensait plus au groupe, au collectif. Johan a toujours dit : « Vous n’avez pas voté pour moi parce que vous ne m’aimiez pas. » Mais ça n’avait rien à voir. J’ai pensé qu’il avait besoin du capitanat pour s’exposer encore plus comme LA star de l’Ajax aux yeux du monde. Mais il était déjà une superstar ! » Barry raccrocha en 1979, devint brièvement co-entraîneur de l’Ajax (par intérim) en 1988-1989 avant de coacher une flopée de clubs belges. Dans la grande tradition ajacide de la transmission de l’excellence, Barry Hulshoff devint aussi le père spirituel (et un temps l’agent) de Matthijs de Ligt… Ce dernier lui a rendu hommage sur Instagram : « Barry, je suis incroyablement reconnaissant de vous avoir connu. Vous m’avez toujours aidé en tant que mentor, agent, mais surtout en tant que meilleur ami. Les jours et les heures pendant lesquels nous pouvions parler et rire du football ensemble resteront toujours avec moi. Vous êtes et restez ma plus grande inspiration. Tu vas me manquer Bar ! » Hulshoff, De Ligt, l’Ajax : The song remains the same…
Par Chérif Ghemmour