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Aux sombres héros de la Coupe (2/2)

Par Mathieu Rollinger
Aux sombres héros de la Coupe (2/2)

Ils sont trente-trois lauréats à s’être partagé cent lignes d’un palmarès. Mais s’acoquiner avec la Vieille Dame n’est pas forcément synonyme de prospérité éternelle. Certains clubs sont passés du faste de la Coupe de France au désastre de la relégation, de la fusion ou de la liquidation. Après l’Olympique, le CA Sports généraux, le CA Paris et le FC Sète, découvrez le parcours des cinq autres vainqueurs disparus.

Club français : la gueule de bois des Clubistes

1892-1935, vainqueur en 1931

Il fut un temps où revendiquer son patriotisme passait par enfiler une chemise noir et rose. Alors que la plupart des clubs de l’Hexagone fondés au XIXe siècle sont la création des Britanniques hors sol, le Club français est l’œuvre d’Eugène Fraysse et Charles Bernat, étudiants des beaux quartiers parisiens, s’associant pour importer ce sport de leur séjour linguistique outre-Manche. Sans terrain attitré, obligés de faire la tournée des stades de l’ouest parisien, les Clubmen deviennent pourtant des VIP des compétitions parisiennes. Si bien qu’ils sont choisis pour représenter la France lors du tournoi olympique de 1900 disputé à Paris. Au fil des années, le Club français s’incruste sur les podiums nationaux, devenant champion de France amateur 1929, et gratte quelques invitations en quarts de Coupe 1918, 1926 et 1927.

Mais l’heure de gloire des Clubistes, désormais affublés d’une belle tunique orange, sonnera en 1931 lors d’un parcours épique en Coupe de France. Les victoires contre l’OM en huitièmes (6-5, score cumulé des quatre matchs nécessaires), contre Roubaix en quarts (1-0), puis Nice en demies (6-1) ouvrent au Club les portes de la finale face au SO Montpellier. Ultra-dominateurs, les hommes du coach Fischer prennent définitivement l’avantage 3-0 au bout de 32 minutes. Le genre de soirée qui rend euphorique. Mais la descente n’en sera que plus violente. Dès le premier championnat de France professionnel en 1932, le Club français souffre encore des migraines dues aux relégations et à l’endettement. L’élimination sur tapis vert de la Coupe de France 1935 contre les modestes Auvergnats de Moulins sera la goutte de trop. Le président Badel préférera mettre fin à ce bad trip en fusionnant avec le Football Club athlétique dionysien. Comme des mecs se réveillant en panique à Saint-Denis université, terminus de la ligne 13, après une soirée trop arrosée.


AS Cannes : la descente des marches

1902-2004, vainqueur en 1932

Des longs dimanches après-midi à taquiner le ballon dans le quartier de la Bocca est né un club, fondé en 1902 par l’Anglais Herbert Lowe. Mais ce n’est que dans les années 20 que l’AS Cannes va prendre de l’épaisseur grâce à son président et mécène Louis Grosso. Le jour de l’inauguration de son nouveau stade sur la Croisette en 1921, les Cannois remportent une victoire de prestige 4-0 face au FC Barcelone (coucou le PSG !). Les Dragons arrivent à maturité pile au moment où le foot français s’apprête à se professionnaliser. En 1932, ils atteignent une finale de Coupe de France après laquelle ils courent depuis plusieurs saisons. Le 24 avril à Colombes, ils se défont du RC Roubaix au terme d’une finale longtemps indécise. Les Cannois doivent leur succès en grande partie au dispositif « WM » mis en place par l’entraîneur-joueur écossais William Aitken, qui avait vu cette tactique innovante du côté d’Arsenal.

L’année suivante, les Ascéistes seront finalistes du championnat, laissant filer le titre au bénéfice de l’Olympique lillois. Le parcours des Azuréens dans l’élite connaîtra un premier coup d’arrêt en 1948, rétrogradés en seconde division pendant 40 longues années. Il faudra attendre Jeannot Fernandez pour voir l’AS Cannes réapparaître en D1 en 1987. Un groupe qui ira jusqu’à disputer les Coupes UEFA 1990-1991, avec Luis Fernandez, Amara Simba et un certain Zinédine Zidane, et 1994-1995. Malgré les pépites formées au club (Vieira, Micoud, Frey), Cannes retombera en D2 en 1998. Un échec qui précède une longue série de galères : descente en National en 2001, perte du statut pro en 2004, fermeture du centre de formation en 2006, rétrogradation administrative en CFA en 2011, puis en DRH en 2014. Comme quoi, même après avoir foulé un tapis rouge, la gloire n’est pas éternelle.


Excelsior AC Roubaix : King in the North

1922-1948, vainqueur en 1933

Basé initialement à Tourcoing, l’Excelsior déménage à Roubaix en 1929, reprenant à un FC Roubaix à peine enterré le chaleureux stade Amédée-Prouvost. À partir de là, les Vert et Blanc sortent de la mine pour grimper petit à petit le crassier et devenir l’un des clubs phares de la dense Ligue du Nord. Les Nordistes vont néanmoins attendre 1933 pour éclater à la face du pays. Ils se qualifient pour une finale de Coupe de France, dont l’affiche offre un derby unique entre deux clubs de la même ville : les pros de l’Excelsior AC ne laisseront que peu d’illusions aux amateurs du RC Roubaix (3-1). À leur retour de Colombes, des milliers de supporters les accueilleront en héros. La ferveur du Nord, déjà.

Fidèle de la D1, l’EAC va prospérer dans les années 30 grâce à un effectif pléthorique : les joueurs du cru se mélangent à merveille avec le contingent écossais, la terreur autrichienne sur coup franc Heinrich Hiltl ou encore le futur père du catenaccio, Helenio Herrera. En 1935, c’est l’Excelsior qui mène les discussions en vue d’une entente entre les meilleures équipes du coin. C’est donc sous l’appellation Excelsior de Roubaix-Tourcoing qu’il continue son chemin dans l’élite du football jusqu’à la Libération. Avant-dernier de la Zone Nord, le club va mal négocier sa saison 1944-1945 et n’arrivera plus à raccrocher son wagon au train du foot pro. 1948 sonne la fin des ambitions du club, renommé Club olympique de Roubaix-Tourcoing. Malgré une réapparition furtive en D2 en 1983-1984, les changements de nom et les tentatives de fusion, Roubaix perd définitivement son club fanion à la suite d’une liquidation judiciaire en 1996. Aujourd’hui, il faut chercher en PHR pour trouver trace du dernier descendant de l’Excelsior, le SCO Roubaix 59.


Racing Club : la glissade des Pingouins

1896-1990, vainqueur en 1936, 1939, 1940, 1945, 1949

Lieu de sociabilisation de l’élite parisienne et écrin du sport de haut niveau, le club omnisport du Racing Club de France va ouvrir sa section football en 1896. Poids lourd de la capitale et national, il dispute sa première finale de Coupe de France en 1930, s’inclinant face à Sète (1-3). Les Racingmen vont connaître leur âge d’or dans la seconde moitié des années 30. Les hommes de Kimpton signent un doublé Coupe-Championnat en 1936, Raoul Diagne devenant le premier noir à remporter ce trophée. Les Ciel et Blanc remettent ça en 1939 face à Lille (3-1) et 1940 contre Marseille (2-1), dans une édition marquée par la guerre. En 1945, le Racing reprend le cours de l’histoire là où il l’avait laissé en s’imposant face à son meilleur ennemi du LOSC (3-0), que les Pingouins retrouveront en 1949 pour leur cinquième et dernière Coupe (5-2). Le « tourbillon » offensif du Racing s’essouffle dans les années 50, mais reste compétitive grâce aux stars Roger Marche, Thadée Cisowski ou Ernst Happel.

Le RCP retrouvera son éclat en finissant vice-champion 1961 et 1962. La descente en D2 en 1964 marque la fin d’une ère. En 1966, le club a perdu ses meilleurs joueurs et son statut pro, végétant dans les divisions amateurs pendant quinze ans. Il faudra les millions de Jean-Luc Lagardère et Matra dans les années 80 pour que les ambitions du Racing resurgissent avec un effectif clinquant (Madjer, Bossis, Littbarski, Francescoli, pour ne citer qu’eux). Mais l’adhésion du public s’achète difficilement et les mauvais résultats découragent l’investisseur, qui retire ses billes en 1989. Même s’il renoue une dernière fois avec son amour de jeunesse en disputant la finale de Coupe 1990 face à Montpellier (1-2), le club coule en 1992. Et malgré les différentes tentatives de restaurer ce monument, le Racing Club de France football Colombes 92 est aujourd’hui en DH, laissant les rêves de grandeur à d’autres Parisiens.


EF Nancy-Lorraine : le champion de Vichy

1943-1944, vainqueur en 1944

Une anomalie. La France de l’Occupation était déjà bien défigurée. Mais en cette année 1943-1944, le régime de Vichy va carrément flinguer le foot hexagonal. Commissaire aux Sports de Pétain, le colonel Pascot met en place une nationalisation du sport tricolore et instaure un championnat fédéral, avec 16 équipes créées de toute pièce, une par comité fédéral. Les 32 clubs professionnels existant alors sont obligés de prendre le statut amateur s’ils veulent continuer d’exister. L’Est est donc représenté par l’Équipe fédérale de Nancy-Lorraine. Les joueurs de la région, privés de leur club de base, sont alors convoqués dans cette franchise. Autour du coach Paul Wartel, la plupart de l’effectif du FC Sochaux-Montbéliard se retrouve sous les couleurs nancéiennes. Maintenue par le régime, la Coupe de France est elle ouverte aux clubs amateurs du pays, qu’ils soient de la zone libre ou occupée.

Sans surprise, ce sont les équipes fédérales qui vont le plus loin dans la compétition. C’est ainsi que l’EF Nancy-Lorraine retrouve en finale de cette édition l’EF Reims-Champagne, qui compte dans ses rangs Albert Batteux et Robert Jonquet, futurs bâtisseurs du grand Stade de Reims. Le 7 mai au Parc des Princes, les Lorrains vont écraser les Champenois (4-0). Trente jours plus tard, les Alliés débarqueront sur les plages de Normandie pour libérer le pays et par la même occasion mettre fin à cette mascarade sportive. Dès la saison suivante, les joueurs seront réaffectés à leur club d’origine et les équipe fédérales seront dissoutes aussi rapidement qu’elles étaient apparues. Ne restera que le nom EF Nancy-Lorraine sur le palmarès de la Coupe de France comme vestige de cette sombre période.

Retrouvez l’histoire de l’Olympique, du CA Sports généraux, du CA Paris et du FC Sète.
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