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Aux origines de Divock Origi

Par Andrea Chazy et Steven Oliveira
15 minutes
Aux origines de Divock Origi

Il est de retour. Habituel remplaçant à Liverpool, Divock Origi s’est offert une parenthèse inattendue le temps d’une rencontre en claquant un doublé face au Barça en demi-finale retour de Ligue des champions. Deux buts qui permettent à Liverpool de se qualifier pour la finale, et à l’attaquant de 24 ans de rappeler qu’il était considéré comme un futur grand lorsqu'il évoluait au LOSC. Et qu’il compte bien le devenir pour de bon.

C’est un match qui restera longtemps gravé dans la mémoire de Divock Origi. Et dans celle des supporters de Liverpool, forcément. Une soirée que l’attaquant belge, encore sous le coup de l’émotion au moment de rentrer au vestiaire, n’a pas su « décrire avec des mots » . C’est pourtant simple. Battus 3-0 au Camp Nou en demi-finale aller de Ligue des champions, les Reds ont déjoué tous les pronostics en dégommant le Barça 4-0 à Anfield. Un succès qui porte la marque de Divock Origi, auteur de l’ouverture du score et du but de la qualification. Une belle revanche pour un homme qui ne doit alors sa titularisation qu’aux absences sur blessure de Roberto Firmino et de Mohamed Salah. Tranquillement assis sur son canapé, René Girard, son ancien entraîneur à Lille, confie avoir été émerveillé par son ancien poulain : « C’est un match que tout footeux rêve de faire un jour. C’est puissance dix par rapport à ce que j’ai vu à Lille. Moi, j’avais un joueur rapide, un peu intermittent dans l’effort. On savait qu’il était capable de faire de très belles choses, mais là, il a fait un match de grand. » Même si aujourd’hui, Divock Origi a 24 ans. Un âge où regarder ses potes s’éclater sur la pelouse, en espérant gratter quelques minutes de jeu en fin de match, devrait être difficilement acceptable.

Quadrilingue et Ronny Rodelin

Divock Origi est ce que le monde du football aime appeler un talent précoce. François Vitali, alors responsable du recrutement du LOSC, n’a d’ailleurs pas mis longtemps avant de tomber sous le charme de celui qui enquillait les buts du côté du Racing Genk :

C’est l’un des talents les plus complets que l’on ait eus à Lille. Derrière Eden Hazard, évidemment.

« Il n’y avait pas besoin d’être un grand recruteur pour s’apercevoir que Divock avait les qualités pour jouer au haut niveau. Au bout d’un quart d’heure de match, j’ai appelé le directeur général pour lui dire qu’il fallait le signer. C’était un garçon qui était grand, qui allait vite, qui avait une bonne technique. En plus de ça, il était intelligent et très bien éduqué. Le tout à seulement 14 ans. C’est l’un des talents les plus complets que l’on ait eu à Lille. Derrière Eden Hazard, évidemment. »

Et si le LOSC n’est pas le seul sur le dossier, le jeune Divock et sa famille – dont le père, Mike Okoth Origi, est ancien international kényan – choisissent le club du Nord de la France. Un transfert qui donnera lieu à une procédure devant le TAS, Genk et le LOSC n’étant pas d’accord sur le montant des indemnités de transfert. Arrivé à Lille à 15 ans, Divock Origi doit patienter quelques semaines avant de fouler les pelouses françaises. Le temps de souffler sa seizième bougie. En attendant, le natif d’Ostende s’entraîne et se donne pour mission d’apprendre une quatrième langue après le néerlandais, l’anglais et le swahili. « En quatre mois, il parlait déjà français. C’est quelqu’un de naturellement doué. Sur et en dehors du terrain » , confirme François Vitali.

Désormais âgé de 16 piges, le petit génie belge peut alors gambader sur le rectangle vert lors de rencontres officielles. Le début d’une ascension fulgurante. Très vite trop grand pour jouer avec les jeunes, Divock Origi intègre le groupe pro lors de la saison 2012-2013. Jusqu’à ce 2 février 2013 et un match de Ligue 1 face à Troyes lors duquel Rudi Garcia jette son jeune prodige dans le grand bain en le faisant entrer en jeu à la place de Ronny Rodelin.

On était en train de s’échauffer ensemble et on savait qu’un de nous deux allait entrer. Garcia fait le choix de le prendre lui. Et là il marque sur son premier ballon pour arracher l’égalisation. Sa saison était lancée.

Présent, lui aussi, sur la feuille de match, Gianni Bruno raconte les premiers pas de Divock : « On était en train de s’échauffer ensemble et on savait qu’un de nous deux allait entrer. Garcia fait le choix de le prendre lui. Et là il marque sur son premier ballon pour arracher l’égalisation. Sa saison était lancée. Et moi, je savais que je reculais d’un cran dans la hiérarchie. » Ce but n’a finalement pas vraiment étonné ses nouveaux coéquipiers qui ont très vite compris qu’ils avaient affaire à un spécimen : « Je me souviens que lors de son premier entraînement avec les pros, nous nous sommes regardés et on s’est dit :« Ah ouais, quand même. »Son talent nous a sauté aux yeux » , se remémore Gianni Bruno qui se rappelle un « gars timide, qui restait dans son coin et qui ne parlait pas trop » .

Souviens-toi l’été 2014

À écouter ceux qui l’ont côtoyé, Divock Origi serait donc un doux mélange de talent et d’intelligence. Deux qualités qui font que le Belge est conscient de ses qualités. Peut-être un peu trop à en croire l’actuel buteur du Cercle Bruges : « Il savait qu’il était surdoué. Il savait aussi qu’il allait réussir, il est confiant et sûr de lui. Du coup, il n’avait pas besoin de trop bosser pour y arriver. Pas besoin de forcer. » Une attitude légèrement en dilettante qui, forcément, n’est pas en adéquation avec les préceptes de René Girard, arrivé à Lille pour remplacer Rudi Garcia. « Oui, il était un peu facile, car il avait du talent. C’est le genre de garçon à qui il fallait imprimer une rigueur de tous les instants » , se rappelle l’ancien coach de Montpellier qui avoue tout de même « n’avoir jamais eu un seul problème avec lui » . Résultat, Origi joue beaucoup (30 matchs de Ligue 1), mais ne devient un titulaire (12 fois) qu’à partir de février 2014. Le début des six mois les plus prolifiques de sa jeune carrière. Auteur de quatre buts en Ligue 1 et de prestations de très haut niveau, Divock Origi voit Liverpool lui signer un pré-contrat (pour le prêter dans la foulée au LOSC) et Marc Wilmots l’emmener dans ses bagages pour disputer la Coupe du monde 2014 avec la Belgique.

Pour justifier son choix, le sélectionneur belge énonce pour la RTBF : « C’était entre Michy Batshuayi et lui. J’ai écouté mon ventre. Et mon ventre me disait de prendre Origi qui a un profil plus proche de celui de Christian Benteke. » L’épigastre de Wilmots n’est d’ailleurs pas le seul à valider le profil de cet adolescent de dix-neuf ans qui fait tourner les têtes. Quelques jours plus tard, Origi prend part à son premier match avec les Diables rouges face au Luxembourg, la première des trois répétitions générales précédant l’événement que tout le monde attend. Origi joue une petite demi-heure, et termine avec une passe décisive offerte à Kevin De Bruyne.

J’ai fait la première fois de Mbappé, la première de Dembélé. Tu le vois dès ses premières touches de balle quand un gars est au-dessus, et ça m’a fait pareil pour Origi.

Trente minutes qui ne se résument pas seulement à cette fulgurance pour le défenseur international luxembourgeois Maxime Chanot, admiratif. Aujourd’hui au New York City FC, celui qui a côtoyé Lampard, Villa ou encore Pirlo en club se souvient comme si c’était hier de son match dans le match avec Origi : « J’ai toujours été moqué parce que je disais que c’était l’un des meilleurs attaquants contre lequel j’avais joué. Je l’avais trouvé adroit devant le but, costaud dans les duels, intelligent, rapide. Il a un profil d’attaquant que je n’aime pas trop en tant que défenseur central. Il prend la profondeur, il va vite. Ce qui m’avait marqué, c’est qu’il était dur dans l’impact. Il n’était pas forcément impressionnant physiquement, il ne faisait pas quatre-vingt-dix kilos, mais il était dur dans les duels pour un jeune qui vivait sa première sélection. » Présent lors des premières capes de Kylian Mbappé ou encore d’Ousmane Dembélé, le juge Chanot tranche : « J’ai fait la première fois de Mbappé, la première de Dembélé. Tu le vois dès ses premières touches de balle quand un gars est au-dessus, et ça m’a fait pareil pour Origi. Je savais qu’il était taillé pour le top niveau. »

Un dauphin Origi et un vent de Cavani

Au pays de la samba et du bikini, Origi poursuit sa montée en puissance et qualifie même la Belgique pour le tour suivant avec un pion planté face à la Russie lors du deuxième match (1-0).

Quand on a l’habitude de ne pas faire beaucoup d’efforts pour que ça fonctionne, le jour où il faut en faire, c’est compliqué.

Une fulgurance qui lui permet de donner son nom à un dauphin du Boudewijn Seapark de Bruges, mais surtout de gagner ses galons de titulaire pour les huitièmes face aux États-Unis puis en quarts contre l’Argentine, qui marque la fin du rêve brésilien. Le retour dans le Nord post-Coupe du monde est compliqué. Origi sait d’ores et déjà qu’il ne sera plus lillois la saison suivante, sans compter qu’il a désormais en mains les clés de l’attaque nordiste à la suite du départ de Salomon Kalou.

Un changement de statut lourd que François Vitali analyse : « Dès la saison suivante, quand il est prêté à Lille, ça n’a pas été facile. Il a l’impression que les choses vont aller de mieux en mieux. Or pour cela, il faut faire de plus en plus d’efforts. On le met dans un confort, car il est transféré à Liverpool et revient à Lille, statut différent. Il n’a pas vraiment eu à combattre pour avoir ce statut. Et quand on a l’habitude de ne pas faire beaucoup d’efforts pour que ça fonctionne, le jour où il faut en faire, c’est compliqué. » À la mi-saison, le bilan d’Origi est famélique avec seulement trois réalisations. Toutes inscrites au mois de septembre. Alors forcément, les doutes arrivent. « C’est la même chose pour tous les attaquants, nuance René Girard. Lorsque tu ne marques pas pendant quelques matchs, tu commences à douter. En plus, Divock savait qu’il ne serait plus à Lille la saison suivante, ce n’était pas toujours facile et c’est normal. C’était à nous de le tenir un petit peu plus dans la réalité, de lui expliquer qu’il faut renvoyer l’ascenseur au club qui t’a fait éclore jusqu’au bout. » Le 25 avril 2015, alors que le LOSC vient de prendre une rouste au Parc (6-1), Origi cherche un peu de réconfort et tente d’échanger son maillot avec Cavani. Qui le snobe, pour troquer sa tunique avec celle d’un jeune défenseur qui ne sait pas encore qu’il finira sur le toit du monde trois ans plus tard : Benjamin Pavard.

S’il ne finit pas la saison avec un maillot de Cavani accroché dans sa penderie, Origi termine son aventure lilloise avec huit pions et surtout plus de 2000 minutes au compteur. Il n’hésite d’ailleurs pas à parler de cette deuxième année avec le LOSC comme de l’un des moments charnières de sa carrière, comme il l’a confié au Guardian en 2017 : « J’ai joué une saison en tant que leader d’attaque à Lille, et c’était compliqué. J’ai aussi joué la Coupe du monde et notamment un quart de finale titulaire en tant que buteur de l’équipe nationale. Puis des matchs importants en Ligue Europa, je suis allé à l’Euro 2016 sans jouer, j’ai eu quelques pépins physiques… Tout ça me donne aujourd’hui de la ressource. Ce n’est plus pareil que lorsque j’avais 20 ans. » Car oui, Origi a fait un bon bout de chemin avant de faire se lever tout Anfield en demi-finale de Ligue des champions.

Les livres et la psychologie comme échappatoire

Lorsqu’on l’a vu débarquer, c’était tout sauf un gamin qui sortait du centre. Le rab de travail, la prévention ou l’hygiène de vie, c’était l’attitude d’un mec de 30 ans.

En Angleterre, Origi « le super-sub » bascule dans une autre dimension. Il vit ses premières blessures, ses premières déceptions. Notamment l’été suivant, où il ne dispute aucun match de l’Euro 2016 malgré sa présence dans le groupe de Roberto Martínez. Sous la houlette de Klopp, Origi s’épaissit au sens propre comme au figuré puisqu’il prend quatre kilos de muscle. Il découvre la Ligue Europa, où il s’illustre notamment en quarts en marquant à l’aller comme au retour face au Borussia Dortmund. Reste que, devant lui, Coutinho, Firmino et Mané continuent d’avoir la préférence de l’entraîneur allemand. Origi s’accroche, d’abord, puis se résigne finalement à rejoindre Wolfsburg en prêt. Un club « qui le veut vraiment » . Présent depuis 2014 chez les Loups, Josuha Guilavogui se remémore l’arrivée de son « frère » en Basse-Saxe : « Je l’ai accueilli comme un frère. Il devait avoir 23 ans, et il était déjà très mature. Lorsqu’on l’a vu débarquer, c’était tout sauf un gamin qui sortait du centre. C’était un pro confirmé qui avait déjà disputé de grandes compétitions. Tout ce qui était au niveau du rab de travail, de la prévention ou de l’hygiène de vie, c’était l’attitude d’un mec de 30 ans. On a très vite accroché, du fait qu’il était francophone, et il s’est intégré à notre petit groupe rapidement (composé de N’Tep, Tisserand et Di Mata). On n’allait pas en boîte, mais ça nous arrivait de se faire des restos tous ensemble. »

Dans ces moments de décontraction, Origi en profite pour s’enlever un peu de pression et s’évader. Car avec l’étiquette de transfuge de Premier League sur les épaules, dans un club qui sort d’une triste seizième place en Bundesliga, tous les jours ne sont pas faciles : « Il est arrivé avec l’étiquette du héros attendu » , pose Guilavogui. « Il devait former un duo avec Mario Gómez, sauf qu’on a joué en 4-3-3 toute l’année. Il faut savoir que Divock, c’est un véritable attaquant de pointe. Il a été excentré sur le côté droit alors qu’il a une très belle capacité de finition devant le but, donc on a pas pu utiliser toutes ses qualités. Mais à l’entraînement, d’entrée, on n’a tous vu qu’il venait d’un grand club. Tu le remarques tout de suite sur ses premiers touchers de balle, ses premières frappes, et c’était dommage de ne pas l’utiliser à son meilleur poste. »

Lorsqu’il ne foule pas les pelouses allemandes, Origi passe son temps à lire. Il se passionne pour la psychologie, au point de rester des heures sur YouTube à s’enfiler les vidéos de la chaîne TED lorsque le temps lui permet. « Quand tu vois Divock, tu crois qu’il est vachement inspiré par le modèle américain. C’est parce qu’il aime beaucoup la mode, surtout les parfums. Il a gardé pour lui le nom de celui qu’il porte, mais il a pris cette habitude-là en fréquentant Sturridge qui est un dingue de parfums, se marre Guilavogui. Ce n’est pas le genre à crier dans le vestiaire, c’est quelqu’un de plutôt introverti. Il lit beaucoup, et cette passion est facilitée par le fait que ses origines et son parcours lui ont permis de parler très bien anglais et de comprendre l’allemand. C’est quelqu’un de très spirituel. On l’avait chambré en lui disant : « Toi, t’as 23 ans et tu lis déjà des trucs de vieux », mais au contraire, c’est une bonne chose. Je me souviens qu’aux massages, on n’a pas le droit aux téléphones. Eh bien ça ne lui posait pas de problème, vu qu’il avait toujours un livre. »

Grosses siestes et jolis rêves

Titulaire de tous les instants à la pointe d’une équipe en grande difficulté, Origi trouve le moyen de planter à six reprises en championnat. À l’issue de la saison, Wolfsbourg termine barragiste pour la deuxième année consécutive et joue son avenir face au Holstein Kiel. Interrogé par les journalistes sur le nom des adversaires qu’il va affronter, Origi sèche et se prend une tornade médiatique en pleine face. Injustifiée selon son pote international français : « Les journalistes sont venus chercher la petite bête, même moi je ne connaissais pas les joueurs adverses et ils m’ont fait aussi le coup. C’était évident qu’il n’allait pas connaître tous les joueurs de 2. Bundesliga, et ils ont joué là-dessus. Ça n’avait rien d’arrogant de sa part. »

Et pour preuve : lors du match aller, Origi claque un but et une passe dé histoire de définitivement prouver son respect. Et que son important besoin de sommeil quotidien ne déteint pas sur ses performances une fois sur le terrain : « On lui reprochait souvent de dormir. Lui, deux minutes après le départ du bus, il dormait la bouche grande ouverte. C’est un gros dormeur. » Du temps pour dormir, c’est exactement ce qui attend Divock Origi lorsqu’il retourne sur les bords de la Mersey à l’été 2018. Boycotté par Jürgen Klopp pendant cinq mois, l’attaquant belge va sortir de sa sieste le 2 décembre 2018 lors du derby face à Everton. Une occasion que ne laisse pas passer Divock Origi. Alors que le temps additionnel arrive à son terme, l’ancien Lillois profite d’une bévue de Jordan Pickford pour soulever, déjà, Anfield et offrir la victoire à Liverpool (1-0). Après ce premier coup d’éclat, Divock Origi voit son temps de jeu et la confiance de Jürgen Klopp légèrement augmenter. Jusqu’à ce mardi 7 mai 2019 où il inscrit son doublé face au Barça. Un doublé qui va changer sa vie de footballeur à tout jamais. Et peut-être aussi son statut à Liverpool, qui songe, selon l’Independent, à prolonger son nouveau héros. Avant de lui faire une statue devant Anfield.

Dans cet article :
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Par Andrea Chazy et Steven Oliveira

Tous propos recueillis par AC et SO sauf mentions.

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