Azpilicueta, une année en or ?

C’était un 30 juin 1996, et personne en France ne s’en souvient. Du moins, personne ne souhaite s’en souvenir. Dans cette finale entre l’Allemagne et la Tchéquie, les Français sont encore abattus par le triste sort réservé aux Bleus en demi-finales de l’Euro anglais. L’équipe d’Aimé Jacquet a vu son parcours stoppé net à cause du tir au but manqué de Reynald Pedros et du bourreau Miroslav Kadlec, venu couper la tête du coq d’un coup de grâce dans un match âpre et fermé (0-0, 6-5 tab). Un scénario douloureux qui n’empêche pas les Tchèques de célébrer leur qualification en finale comme il se doit, puis de se préparer à la revanche de la finale de l’Euro 1976. Mais cette fois-ci, l’Allemagne est parvenue à anéantir les fantômes d’Antonín Panenka pour crucifier la Tchéquie en prolongation grâce au but en or d’Oliver Bierhoff (2-1). L’Allemagne remporte l’Euro 1996, et un homme reçoit le trophée du meilleur joueur du tournoi : Matthias Sammer. Un parcours qui pourrait bien s’apparenter à celui de César Azpilicueta avec l’Espagne.

L’heure de passer à l’Azpi

Libéro de la Mannschaft, l’emblématique capitaine du Borussia Dortmund avait empoché une distinction individuelle qui allait le propulser sur le devant de la scène en fin d’année civile afin de soulever le Ballon d’or 1996. À l’époque, cette désignation en avait surpris plus d’un : Sammer n’était pas l’homme le plus charismatique qui soit, mais il était un redoutable footballeur et sans doute jusqu’à aujourd’hui le défenseur allemand qui se rapprochait le plus de Franz Beckenbauer en matière de polyvalence sur le terrain. De la même manière, Azpilicueta brille par sa capacité à évoluer à plusieurs postes, même s’il n’est pas non plus le joueur le plus emblématique de la Roja.

Certains lui préfèrent le capitaine Sergio Busquets, d’autres s’émerveillent devant la prestance de Pedri ou l’expérience de Jordi Alba… Mais dans les faits, le FC Barcelone n’a pas réalisé une grande saison avec une toute petite Coupe d’Espagne accrochée à son palmarès. À Chelsea en 2021, Azpi s’est déjà offert un trophée, mais quel trophée ! La Ligue des champions dans le stade du Dragon de Porto contre le Manchester City de Pep Guardiola. Résultat ? Azpilicueta s’est fait rappeler en sélection deux ans et demi après sa dernière apparition sous le maillot espagnol et a même déjà inscrit un but contre la Croatie, en huitièmes.

Chelsea a mis fin aux rêves de quadruplé des Citizens en 2020-2021 en les sortant aussi en demi-finale de coupe d’Angleterre. Mieux encore : les Blues ont empoché le plus prestigieux des trophées avec la C1. Dès lors, tout le monde s’est extasié sur les performances stratosphériques de N’Golo Kanté. Avec trois trophées d’homme du match récoltés lors de la demi-finale aller, la demi-finale retour et la finale, le Français faisait figure de grandissime favori pour soulever le Ballon d’or en cas de succès à l’Euro. Raté. Mais à bien y regarder, quel était le capitaine à avoir soulevé la Ligue des champions pour les Blues ? César Azpilicueta. Quel sera le footballeur le plus emblématique au moment d’observer la photo de Chelsea soulevant la deuxième Ligue des champions de son histoire ? César Azpilicueta.

Lorsque l’Italie avait remporté la Coupe du monde 2006 à Berlin, Fabio Cannavaro avait marqué les esprits grâce à sa prestation globale durant l’intégralité de la compétition, chipant par la même occasion le Ballon d’or à Gianluigi Buffon en fin d’année. Pourquoi devrait-on sous-estimer la performance de César Azpilicueta, premier capitaine d’une équipe étrangère à sa nationalité vainqueur de la coupe aux grandes oreilles ? Si l’Espagne s’impose contre l’Italie et venait ensuite à remporter l’Euro 2020 à Wembley, oublier l’ancien défenseur de l’OM parmi les favoris au Ballon d’or serait un délit de faciès et un manque de reconnaissance pour un joueur à la discipline exemplaire. Azpi est devenu un homme à tout faire à Londres, il serait logique qu’on lui déroule le tapis rouge vers les sommets. Chiche ?